Si la Colombie-Britannique a connu moins de cas de COVID-19 que d’autres provinces et territoires du pays, elle n’a pas pour autant échappé à la pandémie économique. Quel bilan tirer de la saison touristique pour les acteurs francophones de la côte du Pacifique ? Alors que le gouvernement fédéral a dévoilé à mi-mots des mécanismes spécifiques pour les prochains mois et avec la recrudescence de la circulation du virus, quel avenir entrevoient-ils ? Portraits pour la photo souvenir.
À oublier !» C’est ainsi que François Samson, qui opère une société multiservices dans le tourisme d’aventure entre Vancouver et Pemberton, résume la saison. Il estime sa perte de revenus à environ 90 % par rapport aux dernières années. Étant à son compte et se reposant principalement sur les touristes étrangers, il a décidé de cesser ses activités dès le mois de mars afin de limiter les coûts qui lui incombent. Il a dans le même temps perdu son emploi chez Air Canada, licencié en raison de la COVID-19.
Un parc d’adaptations
D’autres ont pu s’appuyer sur des alternatives. Annie Roy est guide et instructrice de vélo de montagne pour Bike Hub à Squamish. L’entreprise a d’abord loué des vélos à défaut d’enregistrer des réservations pour des balades ou des camps d’entraînement. Les propriétaires avaient également ouvert un café en début de saison qui a permis une rentrée d’argent. Après la levée des restrictions par les autorités sanitaires, la petite entreprise a enregistré un très grand nombre d’inscriptions pour les camps d’été par les résidents locaux, ce qui a contribué à renflouer les caisses. « Ils vont survivre avec ça » pense-t-elle. Expérience similaire pour Charles Renaud-Roy, instructeur de vélo de montagne chez ZepTechniques, également basé dans l’autoproclamée capitale du plein air. « Je dirais que j’ai fait autour de 70% de l’année précédente (avec) 95% de gens locaux », dit-il.
François-Xavier Gagnon est guide multi-sports basé à North Vancouver. Si tous ses contrats avec les écoles ont été annulés, représentant une perte d’environ les deux tiers de son chiffre d’affaires par rapport à l’an dernier, il a cependant bénéficié de la demande britanno-colombienne accrue et ponctuellement extra-provinciale.
La typologie de ses clients était « ceux qui voulaient sortir de la maison, mais rester ici. C’est ce qui m’a sauvé : miser sur la clientèle locale », affirme-t-il, même s’il raconte « avoir senti la poudre à canon ».
Une tendance également ressentie dans le petit village touristique de Telegraph Cove dans le nord-est de l’île de Vancouver. « Ce qui a beaucoup marché, c’est le kayak. Ça a surpassé l’observation des baleines parce que c’était des locaux qui voulaient plus faire du sport que voir des baleines », explique Cyrille Cambieu, responsable du restaurant situé dans le complexe. Il ajoute qu’en plus des activités kayak, le café a également engendré de meilleures recettes que l’an dernier, fréquenté par les locaux venant à la journée.
Pour Alexandre Magnol du restaurant Les Faux-Bourgeois à Vancouver, en revanche, le vrai test reste à venir. En raison de leur position excentrée, l’été repose généralement sur la clientèle composée des touristes qui séjournent dans des Airbnb aux alentours. Avec la fermeture des frontières, il s’attend à une chute de 50% entre mars et septembre. Leur haute saison est la période hivernale, avec les locaux. En raison de l’évolution constante de la situation et le roulis qui s’annonce, il navigue à vue.
« Nous avons simplifié le menu avec moins de préparation pour avoir moins de présence des employés, précise-t-il. Le prix n’est pas adapté à la configuration de la salle », agencée en conformité avec les recommandations provinciales. « On arrive à s’y retrouver grâce aux aides, mais il est trop tôt pour s’avancer ». L’aide sectorielle supputée lors du discours du Trône du 23 septembre dernier était un baromètre très attendu.
L’offre et les demandes
Les béquilles financières proposées par les gouvernements ont majoritairement été appréciées, même si plusieurs regrettent les ratés à l’allumage et qu’elles n’aient pas été assorties de déclinaisons pour toutes les catégories de travailleurs, par exemple les indépendants. François Samson aurait bien vu une « aide financière pour remplacer deux types de revenus et non seulement l’un d’entre eux ». Annie Roy, qui opère également des services de garde de chien à son compte en plus de son emploi de guide touristique, a bénéficié de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), mais indique qu’elle aurait jugé bon la création d’un prêt à taux zéro spécial COVID-19 et sur la durée.
Cyrille Cambieu a observé l’utilisation de la PCU de manière différente. « Déjà, l’aspect éloigné (du village) n’attire pas les Canadiens. Eux veulent partir en fait, donc déjà c’est compliqué (d’embaucher) à la base, surtout pour une paye normale, dit-il. Les rares personnes qui voulaient travailler ont préféré profiter de la PCU et gagner la même chose qu’en travaillant ». La direction a donc embauché au fil de l’eau et grâce aux travailleurs temporaires en ayant recours à la promesse d’embauche pour que les détenteurs de permis puissent entrer sur le sol canadien.
Ciel nuageux, mais avec des éclaircies
Les personnes interviewées concèdent que rien n’est acquis et que le degré d’incertitude reste fort. Si recrudescence il y a, c’est aussi celle de l’optimisme et de la résilience dont elles font montre rétrospectivement. « Ajustement, renouveau, Faux Bourgeois 2.0 », philosophe Alexandre Magnol, « Transitionnel », conclut Charles Renaud- Roy, voire « Plaisir malgré tout » pour Cyrille Cambieu.