Selon les statistiques du gouvernement fédéral, la Colombie-Britannique comptait environ quinze pour cent de personnes handicapées en 2012. À la veille de la journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre, quels sont les obstacles auxquels ce public fait face en 2020, notamment face à la pandémie ?
Rencontre avec Djamilatou Diallo et Nicolas Bouchard.
Le handicap, qu’il soit physique ou mental, peut encore parfois être perçu négativement par la société. S’il existe des services tels que Disability Alliance BC, CanAssist et autres programmes provinciaux venant en aide financièrement et psychologiquement aux personnes handicapées, il reste encore à faire bouger d’autres lignes.
Certains aménagements à améliorer
La vie quotidienne d’une personne handicapée physiquement peut être jalonnée d’obstacles dans les transports en commun, le SkyTrain par exemple. « Je m’arrête à ma station puis l’ascenseur ne fonctionne pas. Il faut donc que je fasse demi-tour, que j’aille à une autre station », explique Djamilatou Diallo.
Djamilatou Diallo enseigne l’anglais à l’école Jules Verne. Elle souffre d’une paralysie cérébrale et apprécie les aménagements de l’établissement scolaire à son égard. Aménagement d’une rampe dans le trottoir, remplacement des portes de l’établissement ou encore acquisition de tableaux et bureaux ajustables : cet employeur a su apporter des solutions concrètes à son personnel.
« Ils sont tout de suite venus me demander ce dont j’avais besoin. Ils ont rendu évident que c’était à eux d’adapter l’environnement. Je ne m’attendais pas à ça, même si je sais que c’est de mon droit et qu’il y a certaines choses dont j’ai besoin», partage-t-elle.
Cependant, si ces initiatives ne sont pas exceptionnelles, il reste encore de la marge pour les aménagements publics. « Le monde a été créé par des gens qui n’ont pas de problèmes par rapport à la mobilité réduite et qui essaient d’anticiper mais avec des yeux de non-handicapés, donc c’est un peu difficile d’anticiper toutes les barrières, » ajoute Djamilatou Diallo, qui trouve séduisante l’idée de la création d’un comité incluant les usagers handicapés.
Entre gérer le fait de travailler dans deux bâtiments, et de devoir traverser la rue, la vie se complique pour l’enseignante qui apprécie beaucoup l’aide qu’elle reçoit des uns et des autres.
« Mes collègues se sont portés volontaires pour m’aider à porter mes affaires, monter une colline et traverser un stationnement. J’ai un emploi encore plus physique qu’à l’habitude. Ma fin de journée est plus fatigante », confie-t-elle.
Le regard des autres peut s’avérer un poids important. « J’ai déjà entendu des gens dire : « Mais c’est quoi votre problème ?! » alors qu’ils m’avaient suivie quand je sortais du bus », raconte Djamilatou Diallo. « Des fois, je me rends compte que je n’en parle pas si on ne me demande pas mon avis et c’est déjà une barrière. Ce n’est pas que je ne rencontre pas d’obstacles mais mon instinct est de vouloir les surmonter moi-même. D’autres que moi vivent des choses similaires. On se demande ensuite pourquoi on ne voit pas de personnes handicapées en ville. Je pense que c’est une minorité visible mais tout de même invisible. S’il y a des attitudes pareilles, c’est un peu décourageant de sortir ».
Mais pour l’enseignante, l’entourage familial et professionnel est ce qu’il faut retenir dans toutes ces épreuves. « J’apprécie vraiment le soutien de la part de mes collègues qui quittent parfois leur poste le matin pour venir m’aider. Les personnes handicapées, quel que soit le handicap, veulent contribuer à la société de la façon dont elles le peuvent », explique-t-elle.
En dehors de l’agencement urbain, il s’agit aussi parfois de trouver la bonne information, le bon service mais aussi la bonne personne-ressource au sein des entreprises. « Dans mes postes précédents, on sous-entendait qu’il fallait que je me débrouille et que si j’avais des questions, il fallait que je trouve la bonne personne à qui demander », explique Djamilatou Diallo. « L’accès aux ressources francophones dans ce domaine n’est pas toujours évident à trouver. Cependant, RésoSanté propose une redirection sur les services adéquats. Quand je suis arrivée à Vancouver, j’ai été agréablement surprise par les services d’entraide offerts, une offre pas toujours aussi étendue en Europe ».
Un accès parfois difficile à l’information
Ici, en Colombie-Britannique, Nicolas Bouchard, un gestionnaire en santé mentale à RésoSanté, déplore le manque de communication sur la prise en charge des soins par la couverture médicale mais aussi le manque de visibilité.
Pour preuve, Monsieur Bouchard, qui est aussi intervenant pour un organisme de soutien aux personnes souffrant de troubles mentaux (MPA Society) et qui travaille également dans une clinique pour laquelle il suit des victimes d’accidents de la route ayant aussi un handicap physique, souligne « qu’il y a de la demande mais pas assez de services. Je pense que la communication n’est peut-être pas assez importante. Avec quelques collègues, nous avions monté une plateforme d’écoute gratuite au début de la pandémie, mais seules trois personnes nous avaient sollicités ».
Un isolement accentué par la COVID-19
En ce qui concerne la santé mentale, le gestionnaire à RésoSanté dans ce domaine met l’accent sur la grande détresse de ses patients dévorés par l’anxiété et qui n’osent plus sortir en raison de la pandémie.
L’isolement constituait déjà un problème majeur pour le public handicapé avant la COVID-19, et la pandémie n’a fait qu’aggraver ce sentiment. « C’est difficile pour nous d’avoir un suivi en cette période. Il y a certaines personnes que nous n’avons pas vues depuis huit mois. Ce qui est vraiment compliqué, c’est que les gens ne savent pas quand ça va changer et où l’on s’en va », explique-t-il.
S’il reste encore des améliorations à apporter pour une meilleure inclusion des personnes handicapées, au niveau professionnel par exemple, le changement de mentalité demeure le premier chantier auquel chaque citoyen peut participer.