Wilfried N’Sondé, auteur de plusieurs romans à succès, ne laisse pas indifférent.
Ce père de famille qui sait jouer avec les mots pour transmettre ce qui lui semble « rapprocher l’humanité » participera au Vancouver Writers Fest qui aura lieu du 21 au 27 octobre.
Humanisme, multilinguisme et tolérance
« Il existe des différences dans l’humanité et c’est une bonne chose mais elles sont souvent superficielles. Il est heureux de mettre aussi en avant ce qui nous rapproche ». Voilà le message principal de l’oeuvre de cet écrivain contemporain.
Né en 1968 à Brazzaville, au Congo, c’est à Melun, en banlieue parisienne que W. N’Sondé a grandi. Une fois sa maîtrise en sciences politiques à la Sorbonne en poche, il décide de s’installer à Berlin peu après la chute du mur en 1989. Il y est devenu travailleur social en s’occupant de jeunes en difficulté et a commencé à faire de la musique. Il a fait partie d’un groupe d’artistes militant en faveur de la tolérance en opposition aux groupes fascistes de l’époque.
La langue que W. N’Sondé a le plus parlée est l’allemand – ayant passé « la moitié de sa vie » à Berlin jusqu’en 2015 – mais c’est en français qu’il choisit d’écrire car c’est la langue qu’il maîtrise le mieux.
« En matière de langue on est très opportuniste, » explique l’auteur. « J’ai toujours vécu dans le multilinguisme, je trouve cela beaucoup plus intéressant, une langue n’en chasse pas une autre, elles s’accumulent et on gagne à en parler le plus possible. C’est important de faire l’apologie du multilinguisme plutôt que d’essayer d’imposer sa langue aux autres ».
Mr. N’Sondé parle ainsi au moins cinq langues dont – en plus du français et de l’allemand –
sa langue maternelle le Kigongo, l’anglais et l’espagnol.
De la poésie au roman, un message social
C’est vers l’âge de sept ans que la vie de l’auteur a été « révolutionnée » par une nouvelle « activité rêvée » : la bibliothèque municipale. Issu d’un milieu modeste, il trouvait ce lieu facile d’accès « agréable ». Il a d’abord commencé à lire des BD et des livres pour enfants avant de découvrir plus tard, à l’adolescence, la poésie et le romantisme.
« J’ai été subjugué par cette façon de parler du monde côté coeur avec des situations très dramatiques et belles à la fois, une façon de percevoir l’humain et le monde qui m’a chamboulé, » explique-t-il.
Touché par ses lectures telles que Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, il a commencé à écrire ses premiers poèmes vers l’âge de quinze ans. Ses textes ont rapidement eu une composante sociale.
« Je n’habitais pas le quartier le plus huppé de l’Île-de-France, j’étais donc très sensible à ce que j’observais, donc très vite ma poésie est devenue sociale et romantique, » raconte l’auteur.
C’est après 2005 qu’il découvre la nouvelle puis le roman qu’il considère être « une forme totale d’expression. »
En 2007, il publie son premier roman, Le Cœur des enfants léopards, qui remporte le Prix des Cinq Continents de la francophonie et le Prix Senghor de la création littéraire.
Dans ses oeuvres, l’écrivain parle d’amour et soulève des questions sociales. « En vérité, les questionnements sociaux ce sont des questionnements humains, ce qui m’intéresse c’est l’intériorité des personnages face aux situations de vie que nous connaissons tous. L’universel m’intéresse beaucoup, » confie-t-il.
Depuis, l’auteur a écrit quatre autres romans dont le dernier en 2018 – Un océan, deux mers, trois continents – reçoit le Prix Ahmadou-Kourouma. Inspiré par des faits historiques, l’auteur plonge le lecteur dans la vie d’un personnage du 17e siècle témoin de la traite transatlantique, de l’Inquisition et du traitement des femmes.
« Son regard sur ce début du 17e siècle peut être considéré comme une sorte de concentré brut du monde du 21e siècle » car dans le fond, « les humains du 17e siècle sont des humains comme nous avec les mêmes émotions. »
Le lecteur ne sort pas indemne d’une telle expérience d’écriture. Wilfried N’Sondé nous confie en effet s’être senti «épuisé et choqué avec un sentiment de grand respect pour toutes les victimes de cette histoire ». Il retiendra cependant « qu’il est impératif de ne pas reproduire ce type d’erreur. Nos anciens ont connu des heures terribles, faisons autre chose, arrêtons de nous disputer pour savoir qui est responsable de quoi, essayons de produire une autre humanité. »
Il rappelle aussi que le sexisme est la première porte d’entrée à toute forme de discrimination.
« On pourrait penser que lorsqu’on parle de la traite transatlantique le problème est un problème de couleur de peau, mais non, l’esclavage commence par le sexisme, » précise l’auteur. « Ça commence dans la cellule familiale avec Monsieur qui va considérer que Madame, parce que c’est une femme, est un être humain inférieur. Et de cela vont découler toutes les discriminations car l’enfant, tout petit, va apprendre qu’il y a plusieurs sortes d’êtres humains qu’il faut hiérarchiser. »
Mr. N’Sondé nous invite à la vigilance.
« Le germe de la soumission et de la surexploitation sont en nous, dans nos sociétés, c’est important d’en repérer les signes pour les combattre, » souligne-t-il.
L’écrivain vit aujourd’hui à Lyon en France et travaille sur un nouveau projet littéraire. Il continue à jouer de la musique en duo avec son frère Serge.
« Nous jouons partout où l’on veut de nous » commente-t-il en souriant. Leurs concerts littéraires sont également porteurs de messages d’amour et de tolérance.
« Je suis toujours ravi d’aller au Canada, dans le nouveau monde, » partage Wilfried N’sondé. « Tout le monde au Canada est conscient de venir de quelque part, il y a donc moins de crispation sur la possession de l’espace comme c’est le cas en Europe et en Afrique. Je suis ravi de découvrir Vancouver. »
En savoir plus : www.writersfest.bc.ca
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