Vous connaissez sans doute l’expression « y a plus de jeunesse » prononcée, depuis aussi longtemps que je me souviens, par des adultes dépités, désabusés face à une jeunesse qu’ils ne comprennent pas, qu’ils ne saisissent pas et qui leur cause des tourments. « Y a plus de jeunesse », un euphémisme pour dire, histoire d’être poli : « Ces jeunes, quelle bande de vauriens ». « Y a plus de jeunesse », une façon désobligeante et dérogatoire de juger le comportement d’une génération qui en est à ses débuts et dont on met en doute les capacités.
Avant de poursuivre, et surtout afin d’éviter tout malentendu, il me semble nécessaire de définir tout d’abord ce qu’est la jeunesse. Si j’en crois les dictionnaires, la jeunesse serait le temps qui sépare l’enfance de la maturité ou encore de l’âge adulte. Petit hic à relever ici : adulte et maturité ne se confondent pas nécessairement. Il y a des adultes capables d’enfantillages et des adolescents démontrant au contraire une grande maturité (Voir Greta Thunberg contre Donald Trump). Disons, pour faciliter la suite de mon propos, que la jeunesse dont il est question dans cette rubrique se situe entre l’âge de 16 et 21 ans. Choix arbitraire, je le concède, mais j’en prends la responsabilité.
« Y a plus de jeunesse », cette expression n’a plus de raison d’être. Elle n’a, à vrai dire, jamais eu de raison d’être. De nos jours encore moins. Car la jeunesse actuelle, de par ses actions, de par sa volonté, de par son attitude, de par son courage, de par sa persévérance nous force à reconnaître son existence et surtout nous oblige à l’apprécier. Cette jeunesse, voyez-la faire, regardez-la aller. Elle ne veut pas se laisser abattre, elle ne souffre pas de défaitisme, elle ne s’avoue pas vaincue. Folle d’espoir elle a confiance en elle. Elle a pris le leadership laissé vacant par d’ignobles chefs d’état peu préoccupés du bien-être des générations en devenir. Elle nous montre la voie, elle nous indique la bonne marche à suivre.
La jeunesse, à l’échelle mondiale, dans les pays où elle peut se le permettre, a décidé, à juste raison, devant l’incapacité d’agir du monde des adultes, de se mobiliser et de se prendre en main. Bravo. Les jeunes ont bien raison de nous enlever le droit de faire la pluie et le beau temps car nous sommes absolument incapables d’assumer nos responsabilités face, entre autres, au réchauffement climatique et autres problèmes environnementaux. Nous avons fait preuve et continuons de faire preuve de négligence envers les futures générations.
La jeunesse d’aujourd’hui nous pointe du doigt et ce doigt accusateur nous déclare coupables. Coupables d’avoir manqué à notre devoir fondamental de gestionnaires de la planète. Jeunesse et planète : nous les avons négligées. Nous devrions être condamnés à mourir de honte à perpétuité.
Bien, mettons fin à ce déplorable exercice de culpabilité et de repentir. Je me suis suffisamment flagellé en plus de vous avoir entraînés dans ma tourmente avec mes « nous » en parlant de vous. Allons de l’avant, passons par-dessus le passé. Ce qui est fait est fait, même si c’est mal fait. À l’exemple de cette jeunesse qui se bat pour son avenir, mobilisons-nous pour les soutenir. Pour commencer, abaissons le droit de vote à 16 ans comme l’a recommandé la mairesse de Victoria, Lisa Helps, au cours du congrès de l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique. La jeunesse s’est politisée. Elle mérite, au même titre que tout adulte, d’être maîtresse de son destin. Elle a ses droits. Elle connaît ses responsabilités. Elle est prête à les assumer.
Pas étonnant donc que les préoccupations écologiques aient pris tant d’ampleur au cours de la campagne électorale fédérale. À l’exception d’Andrew Scheer et de Maxime Bernier, pour ne pas les nommer, tous les chefs de parti saisissent que les questions environnementales sont à l’ordre du jour et représentent un enjeu non négligeable dans cette campagne. L’ignorer c’est s’aliéner une grande partie de l’électorat, particulièrement celle des jeunes. Aux quatre coins de la planète les jeunes étaient présents par millions aux avant-postes lors de la marche pour le climat. Va-t-on enfin les prendre au sérieux ? Il serait temps de leur faire confiance.
« Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait » disait Henri Estienne au XVIe siècle. Aujourd’hui nous pouvons lui répondre : la jeunesse sait. Elle sait ce qu’elle veut, elle sait ce qui lui reste à faire. Quant à la vieillesse (les adultes sous-entendus), de toute évidence, elle ne peut pas ou elle peut peu. La jeunesse en sait quelque chose.