Le solstice d’été est presque passé inaperçu. Je m’en suis à peine rendu compte. Aucune célébration de grande envergure n’a marqué son passage. Avec tous les soucis auxquels nous devons faire face cette année,
rien d’étonnant. Nous avons bien d’autres chats de gouttière à fouetter. Cela ne m’empêche pas de me poser la question : que sera l’été 2020 ? La réponse, vous vous en doutez, comme les prédictions du nouvel an, appartient au domaine de la spéculation. Que je le dise d’emblée : absolument rien, ni personne, ne peut me mettre des bâtons dans les roues et m’empêcher de spéculer, exercice où, en principe, j’excelle, m’a-t-on fait savoir. Je m’impose certaines conditions dont celle d’éviter de prendre à tout prix mes désirs pour des réalités ou encore, si je tiens à y voir clair, de me faire passer des vessies pour des lanternes.
Me voilà donc lancé. Dans ma petite boule de cristal récemment astiquée, j’observe avec regret, mais je m’y attendais car si prévisible, la venue d’une série d’incendies ravageurs qui nous donne chaque année rendez-vous plus ou moins à la même date. Sans vouloir passer pour un oiseau de malheur, attendons-nous à de sévères dégâts une année encore. Une fois de plus nous pointerons d’un doigt accusateur les changements climatiques tout en continuant à ignorer notre lamentable négligence face aux questions environnementales. Ne nous berçons pas d’illusions, notre escalade vers un monde meilleur connaît quelques embardées. En fait nous sommes en chute libre. Pas de parachute en vue à l’horizon pour nous venir en aide. Plus dure sera la chute car, à moins d’un miracle ou d’un revirement de situation inattendu, chute sans amorti il y aura. Attention à la casse, nous aurait dit Michel Audiard.
Sur un tout autre plan, encore plus préoccupant, vous ne m’en voudrez pas de revenir sur le sujet, le mécontentement social devrait se poursuivre et même prendre de l’ampleur si les esprits continuent de s’échauffer à l’allure où nous allons, surtout si les policiers ont le doigt facile sur la gâchette de leur revolver
lorsqu’ils font face à un Noir américain aux États-Unis ou lorsque la GRC confronte un Inuk ou un membre des Premières Nations au Canada.
Les manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd, un Noir américain, aux mains d’un policier blanc de Minneapolis, m’ont, l’espace d’une semaine, donné l’espoir qu’un grand changement s’en venait. Naïf que je suis. Pas plus tôt les obsèques de George Floyd terminées qu’un policier à Atlanta dans l’État de Georgie abattait dans le dos Rayshard Brooks, un autre Noir américain qui, bien qu’en état d’ébriété, ne représentait aucune menace. Les images ne mentent pas. Elles choquent. Elles abasourdissent. Elles scandalisent. La vie d’un Noir ou d’un autochtone en Amérique du Nord ne vaut pas cher. Rien n’excuse, rien n’explique de pareils gestes.
Depuis, les mouvements antiracistes contre les violences policières se sont amplifiés. Un élan de solidarité a dépassé les frontières des États-Unis. La révolte contre les injustices sociales que l’on observe dans les rues de nombreuses grandes villes s’est mondialisée. Elle affiche avec fierté ses couleurs : noir, brun, blanc, rouge, jaune, tous unis au cours de rassemblements exigeant des changements au statu quo institutionnalisé d’un racisme systémique. Le problème est énorme et ce n’est pas en un été qu’il sera réglé.
En attendant, conséquemment à ces mouvements de révolte, les statues érigées entre 1890 et 1950, à la gloire de personnages peu glorieux, racistes, esclavagistes, suprématistes blancs, tombent de leur piédestal. Les nombreux généraux et hommes politiques confédéralistes perdent les uns après les autres leur statut. On compte plus de 700 monuments confédérés aux États-Unis. Il y a du chemin à faire avant d’en venir à bout. Christophe Colomb n’échappe pas à cette purge. Devra-t-on un jour changer le nom de la Colombie-Britannique ? Je n’y vois aucun inconvénient. Avant d’en arriver là, je chante sur tous les toits « confinez les confédérés ». Enfermez-les dans un musée des horreurs où ils méritent d’être exposés.
Enfin, histoire de conclure, je vais profiter de l’été pour noyer mon chagrin. Le Canada n’aura pas un siège sur le conseil de sécurité des Nations-Unies. Un coup dur pour Trudeau qui en avait fait un de ses principaux chevaux de bataille. Un échec total et sans merci qui en dit long sur notre position au sein des nations. Ne nous berçons plus d’illusions, le Canada à l’échelle mondiale ne vaut plus un pet de lapin. Cet effort pour tenter un retour en beauté sur la scène internationale a donc fini en queue de poisson. Échec et mat. Pour me consoler j’irai sécher mes larmes en buvant du sirop d’érable et trinquer, tout en lui demandant pardon, à la santé de notre castor national.