Ils font des millions de victimes chaque année. Leur action impacte bien au-delà des végétaux, la faune et les humains. Pour rappeler leur existence et la menace qu’ils font peser sur nous, l’UNESCO a décidé de faire de 2020 l’année internationale de la Santé des végétaux.
Ces horribles agresseurs, ou plutôt « bioagresseurs » se retrouvent un peu partout. Il peut s’agir de bactéries, d’insectes, de champignons, d’arthropodes et même de simples mauvaises herbes. Sans oublier non plus certains composés chimiques utilisés par les humains.
Gare aux champignons
L’objectif, selon l’UNESCO, est de « susciter une prise de conscience du grand public et des décideurs sur l’importance de la santé des végétaux (…) et de renforcer les services de protection des végétaux à tous les niveaux ». Les sociétés sont très étroitement dépendantes de la santé végétale pour leur alimentation, mais la biodiversité et l’environnement sont tout aussi importants.
Selon la revue scientifique Science Advances il existerait environ 450 000 espèces distinctes de plantes terrestres, et 36,5% d’entre elles sont considérées comme « très rares » et donc vulnérables. Ce tableau, brossé par une équipe de 35 chercheurs menée par Brian Enquist (Université de l’Arizona), étonne car autant certaines variétés peuvent se retrouver dans le monde entier (avec quelques spécificités locales) autant d’autres ne se retrouvent que dans de très petits territoires, parfois peu accessibles mais très sensibles au changement climatique. Une sécheresse un peu prolongée ou des pluies diluviennes peuvent mettre en danger leur existence en un laps de temps très court.
Cependant, ce qui intéresse surtout l’UNESCO, c’est l’impact que peuvent avoir les bioagresseurs sur l’humanité et les moyens de les combattre. On l’oublie souvent, mais certaines des plus grandes catastrophes des siècles précédents ont été causées par de simples champignons.
En 1943, entre deux et quatre millions de Bengalais mouraient de la famine tandis que le riz produit dans la région était attaqué par l’Helminthrosporium Oryzae qui peut réduire la production jusqu’à 45% des rendements normaux. En Irlande, une maladie de la pomme de terre, le mildiou, provoqua famines et exodes massifs ainsi que la mort estimée de près d’un million de personnes soit une sur six, un des taux de mortalité les plus élevés dans l’histoire de l’humanité depuis la peste noire du XIVe siècle. En France, le phylloxéra (un insecte originaire des États-Unis) détruisit une grande partie de la vigne à la fin du XIXe siècle, avant de se répandre dans le monde entier. La Chine sera atteinte en 1914 et l’Australie en… 2006. En réaction à la piqûre du ravageur, les pieds de vignes meurent en trois ans, entraînant avec eux faillites et crises sociales chez les viticulteurs.
Climat et agriculture
Or, avec les changements climatiques, certains bioagresseurs pourraient migrer et envahir des territoires jusque-là épargnés. Si certains changements sont bénéfiques (les coccinelles asiatiques sont bien plus efficaces que leurs cousines européennes et américaines pour dévorer les pucerons) d’autres font peser de terribles dangers sur les cultures de toutes les latitudes.
La santé des végétaux résulte d’un équilibre entre ces derniers, leurs ravageurs, l’habitat des ravageurs, les prédateurs des ravageurs (quand ils existent), les insectes et les animaux utiles pour la pollinisation (abeilles, chauves-souris…). Il faut ajouter à cela l’utilisation des pesticides, insecticides et autres formules chimiques dont les effets peuvent être aussi utiles que néfastes selon les circonstances.
Il faut en effet mesurer les effets que peuvent avoir les interdictions de ces derniers. Dans son ouvrage Toutes ces idées qui nous gâchent la vie, la géographe Sylvie Brunel nous l’explique ainsi : en 1962, l’interdiction du DDT (un insecticide créé pour lutter contre les poux et les moustiques, notamment dans les rizières) accusé par la biologiste américaine Rachel Carson dans son livre Silent Spring de tuer les oiseaux, a entraîné la prolifération des insectes. Le paludisme a repris de plus belle et fait encore aujourd’hui près d’un demi-million de morts par an alors que la maladie était considérée comme presque vaincue par l’OMS à la fin des années 50. Elle touche aujourd’hui presque 215 millions de personnes.
Le biocontrôle
D’un autre côté, il existe des alternatives à certains insecticides. Cela s’appelle le biocontrôle. Ainsi, l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) a mis au point des techniques pour éviter les insectes ravageurs. En tirant au paint-ball des capsules remplies de phéromones sexuels sur un pin, on désoriente son principal nuisible, la chenille processionnaire, qui n’arrive plus à trouver ses partenaires pour s’accoupler. L’utilisation des prédateurs naturels de certains nuisibles est plus délicate à mettre en place car il faut s’assurer qu’ils ne s’attaquent pas à d’autres espèces locales n’ayant rien demandé. Le biocontrôle passe aussi par l’utilisation de plantes boucliers, que ce soit pour attirer à elles les nuisibles, les neutraliser ou encore servir d’avertisseurs. Un rosier planté devant un vignoble n’a pas de vocation décorative mais bien d’avertir de la présence des ravageurs de la vigne qui s’attaquent d’abord aux infortunées roses.
L’avantage du biocontrôle est qu’il ne charge pas les sols en insecticides et autres néonicotinoïdes impactant tant les plantes que les insectes « utiles ». Il n’en reste pas moins qu’il est beaucoup moins facile à mettre en place que l’utilisation massive de pesticides, chaque type de culture et chaque plante répondant à des besoins différents. Il diminue aussi la surface des terres agricoles mais s’avère en revanche efficace pour les rendements de l’agriculture biologique, et donc diminue le coût de la vie. Un cercle vertueux qui ne demande qu’à se faire reconnaître davantage pour le plus grand bénéfice de tous. Un beau début pour une nouvelle décennie.