Sans tambour ni trompette mais sous un ciel couvert d’une fumée indésirable provenant des incendies qui ravagent la côte ouest américaine, sans compter le nuage pesant d’une pandémie qui n’en finit pas d’en finir, le Parti vert de la Colombie-Britannique s’est choisi un nouveau chef : Sonia Furstenau, députée de Cowichan Valley à l’assemblée législative. À peine choisie, l’heureuse élue a immédiatement fait savoir qu’elle n’apprécierait pas du tout la tenue anticipée d’une élection provinciale comme l’avait laissé entendre (j’aurais pu dire menacer) John Horgan, le premier ministre de la Colombie-Britannique.
Je peux la comprendre. Elle et son parti ne sont pas prêts dans l’immédiat à se lancer dans une campagne électorale. Ils ont besoin de répit et de reprendre leur souffle afin de s’organiser convenablement. Pour sa part, profitant d’une cote de popularité très avantageuse, John Horgan estime sans doute qu’il a le feu vert pour tenter d’obtenir la majorité à l’assemblée législative et ainsi se débarrasser d’une alliance, conclue au début de leur mandat avec les Verts, qui, juge-t-il, j’imagine, doit passablement l’encombrer.
En politique, me dit-on, pas de place aux sentiments. La pitié, jamais à l’ordre du jour. Je veux bien le croire mais tout de même, comment peut-on rester insensible ou indifférent au discours d’acceptation, suite à son couronnement, de Sonia Furstenau enjoignant le premier ministre provincial de réfléchir à la situation ? D’un ton ferme et quasi menaçant elle a imploré notre premier ministre de revoir son intention de déclencher des élections prochainement en lui faisant savoir, sans ambages, que ce serait irresponsable de la part du gouvernement de partir en élection alors que la province doit faire face à de sévères et sérieuses difficultés et devrait donc réviser ses priorités.
En ce sens je ne peux lui donner tout à fait tort. Il me semble en effet que les néo-démocrates jouent avec le feu en voulant déclencher des élections aux alentours de l’Halloween. Je conçois qu’ils désirent profiter de l’occasion, car l’occasion fait le larron et que ces larrons piétinent d’impatience à l’idée d’obtenir la majorité à l’assemblée. Ils n’ont jamais été si haut dans les sondages. Leur comportement durant la crise du coronavirus est fort louable et mérite assurément notre estime, justifiant ainsi leur popularité, quoique les derniers chiffres ne soient pas rassurants et indiquent surtout que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge.
Les horribles nuages qui s’étaient sans invitation installés chez nous pour notre plus grand inconfort, ont depuis pris la poudre d’escampette. La pandémie du coronavirus, elle, ne s’est pas pour autant dissipée. Au contraire nous avons assisté depuis le déclenchement de la phase 2 à une recrudescence quotidienne du taux d’infection (une moyenne avoisinant plus de cent cas par jour actuellement). Situation plutôt préoccupante. Bonnie Henry, notre ange gardien et Adrian Dix, le ministre de la santé, ainsi que le premier ministre de la province ont continué à se montrer rassurants. Stricts et sévères quand il le fallait. Calmes et compréhensifs au besoin. En somme ils ont fait preuve de leadership, ce qui n’est pas à négliger par les temps qui courent. Un acquis qu’ils ne devraient pas perdre normalement jusqu’à la prochaine élection provinciale prévue en principe pour l’automne 2021.
John Horgan nous cache-t-il des choses de mauvais aloi qui pourraient lui coûter cher plus tard ? Si ce n’est le cas, je ne vois pas l’intérêt de déclencher des élections prématurément sachant les aléas que cela comporte. Le premier ministre et ses apôtres risquent de décevoir un électorat qui verrait en ce geste un indice de désespoir ainsi qu’un excès d’opportunisme manquant d’élégance envers un allié qui les a quand même bien dépannés jusqu’à présent. Un minimum de fair-play et de savoir-vivre politique s’impose.
Monsieur Horgan, avant l’arrivée de la COVID-19, vous avez respecté le feu rouge. Il n’était pas question alors de rompre l’accord avec les Verts. Vous venez de passer maintenant au feu orange en émettant la possibilité de cesser cette alliance sous prétexte que la situation a évolué. À vos risques et périls vous pouvez passer au feu vert quand bon vous semble en oubliant cependant que votre parti est à l’origine de l’établissement d’une date fixe, ponctuelle, pour la tenue des élections provinciales. Rappelez-vous, comme disent les Suisses : « Il n’y a pas le feu au lac ». Inutile donc de mettre le feu aux poudres quand on est au mieux.
Avis aux lecteurs : Le Castor castré, tout en se croisant les doigts, assume l’entière responsabilité du contenu de cette chronique dont la parution pourrait être devancée par l’annonce soudaine de la tenue d’une élection provinciale anticipée.