Crossing Mountains and Seas, présenté par l’Orchid Ensemble, s’inspire des jeux vidéo pour revisiter un classique de mythes et légendes de l’Antiquité chinoise.
Dans cette production pluridisciplinaire, les récits et les personnages prennent vie au moyen de danses aériennes mêlées d’animations graphiques, le tout sur fond de musique chinoise contemporaine. Le rendu se situe entre Canada contemporain et monde imaginaire ancestral chinois, entre réalité et symbolisme. La directrice artistique et le cocréateur partagent la genèse de cette production d’un tout autre genre.
Le recueil sinophone Livre des monts et des mers, dont l’auteur est encore incertain à ce jour, est une célébration du monde Shan Hai Jing où règne l’harmonie parmi ses créatures hybrides, créatures qui incarnent un idéal de multiculturalisme. Réinterprétant les nombreuses métaphores du livre, la production donne un coup de projecteur sur l’intolérance croissante de notre société contemporaine. Si le sujet de l’insertion sociale n’a rien de nouveau, Orchid Ensemble réussit une piqûre de rappel nécessaire sur cette problématique sociétale prenante, et le fait exemples à l’appui. Pour une mise en pratique facilitée ?
Un parangon de tolérance
Ce message d’acceptation inconditionnelle est ce qui a véritablement motivé le cocréateur Sammy Chien à adapter ce livre, découvert dans son enfance. Ce qu’il en retient, c’est l’imagination sans fin et le sentiment de liberté qui en émanent. Pour lui, l’oeuvre était à l’avant-garde de la défense de cette vertu salvatrice de tolérance et allait déjà bien au-delà de la collaboration interdisciplinaire, concept qu’ils ont voulu reproduire.
« (Ce livre) casse les codes et dissout le caractère confinant de tout catégoriser », confie-t-il.
Le processus de création s’est articulé autour d’une réflexion tenue par le collectif sur « l’oppression systémique et les divisions de nos sociétés ; elles ne peuvent s’élever au-dessus des limites de nos perceptions, des étiquettes que l’on appose, des discriminations et de toutes ces réalités. Même dans les arts. Ce livre apporte véritablement une nouvelle dimension de ce que pourrait être la réalité, jusqu’où l’imagination pourrait aller, » exprime Sammy Chien.
En conclusion, il souligne que le leitmotiv était de souligner la perte de la sagesse lorsqu’il s’agit d’aborder toute chose hybride, ainsi que la perte du concept de fluidité et d’ambiguïté auxquels nous faisons face à l’heure actuelle et qui sont si bien exposés dans le livre.
« Le monde qui y est représenté illustre la diversité et la créativité en tant que norme et non comme exception à la règle, » précise Sammy Chien.
Ainsi, le spectateur pourra retenir la perspective comme clef : sur les différences physiques et sociales, sur la limite entre technologie et spirituel, et entre réalité et imaginaire.
La directrice artistique, Lan Tung, connaissait déjà également l’ouvrage avant le lancement du projet. Elle en est d’ailleurs à l’initiative.
« Lorsque je suis récemment retournée à Taiwan, je suis allée voir une adaptation théâtrale (du livre). J’ai été saisie par l’inspiration créative insufflée par la pièce, »confie-t-elle.
Tout comme Chien, elle estime que le livre « fournit le cadre d’un monde imaginaire basé sur des créatures hybrides duquel nous pouvons nous inspirer ».
Un chemin de résilience
Cette bascule incessante entre monde réel et chimérique a inspiré le recours à la danse, la musique et l’intégration de différentes projections multimédia. Le caractère unique réside dans le fait que le script n’est pas gravé dans la roche. La musique est improvisée lors de certains passages. De même, les animations fixes alternent avec des technologies mises en mouvement en temps réel, dans le but de laisser un maximum de leste à la performance des danseurs et des musiciens, afin de suivre le rythme qu’ils imposent.
« L’avantage vient des différents éléments qui se complètent ainsi, » explique Mme Tung. « Les artistes visuels contrôlent ce qui se passe sur scène depuis les coulisses. Il s’agit d’une manipulation visuelle in situ pour définir le cadre d’un ballet parfait entre la danse et la musique. »
Elle ajoute que le livre n’est que la base de ce projet.
« Les personnages de la production voyagent entre les deux mondes grâce à un jeu vidéo. Ce sont des joueurs. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé sur les concepts de cette culture et fait des recherches sur les différents styles, » explique-t-elle.
Sur le choix de la musique, Mme Tung maintient que l’un des objectifs d’Orchid Ensemble est de s’éloigner de la préconception du son que la musique chinoise devrait produire.
« Par exemple nous avons des instruments occidentaux et non traditionnels. Mes compositions sont d’influences multiples, » précise-t-elle.
Grâce à ce dispositif artistique innovant, cette production multimédia pourrait relancer le culte des légendes urbaines chinoises. Quoiqu’il en soit, danses, jeux vidéo ou musique, ancestral et moderne, il y en a pour tous les goûts !
Programmation unique le 20 juillet, billets sur www.orchidensemble.com