L’engouement pour les ramens étant maintenant bien cuit, l’appétit vancouvérois pour la cuisine japonaise est remise au goût du jour. Une tradition millénaire encore méconnue outre-Pacifique arrive à Vancouver : les wagashi.
Les 30 et 31 mai, le maître en vogue et à la renommée internationale de ces pâtisseries miniatures aux couleurs arc-en-ciel, Junichi Mitsubori, donnera pour la première fois ici deux cours de maître. Les participants pourront découvrir la « cérémonie du wagashi », une douceur qui se présente comme la parfaite symbiose entre gastronomie traditionnelle et prouesse décorative. Deviendra-t-elle la nouvelle obsession locale ? Découvrons d’abord cette composante de l’art de vivre japonais.
Wagashi est un terme générique regroupant dans un même panier toutes les pâtisseries japonaises. A première vue, pour les Occidentaux ou non-connaisseurs, elles ressemblent aux pâtisseries françaises polychromes faites en pâte d’amande. Mais la version nippone révèle plusieurs subtilités.
Origine millénaire et ode gustative à la nature
Les wagashi (wa signifiant Japon et gashi confiserie) sont apparus à l’ère Nara (environ 700 AD), mais c’est à l’époque Edo (15e siècle) que la coutume s’est répandue dans l’archipel. La tradition est ensuite véritablement passée dans les moeurs grâce à la cérémonie du thé qui allie ce rituel connu à la dégustation de ces pâtisseries, un mariage dont certains disent qu’il vise à faire passer le goût quelque peu amer du thé matcha.
Les ingrédients utilisés sont simples, naturels et issus de l’agriculture insulaire : la farine de riz ou de blé et les haricots constituent la base. Ils peuvent être classifiés en trois catégories : ceux qu’il faut consommer rapidement, les semi-humides et les secs. A choisir, la garniture la plus prisée serait le haricot azuki selon Baron Hau, chef et co-organisateur de l’événement, « car les azukis sont souvent le choix de prédilection pour mitiger la teneur sucrée des wagashi, et la légende veut que le rouge repousse toute source de mal ».
L’attachement à la présentation de toute composante gastronomique fait partie intégrale des us et coutumes du pays, souvent décrits comme très à cheval sur la « perfection formelle, » et les wagashi n’y dérogent pas. Cette esthétique « repose sur un ensemble d’idéaux ancestraux –wabi, sabi et yugen – autrement dit le transitoire, l’imperfection, le temps qui passe, la grâce et la subtilité explique Shelley Ayashi, une Vancouvéroise ayant fait des études sur le Japon et y voyageant en moyenne une fois par an. « C’est ce qui définit leur idée de la beauté, qui ensuite se répercute dans beaucoup d’aspects de leurs vies » ajoute-t-elle. Les wagashi sont donc la quintessence de leur culture, qui respecte, voire même vénère, la nature. C’est pourquoi ils représentent invariablement des fleurs, des fruits ou tout autre symbole noble.
Ayashi ajoute que la présentation s’intègre dans « l’art des cinq sens », auquel les Japonais accordent la plus grande importance, et que les wagashi incarnent de manière idoine. De ce fait, ces pâtisseries sont caractéristiques par leurs couleurs et formes évocatrices (la vue), l’écho poétique de leurs noms, également évocateurs (l’ouïe), leur odeur savoureuse, leur texture souple et bien sûr, leur goût, délicat et exaltant.
Un maître hors du commun
Il ressemble à un chanteur de K Pop avec sa chevelure teintée gris aluminium plaquée sur le côté telle le rouleau d’une vague qui casse, et l’allure charismatique d’un designer de mode, inlassablement vêtu de son kimono noir austère à la coupe moderne. Et à le regarder manipuler les ingrédients avec lesquels il crée des œuvres d’art, on pourrait comparer Junichi Mitsubori aux petites mains des grands couturiers qui transforment une matière commune en un objet remarquable. L’épure de son geste, la maîtrise de son coup de main, la vitesse d’exécution, tout est saisissant de précision, en contraste absolu avec la difficulté de la tâche de sculpter les innombrables courbes et formes complexes sur de si petites surfaces. D’aucun pourrait parler de don et si c’est certainement vrai, c’est aussi dans l’ordre des choses, lui qui incarne la troisième génération d’artisans wagashi dans la pure tradition nippone. Et sur ce personnage résolument atypique, Hau souligne son phrasé posé et avisé, ce qui amplifie surement ses performances à la force hypnotisante qui devraient emporter l’adhésion locale.
Succès ou bouchée de trop ?
L’affinité pré-existante pour les parfums matcha et pâtes de haricot divers au sein de la large population asiatique de la ville laisse présager une « ère wagashi ». Rompue à l’essor d’un plat qui tient fortement au corps (les ramens), la scène culinaire vancouvéroise se laissera-t-elle conquérir par les wagashis, tout en volupté ? La programmation de cet atelier en début d’été est idoine en tous les cas.
Inscription aux ateliers sur le site www.nikkeiplace.org.