Les pièges du monde du travail canadien


Géraldine (le prénom a été changé) débarque de France avec son conjoint qui vient d’être embauché dans une entreprise canadienne du secteur de l’énergie. Il est ingénieur, elle est infirmière. Il n’a que deux ans d’expérience, elle en a six. Ses références sont excellentes, et elle dispose d’une lettre de recommandation élogieuse de son ancien chef de service à Rennes.

Avec son visa de travail ouvert et son expérience, elle pense trouver rapidement un emploi dans un hôpital du Grand Vancouver. Pourtant, trois obstacles majeurs vont l’empêcher d’exercer sa profession… pour laquelle la demande est pourtant forte dans la province. La reconnaissance de son diplôme tout d’abord, et la barrière de la langue ensuite, car Géraldine ne parle que quelques mots d’anglais et n’a pas d’expérience canadienne.

Un parcours pas toujours évident

Ils sont des milliers de nouveaux arrivants comme elle à se heurter de plein fouet aux exigences du monde du travail canadien. Une coordinatrice de Work BC explique.

« C’est le principal problème que rencontrent les nouveaux arrivants : les entreprises ne veulent pas les embaucher parce qu’ils n’ont pas d’expérience canadienne, et ils n’arrivent pas à acquérir cette expérience canadienne car on ne leur en donne pas la chance», confirme-t-elle.

Le siège de l’agence ISSofBC à Vancouver.

Ce serpent qui se mord la queue porte préjudice aux Canadiens eux même. Rien qu’en Colombie-Britannique, plus de 100 000 emplois n’étaient pas pourvus début 2019, et ce nombre augmente d’environ 10% par an. Cela sans compter que la génération des baby-boomers se retire de plus en plus du marché du travail, ce qui accélère cette demande de main-d’œuvre à mesure que le temps passe. Tous les secteurs sont touchés, avec une prévalence importante des domaines des services à la personne, de l’hôtellerie, de la restauration et de l’informatique.

La reconnaissance des diplômes obéit aussi à des règles strictes. La première d’entre elle concerne les professions réglementées pour lesquelles il est impératif de se renseigner auprès de l’ICES (International Credentials Evaluation Service) situé à Burnaby et dont les services sont généralement débordés.

Tel que testé sur place, pour se renseigner sur la validité d’un diplôme en gestion des ressources humaines, il y a un délai de traitement de la demande de trois mois. Pour les professions non réglementées, la maîtrise de l’anglais constitue un obstacle parfois plus infranchissable que les autres.

Il est impossible d’obtenir une équivalence dans les métiers techniques (santés, ingénierie…) sans passer des tests tels que le CELBAN (Canadian English Language Benchmark Assessment for Nurses) et d’autres pour lesquels les délais peuvent être très longs, parfois plusieurs mois, entre l’inscription et la réception des résultats, sans compter les délais de traitement des dossiers d’équivalence.

Des acteurs pour s’y retrouver

Un parcours du combattant donc, qui fait partie des raisons d’être d’organismes comme ISSofBC (Immigrant Services Society) et WorkBC qui organisent depuis août dernier des programmes d’information destinés aux nouveaux arrivants afin de les aider à comprendre le système.

« Nous essayons de faire un suivi personnalisé pour chacun, mais pour ce qui concerne les spécificités culturelles, nous avons la possibilité de réunir les gens sur Internet pour leur faire part des généralités culturelles pendant des cours en ligne », explique une coordinatrice de ISS of BC.

Les premières recommandations semblent assez logiques.

« Mais ne sont pas évidentes pour tout le monde ». La ponctualité notamment est très souvent abordée en priorité. « Dans certains pays, il s’agit clairement d’un détail, mais au Canada c’est essentiel », ajoute-t-elle.

L’autre grande thématique tourne autour du respect.

« Ce qui choquera le plus des collègues canadiens, c’est un manque de respect, quelles que soient les conditions, sur un lieu de travail (…) sachant que certains viennent de sociétés très hiérarchisées où le respect vers le haut de la chaîne de décision est total, mais pratiquement inexistant quand on regarde vers les postes les plus humbles », mentionne-t-elle.

On leur apprend également l’attitude qu’ils doivent adopter envers leurs collègues, à se montrer amicaux et attentionnés, à s’entraider même s’ils sont en compétition directe avec eux, comme les vendeurs dont les salaires sont commissionnés. Chaque domaine dispose de sa formation spécifique abordant les particularités de la filière.

Enfin, l’accent est mis sur la communication dans tous les domaines.

« Certaines cultures sont particulièrement peu communicatives dans le monde du travail, ce qui n’est pas le cas au Canada »

Ces cours se terminent en mars. Chez ISSofBC « on pense fournir des services similaires de façon régulière à l’avenir »

Renseignements sur www.issbc.org