Amin Maalouf : L’espoir dans la tempête

Photo par Hannah Assouline

L’auteur franco-libanais de renommée internationale, Amin Maalouf, sera à l’honneur au Vancouver Writers Festival qui se déroule cette année du 19 au 25 octobre 2020. A cette occasion, il revient sur son dernier livre Le naufrage des civilisations et nous livre une analyse géopolitique fine de ce qui pourrait être le déclin de nos civilisations.

« Je suis quelqu’un qui suit depuis très longtemps les évènements mondiaux. C’est ma passion depuis l’enfance. Il faut dire que mon père était journaliste. J’ai grandi dans une maison où l’on s’intéressait beaucoup à l’actualité et c’est un plaisir qui ne s’est jamais démenti », commence Amin Maalouf.

Pour l’auteur, ce décryptage du quotidien est jalonné d’interrogations infinies. « À un moment donné, j’ai eu envie de faire le point en me demandant comment les choses ont dérivé au point où nous sommes aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé la donne ? Quels sont les évènements, les périodes, qui ont imprimé à l’histoire ces torsions que l’on observe aujourd’hui ? C’est un peu de cette idée qu’est né le livre, où j’essaie de passer en revue un certain nombre de ces évènements et de ceux de ma vie personnelle parce que ces faits marquants m’ont parfois affecté, ou affecté ma famille, et essayer de comprendre comment le monde est arrivé là où il est actuellement. » Un coup de sonde sur l’état du monde et sur l’univers intime de Maalouf.

Le naufrage des civilisations

Dernier épisode d’un triptyque, Le naufrage des civilisations revient sur un moment clé de l’histoire choisi par Amin Maalouf, l’année 1979. Cette année-là a été marquée par des révolutions conservatrices, une antinomie qui s’est propagée à travers le monde entier.

« Dans le monde occidental, il y a eu un évènement qui s’est produit trois mois après la révolution de Slovénie. En mai 1979, l’arrivée de Madame Thatcher », observe Amin Maalouf.

Le naufrage des civilisations par Amin Maalouf.

Pour l’écrivain, les similitudes entre ces révolutions dans différentes régions sont frappantes : « La révolution islamique, en Iran, est menée par un groupe socialement très conservateur. La révolution de Madame Thatcher était, pour caricaturer un peu, les possédants contre les travailleurs. Soudain, le conservatisme est devenu révolutionnaire alors que les tenants du progressisme et qu’on appelait traditionnellement la gauche, sont devenus principalement des défenseurs des acquis. »

Ces grands changements se sont également effectués avec l’accession de Deng Xiaoping au pouvoir en Chine en décembre 1978.

« C’était un dirigeant révolutionnaire qui se disait communiste mais qui voulait changer la donne et qui a été à l’origine du décollage de la Chine. En l’espace de quelques mois, le monde entier est en train de basculer vers une autre réalité, un autre paradigme », poursuit-il.

Le rôle de l’écrivain

Qu’en est-il du rôle de l’écrivain ? Pour y répondre, l’auteur franco-libanais ne s’esquive pas. « Est-ce qu’il peut changer le monde ? C’est difficile à dire. Est-ce qu’il a le devoir d’essayer de changer le monde ? De mon point de vue, oui. Le rôle de l’écrivain est d’essayer d’arrêter le naufrage, de ramener le paquebot des hommes vers une voie moins hasardeuse, moins désastreuse. Je crois que l’écrivain a besoin d’être lucide. Les choses ne vont pas se régler d’elles-mêmes, on va aller vers des catastrophes bien plus graves que celles que nous connaissons aujourd’hui. »

Et Amin Maalouf de rajouter « mais le rôle de l’écrivain, c’est également de ne pas semer le désespoir. Donc, son rôle, de mon point de vue, c’est de voir la réalité telle qu’elle est. Elle est extrêmement grave mais il faut essayer de la changer. Il faut essayer de bâtir un monde différent et c’est ce que j’espère. Est-ce que je vais pouvoir y contribuer, même un petit peu? Je ne le sais pas. Je crois que c’est difficile mais nous avons tous le devoir d’essayer. »

Le conseil aux jeunes écrivains

Quel rôle la prochaine génération d’écrivains devra-t-elle se donner?

« La première chose que je leur dirais, indique Maalouf, c’est qu’il faut bien se garder de cette idée reçue selon laquelle tout a été dit. »

« Le monde est à inventer. Le monde est à partir d’aujourd’hui à construire. Tout ce qui s’est passé jusqu’à présent, c’est la vraie histoire du monde », ajoute-t-il.

Pour l’homme de lettres « il y a toute une littérature à écrire, il y a toute une nouvelle éthique à développer donc, comme on dit en anglais, the sky is the limit, il n’y a pas d’autres limites que le ciel. Soyez ambitieux, imaginez un monde différent, croyez jusqu’au bout que vous pouvez changer le monde. »

Durant cette conversation en anglais, Amin Maalouf sera aux côtés de Seth Klein et Shaena Lambert pour Les interviews du Vancouver Writers Fest le 25 octobre sur Zoom à 11 h.

A noter que le titre anglais du livre Le naufrage des civilisations est Adrift: How Our World Lost Its Way.

www.writersfest.bc.ca