May I? Of course, you may. Nous sommes au mois de mai et en mai, tu le sais, fais ce qu’il te plaît. Pas besoin de me rabâcher la formule, je la connais. Chaque année avec frénésie je m’y complais. Je me libère de mes chaînes, des bonnes convenances et, sans plus aucune gêne, je profite durant ce doux mois de toute la liberté qui m’est enfin accordée. À l’exception de tout acte indécent ou pervers (la liberté a ses limites), ou autres recommandations stipulées par les Tables de la Loi qui de bon aloi nous guide, je ne m’interdis plus rien pendant ce mois. Je me fais plaisir. Je peux tout dire, je peux tout faire. Je peux même, si je le veux, me taire. Ce que je n’ai pas envie de faire. Je peux écrire des bêtises ou en faire quitte à mériter l’enfer. Pourquoi pas? Mai me le permet. Ce beau mois est fait pour moi.
Soucieux du peu de temps qui m’est accordé, 31 jours ça passe vite, je tiens à optimiser au maximum cette chance unique qui m’est offerte. Par souci d’efficacité j’ai ainsi élaboré un plan détaillé des activités qui devraient m’occuper, et auxquelles je tiens, selon un agenda plus ou moins élaboré. À ce jour je suis très satisfait des résultats obtenus. Le 1er mai en effet a démarré sur le bon pied. Je suis allé cueillir du muguet comme ma maman me l’a recommandé. Ceci fait, la même journée, j’ai défilé, en pensée seulement, avec mes camarades syndiqués pour célébrer la fête du travail qui au Canada, sans doute par esprit de contradiction, tombe le premier lundi du mois de septembre.
De toute évidence mai pour moi a bien commencé. Depuis j’envisage, parce que j’y ai droit, de faire tout et son contraire. J’ai l’intention, si je peux me le permettre, de noyer le poisson dans l’eau au risque de me faire gronder par les militants de Greenpeace. Je vais sûrement pousser mémé dans les orties pour empêcher mon voisin de marcher sur mes plates-bandes. Je compte d’ici la fin du mois prendre des vessies pour des lanternes afin d’y voir plus clair en attendant la fin des haricots prévue pour la semaine des quatre jeudis. Oh, beau mois de mai quand tu t’y mets, rien ne t’arrête. Tu en remets.
Mai me donne aussi des envies de médire, ce que je m’apprête à faire, histoire d’amorcer une tentative de connivence avec John Horgan, notre premier ministre provincial. Son nouveau collègue de l’Alberta, Jason Kenney, avec qui il ne semble pas avoir d’atomes crochus, tente d’avoir le beurre et l’argent du beurre ou si vous préférez, tente d’exploiter à tout prix son pétrole brut et profiter de l’argent de ce pétrole pour renflouer les coffres de sa province, qui, il est vrai, depuis quelques années déjà, tire le diable par la queue. Il tient surtout à redonner vie et richesses à l’industrie pétrolière de sa province sans prendre en considération les conséquences désastreuses qu’une telle politique pourrait avoir.
De surcroît, pour montrer de quel essence il se chauffe, il nous menace, nous Britanno-Colombiens, de nous priver de son pétrole si nous n’en faisons pas à sa guise. Quel culot. Un acte fratricide. Brut(e) comme son pétrole ce conservateur mal conservé. Il va finir par être le dindon de la farce.
Ce ne sont donc pas des couleuvres qu’il veut nous faire avaler mais des oléoducs. Olé, Olé, Olé, nous sommes au mois de mai et la corrida opposant le nouveau gouvernement albertain à celui de notre « Beautiful British-Columbia » nous offre un spectacle pas du tout reluisant. Jason Kenney a franchi, dès son assermentation, le Rubicon ou, plutôt, les Rocheuses en introduisant une loi destinée à fermer le robinet de pétrole qui alimente la Colombie-Britannique. Cette dernière n’a pas l’intention de se laisser faire et n’est surtout pas prête à courber l’échine devant cet embargo. Le belliqueux premier ministre de l’Alberta peut donc monter sur ses grands chevaux autant qu’il le désire. Tout ce qu’il aura accompli ce sera une bonne préparation pour le prochain Stampede de Calgary. Rappelons-nous ce proverbe arabe fort approprié : les chiens aboient et la caravane passe. Un peu de calme devrait prévaloir. « La sagesse vient en ruminant et non en parlant à travers son chapeau » nous dit un autre proverbe dont j’ignore l’origine.
À la limite, si Jason Kenney n’a rien d’autre à faire que de nous chercher noise, ou de nous secouer les puces, je lui suggère, que cela lui plaise ou non, en ce beau mois de mai, d’aller peigner une girafe. En mai ç’est ce que je fais.