L’exposition Pagal Pagal Pagal Pagal Filmy Duniya nous emmène dans le monde du cinéma pakistanais par des performances filmées et nous invite à réfléchir sur la communauté et l’espace.
Althea Thauberger, photographe et vidéaste vancouvéroise, nous transporte dans un Karachi alors nommé « Ville des Lumières », à l’âge d’or du cinéma pakistanais et du libéralisme par le biais d’un lieu, la salle Capri.
Cette salle dotée d’un écran courbe est l’oeuvre des architectes Rizki & Co. (Malaisie), dessinée et bâtie en 1968. L’édifice a subi dans les années 80 le courroux de l’intégrisme religieux et politique. Cependant, il survit et il est toujours possible d’y voir un film, moyennant un billet de 200 roupies (3,55$). « L’artiste propose une approche sociale du cinéma. Elle parle de cette salle de cinéma qui a subi des attaques lors des bouleversements politiques », explique Julia Lamare, conservatrice de l’exposition au Contemporary Art Gallery (CAG).
L’espace est agencé pour immerger au mieux les spectateurs : « Il y a une difficulté à transcrire ce projet créé pour cet espace, le Capri, et pour cette communauté. Mais grâce à l’écran incurvé et à la proximité des autres spectateurs, nous avons pu restituer cette atmosphère », explique Althea Thauberger.
Dans ce jeu de regards et de performances, le spectateur se retrouve dans un palais des glaces cinématographique : des acteurs répètent des scènes, improvisent des chorégraphies, se regardent et finalement, le spectateur regarde des acteurs qui se regardent, comme un grand jeu de miroirs à l’infini.
La puissance de la communauté
Le tissu communautaire est au coeur du travail d’Althea Thauberger. L’artiste vancouvéroise a fait de l’implication des « participants-acteurs » l’une de ses signatures. Elle inclut tous les acteurs de la société, quels que soient leur sexe, leur âge ou encore leur origine. « Je suis l’instigatrice, je ne me vois pas comme l’auteur unique. J’ai travaillé avec cinq réalisateurs pour ce projet », affirme Althea Thaugerger.
Julia Lamare souligne qu’Althea Thaugerger « est très respectueuse des communautés qu’elle rencontre pour ses projets et ne se voit pas comme l’auteur unique de ce dernier. Elle réfléchit au statut des communautés qui forment une alliance solide lors de leur création mais aussi au fait qu’elles puissent facilement se désagréger ».
La dimension sociale est au coeur de ses oeuvres comme en témoignent ses précédents projets sur l’hôpital psychiatrique de Bohnice à Prague ou encore l’aéroport international de Kandahar dans le sud de l’Afghanistan.
Elle explore, de façon discrète, le pouvoir de cohésion sociale. « C’est un espace où différentes classes sociales se côtoient, ce qui est assez inédit au Pakistan. » explique Althea Thauberger.
Le temps et l’espace
C’est l’histoire cinématographique d’un cinéma et de la vie d’une communauté dans un espace inédit. Le travail de Doreen Massey a fortement influencé Althea Thauberger. La féministe-marxiste géographe britannique propose de considérer l’espace comme quelque chose ni statique ni neutre mais relationnel. Il est unique et plein de surprises : jamais fini ni clos.
« Althea Thauberger s’inspire du texte For Space de Doreen Massey et développe cette réflexion sur la perception du monde à travers l’espace », explique Julia Lamare. « C’est une relation entre l’espace et l’histoire, l’espace et les corps, et l’espace et l’architecture. C’est situationnel », ajoute Althea Thauberger.
Le rappel du cadre extérieur du Capri est mineur et ne se limite qu’à quelques plans rapides des rues. L’artiste veut garder l’accent sur une communauté qui existe à l’intérieur du cinéma. « C’est presque un documentaire. A certains moments, les participants ne savent pas vraiment pourquoi ni pour quoi ils jouent », explique la conservatrice.
Althea Thauberger explore les thèmes de la lumière et de l’ombre, de la survie et de la ténacité, de l’unité et de la solitude, de la conviction et du doute, du monde, de la politique et enfin de notre relation à autrui. « C’est très important pour moi de partager l’espace avec d’autres expositions, notamment celle de Madiha Aijaz :
Memorial for the lost pages », confie-t-elle.
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