Allez comprendre : nous sommes au printemps, l’hiver est passé et on nous demande maintenant d’hiberner. Ça n’a pas de bon sens. Le coronavirus, COVID-19 pour les intimes, s’est infiltré dans nos vies et s’en est emparé. Il nous assiège, nous cerne du haut de sa virulente vigueur. Il dicte sa volonté. Il nous impose ses sautes d’humeur. Nous sommes sous son emprise, à sa remorque, à sa merci. Nous subissons son implacable joug. Nous vivons l’enfer. Qu’avons-nous fait au bon Dieu pour mériter tel traitement ?
Face à ce fléau qui nous est tombé dessus comme un cheveu sur la soupe, notre gouvernement, comme bien d’autres d’ailleurs, recommande à la population de prendre certaines mesures qui apparaissent nécessaires, pour ne pas dire impératives, afin de venir à bout de cet ennemi du peuple. Évidemment, sans hésitation, bon citoyen, j’obtempère. On ne badine pas avec un virus qui vous veut du mal.
Alors me voilà maintenant chez moi, confiné dans le confort de mon condo, à pestiférer contre la COVID-19. La question préoccupante à laquelle je dois soudainement faire face est celle-ci : que vais-je faire de tout ce temps que sera ma vie de séquestré ? Avant d’approfondir cette légitime préoccupation, je dois avouer sans embarras que l’oisiveté au départ n’est pas pour me déplaire. En fait je l’affectionne. Elle est source de créativité. Autant en profiter. Ce que je vais tenter de faire durant les prochaines semaines.
Donc, pour revenir à la question qui est de savoir comment je vais passer mon temps alors que je suis enfermé chez moi, j’ai trouvé quelques réponses dont l’évidence saute aux yeux. Pour commencer je vais me consacrer à la lecture d’un tas de livres qui traînent dans un recoin de mon bureau et que je m’étais promis de lire ou de relire si jamais l’occasion se présentait. La voilà. Je vais donc commencer par me jeter sur l’œuvre de Marcel Proust À la recherche du temps perdu en m’attardant particulièrement sur le volume de circonstance Le temps retrouvé, en évitant de m’attarder trop longuement sur Du côté de chez Swann afin de gagner du temps. Une fois la lecture de cet ouvrage finie, En attendant Godot de Samuel Beckett devrait ensuite m’aider à tolérer l’absurdité de la situation.
Ensuite je compte sur ma collection d’Astérix pour me divertir. Parlant d’Astérix, vous ne trouvez pas que Coronavirus devrait être le nom d’un des personnages romains, envoyé spécial de Jules César, dans une nouvelle bande dessinée imaginée par les successeurs d’Uderzo et Goscinny. Avec un nom pareil, cela va de soi. Je verrais très bien Coronavirus arriver dans un de nos supermarchés, voyant les étagères complètement vides où il n’y a pas si longtemps les rouleaux de papier hygiénique reposaient tranquillement, s’exclamer, ébahi par cette razzia insensée et furibonde des consommateurs de papier-cul : « Mais ils sont fous ces humains ! ». L’hystérie serait-elle, elle aussi, un virus ?
Les émissions de télévision devraient en principe m’aider à voir le temps passer. Je ne peux évidemment pas me fier sur celles consacrées aux sports pour me distraire car la plupart des compétitions sportives importantes ont été annulées ou remises à une date ultérieure. Par contre je peux compter sur plusieurs films pour me tenir occupé. J’ai l’intention de revoir, si je peux le trouver, Les Séquestrés d’Altona, un film de Vittorio De Sica tiré de la pièce de Jean-Paul Sartre. Si ce n’est pas disponible je me rabattrai sur L’évadé d’Alcatraz ou La vache et le prisonnier.
Pendant tout ce séjour forcé chez moi dont la période n’est pas déterminée, je compte bien respecter les mesures de prévoyance qui nous ont été suggérées. Je vais continuer de me laver les mains le plus souvent possible selon la méthode prescrite. J’en profiterai, pendant que j’y suis, pour me laver les pieds et autres parties du corps qui en feraient la demande. Tant qu’à faire, autant joindre l’utile au désagréable.
Me voilà donc désormais confiné, avec un amoncellement de provisions, capable de soutenir un long siège. J’ai ainsi choisi, comme bien d’autres personnes raisonnables, d’adhérer au principe du respect de la distance sociale selon les recommandations et indications des autorités gouvernementales. Il vaut mieux prévenir que guérir. Pour combattre ce coronavirus qui nous crée tant de misère et qui nous rend la vie impossible, j’ai aussi élu, comme panacée, d’en rire plutôt que d’en pleurer. Je vous invite, dans la mesure du possible, d’en faire autant à moins que vous préfériez imiter les Italiens et les Espagnols en allant entonner, de votre balcon, des sérénades ou aubades dans le but de soulager et réconforter vos voisins.
Chantez autant que vous voudrez mais, surtout, prenez soin de vous. Le monde vous en sera reconnaissant.