Le 12 juin 2020 a marqué un tournant historique pour la communauté francophone. La Cour suprême du Canada a rendu son jugement donnant gain de cause au Conseil scolaire francophone (CSF) et à la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique (FPFCB) dans leur lutte juridique portant sur l’éducation en langue française qui les opposait au ministère de l’Éducation de la province.
C’est en 2010 que le CSF et la FPFCP accompagnés de parents codemandeurs ont lancé une poursuite judiciaire contre le gouvernement de la Colombie-Britannique afin de trouver des solutions aux obstacles qui empêchent le développement de l’éducation en français dans la province. Les deux organismes demandent notamment au ministère de l’Éducation de la province davantage d’écoles, des établissements plus grands et une amélioration des services de bus scolaire. « L’ampleur des défis et le retard qui avaient été accusés en 2010 m’avait tout à fait sidéré », révèle Me Mark Power, l’avocat qui a mené la bataille juridique pour le CSF et la FPFCB jusqu’en Cour suprême.
Un jugement qui fait jurisprudence
En effet, les deux organismes affirmaient que les écoles de langue française étaient sous- financées, constituant une violation de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et des libertés, qui garantit une éducation équivalente dans les deux langues officielles. « Dix ans, c’est long, parfois c’est un peu décourageant, mais presque tous les défis peuvent être relevés quand on travaille en équipe et que l’on est entouré des bonnes personnes », confie Me Mark Power. Mais, selon les termes de l’avocat, « cette énergie et cette détermination » déployées auront permis de relever ce défi et prouver que les droits à l’éducation dans la langue de la minorité doivent être respectés. Et c’est la plus haute instance judiciaire du pays qui l’a affirmé à l’unanimité à travers son jugement rendu le 12 juin 2020.
Mais la Cour suprême accorde bien davantage dans sa décision en condamnant également la province de la Colombie-Britannique à verser six millions de dollars de dommages et intérêts sur une période de dix ans pour le financement inadapté du transport scolaire et 1,1 million de dollars de dommages et intérêts pour compenser le sous-financement de certaines écoles de la communauté francophone. À l’annonce de ce jugement, Me Mark Power déclare avoir ressenti « de la joie, du soulagement et de la fierté dans le système de justice qui a pu permettre à un si grand dossier d’être tranché de façon juste même si ça a pris du temps. » Ce dernier jugement fera ainsi jurisprudence et va pouvoir se répercuter partout au Canada amenant des changements concrets au-delà de la Colombie-Britannique.
Premières répercussions
Après le rendu du jugement, les actions concrètes se sont enchaînées. Dès le 24 juin 2020, Mme Marie-Pierre Lavoie, la présidente du CSF, a demandé au gouvernement fédéral dans le cadre du prochain recensement ayant lieu en mai 2021, d’ajouter des questions sur les langues au formulaire court et au long. Le questionnaire dévoilé mi-juillet par Statistiques Canada fait apparaître de nouvelles questions qui permettront ainsi d’avoir une meilleure visibilité du nombre d’enfants pouvant recevoir leur instruction dans les écoles francophones : « Cela va aider tout le monde à mieux planifier », ajoute la présidente du CSF.
Aussi le CSF a souhaité mettre fin aux programmes secondaires dits hétérogènes, qui offrent aux élèves un nombre limité de cours en français, et les rendre progressivement intégralement francophones. Six écoles secondaires seulement sur les quatorze de la province offrent un cursus scolaire entièrement en français. Selon
Marie-Pierre Lavoie, « la mission du CSF est d’offrir une éducation en français et on ne le fait pas pour huit de nos écoles. On est la seule province au Canada à avoir des programmes hétérogènes. La Cour suprême vient de nous dire qu’on a droit à l’équivalence réelle, alors donnons cette équivalence à nos élèves. »
La décision du jugement rendu par la Cour suprême a eu également un impact concret sur l’élaboration du plan d’immobilisation du CSF. La Cour suprême a ordonné au gouvernement de la C.-B de fournir dix écoles au CSF dans un délai utile, sans toutefois préciser d’échéancier. À la fin de juillet, le Conseil d’Administration du CSF a pu valider son plan d’immobilisation à long terme ainsi mis à jour et priorisé. Désormais, il reste à travailler avec le gouvernement de la province pour que les choses avancent efficacement.
Bien sûr, cela va prendre quelques années pour construire des écoles neuves, acquérir de nouveaux terrains… Marie-Pierre Lavoie déclare que « les relations de travail avec le ministère sont bonnes, il faut donc rester optimiste. » La directrice de la FPFCB Marie-Andrée Asselin ajoute, prudente : « On va suivre tout ça de près pour que nos enfants puissent bénéficier d’écoles adéquates très rapidement. » Et elle prévient que « plus le temps passe sans que rien ne soit concrètement fait, plus l’assimilation pèse comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos enfants. » En effet, plus le temps passe et plus le risque est grand de voir les ayants droit au programme francophone se tourner vers les écoles d’immersion ou vers les écoles anglophones.
Marie-Andrée Asselin, militante dans le maintien et le développement de l’éducation en français dans la province, conclut : « Cela fait partie de l’histoire de la FPFCB de se battre pour faire valoir nos droits, que ce soit avec le recensement pour compter tous nos ayants droit afin de construire des écoles assez grandes pour servir notre communauté, que ce soit pour avoir des écoles équivalentes à celle de la majorité anglophone, ou que ce soit pour avoir simplement des écoles dans certaines communautés. On fera ce qui devra être fait et on ne manquera pas de rappeler aux politiciens leur devoir. »
« Il faut s’attendre à ce que maintenant on tourne la page sur les batailles juridiques » soutient de façon optimiste Me Mark Power. Tout semble donc réuni pour voir rayonner dans les prochaines années le système scolaire francophone à la fois dans la province et partout ailleurs au Canada.
En suivant les recommandations des autorités de la Santé et de l’Éducation de la province, une nouvelle organisation concernant les mesures d’hygiènes suite au contexte COVID-19 a été mise en place pour l’ensemble des écoles du CSF.
Mise en place de groupes d’apprentissages, organisation des salles de classe, différents emplois du temps…la prochaine rentrée scolaire ne ressemblera à aucune autre.
Le retour en classe initialement programmé au 8 septembre 2020 après la journée de la fête du Travail a été décalée au jeudi 10 et vendredi 11 septembre pour deux journées d’accueil-orientation. Les journées du 8 et 9
septembre seront réservées à la formation de tous les membres du personnel pour pouvoir accueillir les élèves pour ces deux journées d’accueil-orientation.
Malheureusement, les enfants dont les conditions de santé ne leur permettent pas de revenir en salle de classe ou qui ont un membre de leur famille avec un système immunitaire vulnérable recevront le soutien nécessaire pour la poursuite de leurs apprentissages à distance.
Le but de ces nouvelles mesures est de garantir la continuité des apprentissages de manière sécuritaire dans les écoles.
Aussi, un sondage a-t-il été envoyé aux familles pour les apprentissages à distance selon les besoins de chacune d’entre-elles.
Chaque école communiquera avec les familles sur les directives spécifiques quant aux mesures de santé et sécurité et les horaires mis en place dans chaque école pour le retour des élèves.