Favorisé par la robustesse du marché et les départs en retraite, le secteur de la construction en Colombie-Britannique devra embaucher plus de 14 600 travailleurs d’ici 2021. Malheureusement, ce secteur d’activité n’est pas considéré comme attractif, notamment par les femmes qui ne sont que 4 % à y occuper un emploi direct. Quelles sont les causes de ce désintérêt ? Existe-t-il des solutions apportées par les différents acteurs de ce secteur d’activité ?
Andréa Neuviale, ingénieure structure, travaille depuis un an à Vancouver. Bien qu’elle se sente acceptée dans ce monde majoritairement masculin, elle se souvient avoir dû se battre pour imposer son choix d’orientation. « Ma mère et mes professeurs ont essayé de me dissuader de poursuivre des études scientifiques », avoue-t-elle. Selon eux, les études en ingénierie sont très difficiles pour les femmes à cause des mathématiques. Ainsi, dès l’école, les femmes sont exclues des domaines scientifiques, qui seraient réservés aux hommes.
Des conditions de travail qui dissuadent les femmes
Ces stéréotypes perdurent dans le monde du travail. Cette Française a déjà subi des remarques liées à son sexe. « J’imagine qu’ils ne diraient pas cela à un homme, » déclare Andrea Neuviale. De plus, dans la société actuelle, « la femme est vue comme fragile » et superficielle.
Furaha Malingoto a bénéficié du programme Jeunes au Travail proposé par le collège francophone Éducacentre. Elle a ainsi pu travailler pendant deux mois sur un chantier de construction. Mais elle a décidé d’arrêter à cause des conditions de travail trop fatigantes et des ouvriers masculins « désagréables ». Aujourd’hui, elle recherche un emploi de conseillère à la clientèle.
Les hommes stigmatiseraient les femmes par rapport aux différences de force physique, et trouvent, par ce fait une raison d’exclure les femmes des chantiers. Selon Mahen Rajkoomar, coordinateur du programme Jeunes au Travail, alors que les métiers de la construction sont difficiles physiquement, « ils ne sont pas assez encadrés pour les femmes ». En effet, certains travaux nécessitent de grimper et de porter des charges lourdes en même temps. Et selon lui, n’importe quelle personne n’étant pas habituée à ce type de tâches devrait pouvoir y aller par étapes. Par exemple, sur les chantiers, les personnes ayant moins de force que les autres peuvent souder les barres de fer, ce qui ne nécessite pas de force mais de la rigueur et de la précision. Andréa Neuviale est d’accord sur ce point. « J’estime que je n’ai pas été bien informée pendant ma scolarité. J’aurais aimé qu’on me montre à quoi ressemblait la construction », précise-t-elle. « Il n’y a pas que des métiers qui nécessitent de la force physique ».
Les chantiers ne sont pas adaptés aux travailleuses. Les équipements de sécurité (les chaussures et les casques) sont généralement trop grands pour elles. Sur de nombreux sites, les femmes n’ont pas de toilettes séparées de celles des hommes. « Si tout changeait, les femmes auraient l’impression d’y être à leur place », ajoute Andréa Neuviale.
L’étude « État de la situation des femmes dans la construction au Canada », publiée en 2010 par le Conseil Sectoriel de la Construction (CSC) du Canada, déclare que la plupart des femmes ayant commencé une carrière dans la construction ne restent pas dans ce domaine plus de cinq ans. En cause, le manque d’horaires flexibles, la difficulté à concilier vie professionnelle et vie de famille, les discriminations et le harcèlement. Marie-France Venneri déroge à la règle. La présidente de l’association « Canadian Construction Women », qui est dans le métier depuis plus de 15 ans, confirme cependant le harcèlement physique et moral subi par les femmes. « Mes connaissances techniques ont été contestées sans aucune raison valable. J’ai également entendu des histoires d’abus mentaux et sexuels ». Il existe aussi des exclusions de personnes qui n’entrent pas dans les stéréotypes sur les travailleurs dans le bâtiment. « Elles ne boivent pas de bière, ne fument pas et ne regardent pas les matchs de hockey », explique-t-elle.
Améliorer l’image du secteur
Afin de faciliter l’insertion des femmes, plusieurs programmes ont été créés dans la province. BCCWITT et Trades Discovery Program for Women proposent des stages de découverte des métiers de la construction. Les femmes peuvent ainsi se rendre compte des difficultés de ces métiers avant d’entamer une formation. En plus de bénéficier de bourses d’étude, elles sont encadrées par des femmes professionnelles du secteur, qui jouent alors un rôle de modèle et de mentor. En effet, selon une étude de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), datant de décembre 2018, les femmes se sentent mieux dans un milieu de travail lorsqu’elles sont entre elles.
Toujours selon Marie-France Venneri, les directeurs de la construction devraient prendre leurs responsabilités afin de faciliter l’intégration des travailleuses. Pour cela, ils doivent valoriser les compétences et les qualités spécifiques aux femmes. Sans compter qu’elles apportent une perspective différente et contribuent à un environnement de travail équilibré. « Les femmes sont plus calmes et, par conséquent, elles réduisent les attitudes agressives sur les lieux de travail », concède-t-elle. Finalement, les ressources humaines doivent privilégier le recrutement des personnes compétentes pour la tâche donnée quel que soit leur sexe.
Développer l’inclusion des femmes dans le secteur de la construction passe par l’éducation des enfants dès le plus jeune âge. Proposer des activités manuelles et scientifiques reste le meilleur moyen d’attirer les filles, et par conséquent les femmes, vers les métiers de la construction. Et de cette façon, favoriser un milieu de travail inclusif et équilibré dans lequel les femmes pourront s’épanouir.