Ce monde va s’unifier – j’ai trouvé comment. Race, tribalisme, frontières nationales, même mon visage, vont devenir sans conséquences à l’avenir. Le monde tel que je l’ai connu deviendra finalement une réalité. Il va guérir le genre humain. Ceci est presque le mot-à-mot d’un récit trouvé dans le MGS V : The Phantom Pain Trailer.
Quand j’étais un ado, j’ai appris que la forme permanente des dents est héritée maternellement à cause des mitochondries. Mais au lieu d’aller étudier la biologie
pour devenir expert en mitochondries, j’ai choisi le génie en espérant y trouver des meilleures chances d’emploi. Pour une raison ou une autre, l’avenir de l’humanité ne m’inquiétait pas.
Ma première année dans le Grand-Vancouver, arrivant de l’Île de Vancouver, a été tout un choc. Je ne réussis pas à suivre six cours, j’en ai raté un, et j’ai été mis à l’essai le semestre suivant. Bien que j’aie réussi à hausser mon GPA pour réintégrer les rangs académiques, ce qui m’est arrivé ensuite allait tourner mon monde à l’envers.
Sans raison apparente, je me suis mis à soupçonner que les gens cherchaient à me tuer. Cette pensée m’obsédait au point de me paniquer totalement. Dans cette frénésie, je pensais à l’avenir, comment tout ce que je sais serait perdu si je mourais. J’ai donc commencé à contacter plusieurs universitaires partout dans mon université afin de leur transmettre tout ce que je sais, de la manière la plus irrationnelle possible. Cet acte de communication inappropriée m’a mené au bureau du code de conduite.
Au début, ces gens n’y ont rien vu de mal, juste un besoin d’attention. D’une certaine façon, ils voyaient en moi l’espoir d’un type intelligent qui contribuerait à la société. Un peu plus tard, ils ont décidé, après que j’aie continué à répéter mes interventions, de m’envoyer voir un psychiatre qui, après examen, a déclaré qu’il ne voyait pas de ruptures avec la réalité. En somme, il n’y avait rien d’anormal en moi.
Ces gens qui sont le socle de l’université sont les fondations du monde. Ce sont eux qui permettent aux différents créateurs de ce monde de prospérer à partir du même socle. Ils sont remplis d’espoir et de raison. Ils voyaient de l’espoir en moi parce que j’inventais, ils me souhaitaient innocent jusqu’à preuve du contraire. Ces gens sont sages.
Après les médecins, j’ai entrepris d’écrire un livre pour dire au monde ce que je savais. Je l’ai fait mais il n’était pas à la hauteur de mes exigences. Après l’avoir publié en ligne, j’ai été frappé par la sensation que tout autour de moi était le résultat de mes actions. Tout à Vancouver est devenu un message pour moi. J’ai fini par retourner à l’île, où ma mère m’a emmené chez les médecins, qui m’ont diagnostiqué schizophrène. Même eux avaient espéré ne pas me trouver cette maladie.
Avec le temps, j’ai approfondi ma découverte. Que l’extraordinaire est né de l’ordinaire. Que la création de la vie est un processus d’optimisation qui explique comment deux personnes ordinaires peuvent créer des êtres remarquables. Pour que ce processus se réalise, une société a besoin d’encourager l’espoir, l’amour et le bonheur, sans lesquels la vie ne peut prospérer.
J’ai été emporté dans une maladie permanente par cette connaissance. Comment chaque seconde passée a été une vie qu’on ne peut plus récupérer. Dans le moment, l’avenir de l’humanité est perdu à cause de moi. Quelqu’un d’autre devra assumer ma succession. Aux yeux de l’administration de mon université, j’étais le capitaine Ahab d’un équipage solitaire lancé dans une recherche démentielle pour changer le monde. Maintenant, je suis Ismaël. Le seul survivant de ma propre démence. Tels les personnages de Moby Dick, je pense à la fois à prendre mon repos et à revivre pour en faire le récit. Tout comme dans la chanson The Man Who Sold the World, j’ai involontairement menti à ces gens. Un mensonge involontaire.
Traduction par Louise Dawson
Post-scriptum : A noter que le 24 mai est la journée mondiale de la sensibilisation à la schizophrénie.
Pour plus d’information : www.keltymentalhealth.ca/blog/2012/05/may-24-international-schizophrenia-awareness-day