Dans le cadre des 20 ans du journal La Source, Luc Bengono est allé à la rencontre de plusieurs anciens collaborateurs de la section française. Voici son entrevue avec Bernard Ho, rédacteur en chef adjoint puis rédacteur en chef durant son passage à la rédaction du journal.
Durant quelle période avez-vous travaillé pour le journal La Source ?
J’ai travaillé à la rédaction de La Source de novembre 2006 à janvier 2011. D’abord en tant que pigiste, ensuite en tant que rédacteur adjoint puis rédacteur en chef de la section française.
Comment et dans quelles circonstances avez-vous commencé à collaborer avec le journal ?
Après quelques années à Vancouver où j’ai vécu dans une immersion totale en langue anglaise, mes origines françaises par ma naissance ont eu besoin à un certain moment de ma vie ici de s’exprimer. Je me suis donc intéressé un peu plus à la communauté francophone à Vancouver et j’ai décidé de m’investir en tant que bénévole. J’ai dû faire face à des portes fermées en contactant les organisations culturelles francophones locales pour une raison de préférence “québécoise” plutôt que française. Un peu déçu de me buter à cette situation un peu ridicule des milieux associatifs en milieu minoritaire, j’ai suivi ensuite les événements un peu à distance jusqu’à ce que je tombe sur le journal La Source qui m’a ouvert ses portes. Sa vision totalement différente et bien plus ouverte m’a rapidement séduit. Au début un peu méfiant, j’ai été fermement, par la suite, convaincu de m’engager pleinement.
Au moment de son lancement, Mamadou Gangué, le fondateur, avait pour ambition de « s’intéresser de près à l’actualité des différentes communautés qui composent notre mosaïque culturelle… Et de mettre en évidence les évènements majeurs de toutes les communautés avec le secret espoir d’établir des ponts entre elles ». À votre époque, pensez-vous que le journal était fidèle à cette ligne éditoriale ?
A 1000%. A l’époque, la situation de la francophonie locale était en coulisse, un peu catastrophique à mon avis. Tout le monde se livrait à une petite guéguerre pour aller chercher des subventions. Une subvention gagnée chez le voisin signifie tôt ou tard une subvention perdue chez l’autre. Mamadou Gangué se fichait de cela, et faisait bande à part avec son journal. Il était bien plus dans l’entraide que dans les petites guerres internes. C’était un peu le grand sage des communautés qui restait dans l’ombre en silence, et distribuait des «occasions» aux gens. Quelques moyens de PME, mais plein de bonne volonté, cela profitait aux nouveaux arrivants débrouillards à l’esprit pionnier et conquérant.
Pour preuve, le journal continue sans cesse, avec une résilience inébranlable, à s’intéresser à toutes les communautés de Vancouver (locale, autochtone, latino, européennes, asiatiques, africaines, etc…) aussi diverses soient-elles, forçant un petit groupe de Français à aller vers les autres sans hésitation plutôt que de se regarder le nombril. Cela crée des ponts aussi bien pour les collaborateurs que les lecteurs. Le journal voit la différence comme une richesse et non comme une tare ; il se tourne vers le positif et jette un coup de projecteur sur les coins d’ombre qu’on oublie ou qu’on ne veut pas voir, balaie les préjugés et nous fait apprendre sur les autres pour qu’ils deviennent un peu moins inconnus.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre collaboration avec le journal La Source ?
Mamadou Gangué est très calme. Il donne carte blanche à ses collaborateurs pour la proposition des idées de sujets. La qualité du journal dépend d’une certaine façon de l’apport des collaborateurs à la rédaction. Le journal jette aussi un coup de projecteur sur la culture à Vancouver. On entend souvent dire qu’il y a très peu de culture par rapport à l’Europe. Que nenni, la culture est très riche ici, mais il faut aller la chercher et combattre notre côté fainéant qui attend que tout vienne vers nous.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous deviez faire face?
Je me souviens parfois que l’équipe de la section française du journal était pratiquement vide. Il n’y avait que très peu de personnes, on écrivait des fois plusieurs articles par personne pour le même numéro. Le fait que tout le monde était bénévole était un défi car il fallait s’investir dans le journal, et la ville de Vancouver est chère. Créer une équipe et trouver la recette pour qu’elle reste à long terme a été un vrai parcours du combattant. Mais une fois cela réussi, c’était une famille bien plus soudée que le côté anglo du journal 🙂
À votre avis, quel visage présentera ce journal dans vingt ans ?
J’espère déjà que le journal continuera d’être toujours là. Avec la disparition des publications papier et l’évolution de la société vers le toujours plus efficace et rapide, cela met une pression sur la culture au sens traditionnel du terme. Il y aura en tout cas, toujours des gens comme Mamadou Gangué qui voudront créer des ponts, une autre génération, une autre façon de faire parvenir ces messages, un autre style. Peut-être dans la réalité virtuelle ? Qui sait !
Si on avait, un jour lointain, lorsqu’on était émerveillé devant un écran d’ordinateur en noir et blanc, imaginé avoir 40 000 fois plus de puissance dans un petit appareil rectangulaire qui tient dans le creux de la main…
Quelles améliorations peut-on y apporter ?
Ça fait 20 ans, la recette marche encore, mais il faut s’adapter à son temps, à son milieu. Rester local, s’agrandir, toucher plus de sujets. Tout est possible, ça va être une question de moyens et bien sûr de volonté.
Ça va bien faire sept ans que je ne suis pas retourné dans les locaux de La Source. A mon départ, ça s’agrandissait encore 🙂 J’espère que La Source innovera, trouvera des solutions et une équipe super motivée pour changer, influencer en bien les gens de Vancouver et au-delà. Pourquoi pas… après une collaboration avec la radio, on s’attaquerait bientôt à la télé ? Ou la création d’une chaîne YouTube ?
Vous souvenez-vous d’une anecdote que vous pourriez partager avec nos lecteurs ?
La Source m’a énormément apporté, au point de vue personnel comme professionnel. Être en compagnie de personnes ouvertes et bénévoles est très agréable et pousse tout le monde à se surpasser. Parfois, certains ont énormément de progrès à faire en grammaire/orthographe/conjugaison. J’en ai vu des vertes et des pas mûres !
Où vivez-vous et quel emploi occupez-vous actuellement ?
Après La Source, je me suis orienté davantage vers le monde associatif à Vancouver en créant Vancouver en français ; parallèlement, j’ai créé une petite entreprise dans le monde des métiers de bouche. Je vis toujours à Vancouver, et je suis maintenant ingénieur dans l’industrie verte (mon premier amour). Je suis également réserviste militaire et je possède une entreprise de Consulting pour continuer à aider ma communauté et servir mon pays.
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Propos recueillis par Luc Bengono
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