Les chiffres sont alarmants : les jeunes nord-américains passent seulement 30 minutes par jour en pleine nature selon un sondage de la Fondation David Suzuki. Et ce, en dépit d’un territoire jouissant de perspectives multiples d’un océan à l’autre. Comment comprendre ce paradoxe ?
« Nous avons créé une image de la nature et du plein air dont seuls quelques individus ont le droit de disposer. » regrette le jeune Albertain Chúk Odenigbo.
Partant de ce constat, il a écrit avec Samantha Matters un roman graphique à rebours de ce cliché pour rétablir un équilibre de représentation et opérer un changement
culturel.
Les forces de la nature : l’enfant de Gaïa explore le lien entre la nature et les jeunes. Le livre se veut un guide aussi ludique qu’éducatif proposant les multiples occasions de découvrir des espaces verts et marins, et d’en profiter. Cela, en fonction de sa personnalité et faisant fi de son origine ethnique. Il se veut donc aussi un rappel à la réalité de l’image trop souvent relayée de la nature canadienne et de ses pratiquants : des citoyens caucasiens faisant du camping ou de la randonnée.
« Ce tableau ne reflète ni notre diversité ethnique ni les différentes activités que l’on peut entreprendre dans la nature, » précise-t-il.
Cette prise de conscience leur est venue lors d’un travail de publication similaire commissionné par le Conseil canadien des parcs. Suite au succès international et institutionnel du rendu, les deux Albertains ont ressenti le besoin de continuer sur la lancée de ce plan d’action de resserrer le lien entre les jeunes et l’environnement et de poursuivre leurs efforts de redéfinir la nature comme pour toutes et pour tous.
Des superhéroïnes et superhéros pour ouvrir la voie
Les forces de la nature se réfèrent à un ensemble de treize superhéroïnes et superhéros sciemment choisis pour illustrer de manière inclusive la diversité ethnique nationale. Chaque protagoniste personnifie à sa manière la nature canadienne. Aucun ne porte de costume ni d’accessoires magiques afin que le lecteur puisse s’identifier de facto. Dans la même veine, les superpouvoirs sont organiques, issus de la nature, et utilisés contre les anti-héros qui empêchent les citoyens de profiter du plein air. Au fil des pages, on ressent clairement la volonté des auteurs d’encourager les jeunes à découvrir le rapprochement de la nature qui leur correspond intrinsèquement à travers les pérégrinations de Kyle, Guylaine et comparses. Ceux-ci s’engagent dans des activités moins connues mais qui méritent de l’être, telles que la collecte de déchets sur les plages ou celles plus « détente » et accessibles que sont le simple fait d’admirer la voie lactée ou de visiter un aquarium.
« Notre livre a pour but non seulement de montrer la diversité de pensées, de personnalités et d’approches des pratiques en milieu naturel, mais aussi de montrer que toutes se valent. Il n’en existe pas une unique ou qui aurait plus de valeur que les autres. » fait valoir Chúk Odenigbo.
Les superpouvoirs de la nature
L’idée du livre lui est venue un soir de l’été 2017, lorsque les films hollywoodiens de superhéros étaient omniprésents .
« Il était minuit et je marchais dans un parc quand, tout à coup, j’ai eu cette vision, j’ai vu les personnages, une vague idée d’histoire m’est venue et j’ai appelé Sam vers 3 heures du matin, essayant de lui expliquer tout cela. Elle a adhéré tout de suite ! » s’exclame Chúk Odenigbo.
L’engagement personnel de Samantha Matters s’explique par son propre vécu. Ayant dû déménager en ville, elle a pris conscience de la facilité et la vitesse de détachement avec la nature induits par l’éloignement.
Les étoiles se sont ensuite naturellement alignées.
« Quelques jours après, j’ai présenté le projet à un rassemblement Génération plein air organisé par le grand magasin de sport MEC, et ils se sont dit intéressés. Et quelques mois après, j’ai été retenu pour le programme Ocean Bridge codirigé par l’ONG environnementale Ocean Wise et le gouvernement du Canada qui permet à 40 jeunes Canadiens de mener à bien un projet éducatif sur les océans, » explique Chúk Odenigbo. Cette thématique sous-jacente du livre est due à une rencontre qu’il a faite lors d’un voyage sur l’île de Haida Gwaii (Colombie-Britannique).
« Les aînés nous ont expliqué à quel point les océans sont importants et à quel point notre vie leur est liée, » partage-t-il.
Et à l’image de l’engagement des peuples autochtones pour la protection de l’environnement, les auteurs espèrent toucher le plus grand nombre par le biais de ce « très beau livre bilingue dans lequel nous avons mis tout notre coeur ».
Les forces de la nature est disponible en anglais et en français, gratuitement ou sur don, sur plusieurs plateformes.
Retrouvez la liste sur www.thepoison-theapple.ca