D’où venez-vous ? » Cette question m’est familière. Je l’entends depuis mon arrivée au Canada à l’âge de 16 ans. Je me souviens du visage plissé de confusion de mon camarade quand il a entendu la réponse. « Mais tu n’es pas…. » « Il y a toutes sortes de gens en Afrique du Sud. »
Je ne m’étais pas rendu compte que la couleur de ma peau serait une surprise. Je ne m’attendais pas à ce que les gens me demandent si des lions erraient dans les rues. Je ne savais pas que j’avais un accent jusqu’à ce que je demande de l’eau dans un magasin et qu’on me demande de répéter avec un regard perplexe. J’étais désormais entourée de sapins triangulaires au lieu des arbustes familiers qui peuplaient les rues de Johannesbourg, en Afrique du Sud. La vue de Smarties dans le Safeway m’excitait, mais ma langue en a rejeté le goût sucré qui avait remplacé le chocolat crémeux que j’avais l’habitude d’apprécier auparavant. J’ai vu un étudiant noir dans mon école. Je m’attendais à voir plus d’étudiants noirs, mais il n’y en avait pas. Venant d’un pays où la majorité des gens sont noirs, c’était surréaliste, comme si quelque chose manquait.
Je viens d’un endroit où il n’est pas possible de prétendre que nous sommes tous pareils. Ayant grandi pendant l’apartheid en Afrique du Sud, où les gens ont été classés en fonction de leur race et démarqués en conséquence, certains de ces différends m’ont été révélés à un très jeune âge. Je ne l’ai compris que plus tard, mais j’en ai ressenti le malaise.
Ma venue à Vancouver a entraîné un autre type de malaise. Tout au long de mon séjour ici, je me suis sentie plus à l’aise avec d’autres immigrants, des gens pouvant s’identifier à mes expériences. Je m’assieds avec une amie vénézuélienne qui me dit qu’elle a envie d’emmener ses parents à Vancouver et je ressens sa peine. Un Africain me confie son histoire, celle d’avoir évité un génocide. Je ris avec mon ami mexicain à des blagues qui sonnent avec un humour sarcastique semblable à celui utilisé en Afrique du Sud. Nos périples jusqu’ici ont été très différents, mais le sentiment de déplacement, d’être un étranger et de repartir de zéro, c’est ce qui nous unit.
Lors d’une de mes visites en Afrique du Sud, j’ai souri à l’homme noir derrière moi dans la file d’attente. Il a souri en retour. « Pouvez-vous acheter mon pain pour moi ? » Je ne pouvais pas répondre. Ma belle-mère a ri et m’a avertie de faire attention: ils essaient d’obtenir ce qu’ils peuvent de toi. Je n’ai pas aimé ce sentiment de devoir ajuster mon comportement en fonction de la race de la personne devant moi. Ce n’est plus mon quotidien et je ne veux pas que ce le soit.
Dans un atelier de réconciliation auquel j’ai assisté récemment, on nous a demandé de partager notre identité culturelle. J’ai entendu d’autres immigrants faire un trait d’union: « nationalité d’origine-canadienne ». J’ai senti mon cœur battre plus fort à mon tour. Y avait-il moyen de ne pas utiliser de trait d’union, simplement de dire: « Je suis Africaine » ?
Normalement, je dirais que je suis Sud-Africaine, mais le concept d’identité culturelle me semblait une question plus importante. Et à la lumière de la violence xénophobe qui s’est récemment rétablie en Afrique du Sud, m’identifier comme faisant partie du continent plutôt que d’être séparée de lui a paru important. L’Afrique est le battement auquel mon cœur est sensible, la terre dans laquelle mon être a été nourri, ce sont mes racines et ma fondation.
Je me réconcilie toujours pour vivre en ce pays. Et me réconcilier avec le fait que son histoire opprimante n’est pas si différente de celle du pays où j’ai grandi
Je suis reconnaissante de pouvoir rencontrer des gens du monde entier à Vancouver, d’apprendre à connaître différentes cultures, de me faire des amis au-delà des limites et des frontières. Nous venons tous de quelque part. Le lien avec mes ancêtres me donne une position solide, cela ne crée pas une ligne que j’utilise pour diviser. Les habitants de cette ville ont des origines très diverses, mais nous nous sommes tous retrouvés ici. D’une façon ou d’une autre. Disposés ou non. De façon permanente ou transitoire.