Si l’histoire de l’humanité est très longue, par contre les humains ont une mémoire très courte. En général, ils ont tendance à se rappeler des choses qui les affectent directement ou indirectement, ce qui laisse tomber dans l’oubli beaucoup de moments historiques en marge de la mémoire collective.
Gu Xiong, professeur au département d’histoire de l’art, l’art visuel et la théorie à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), est un de ceux qui tentent de faire redécouvrir au public un chapitre important, mais souvent omis, dans l’histoire de la Colombie-Britannique. Son exposition, The Remains of a Journey, explore les premières colonies chinoises qui ont parsemé la Colombie-Britannique continentale et l’île de Vancouver à partir du 19e siècle et à partager les histoires de ces communautés avec le reste du monde. L’artiste Gu Xiong est un expert en art multimédia qui a donc choisi d’utiliser la vidéo, les photos d’archives, la poésie et les installations d’art en trois dimensions pour son exposition.
Il raconte les difficultés auxquelles il a dû faire face en tant qu’artiste contemporain faisant des recherches sur une époque souvent oubliée.
« Pour les artistes, ce n’est plus très simple, on peut faire de l’art, mais il faut aussi être un chercheur, un savant […] parce que lorsqu’on traite de problèmes sociaux il faut connaître toute l’histoire », partage-t-il.
Gu Xiong a fait plusieurs recherches sur ce sujet depuis 2011. Celles-ci l’ont amené à cibler cinq sites différents à travers la Colombie-Britannique ainsi qu’une ville de Canton en Chine. L’exposition de l’artiste emmène son public à travers la vie quotidienne de ces immigrants chinois qui ont fait du Canada leur nouveau foyer.
Enterrer ses morts
Lorsque les premiers immigrants chinois arrivaient au Canada au 19e siècle, ils ne choisissaient jamais d’être enterrés au Canada. Souvent leurs corps étaient renvoyés en Chine où ils étaient enterrés. Gu Xiong raconte que c’est « une vieille tradition chinoise, lorsque vous mourez vous devez être enterré dans votre ville natale […] vous devez rentrer chez vous ».
Cette tradition a commencé à changer lentement et marque une transformation de la culture chinoise au Canada. À une époque où les Chinois ne pouvaient même pas voter au Canada, « ils ont décidé d’enterrer leur corps ici au Canada pour déclarer leur appartenance », précise le professeur.
Ceci explique pourquoi Gu Xiong a choisi que trois de ses sites dans son exposition soient des cimetières chinois différents : le cimetière chinois de New Westminster, le cimetière chinois de Harding Point et le cimetière chinois Mountainview.
« Pour moi, ces cimetières sont comme des musées sur l’histoire de l’immigrant chinois au Canada », ajoute l’artiste. Mais ceux qui ont choisi d’être enterrés au Canada n’ont jamais oublié d’où ils venaient. « [les pierres tombales] font face au Pacifique, elles font face vers d’où ils viennent », précise Gu Xiong.
Immigrant chinois de première génération au Canada, Gu Xiong s’est aussi penché sur où se trouvent les domiciles des immigrants.
Les sites des premiers établissements dans l’exposition de l’artiste comprennent également des endroits tels que Cumberland Chinatown et la colonie de lépreux de l’Île D’Arcy. Ces sites sont aujourd’hui abandonnés et délabrés mais ceci n’a pas empêché l’artiste de se promener là-bas et d’y imaginer la vie quotidienne d’antan. Finalement Gu Xiong montre au public son dernier site, Canada Village à Canton, qui rappelle le Canada car ces citoyens ont « mélangé les styles architecturaux occidentaux et chinois ».
La dualité des cultures est omniprésente pour les immigrants chinois au Canada.
Installation artistique en trois dimensions
Comment traduire une décennie de recherches en une exposition d’art ? Gu Xiong explique qu’il a fait sept vidéos qu’il projette sur les murs de l’exposition. Le but de ces vidéos est de donner aux visiteurs l’impression de faire partie de ces sites par ces « images plus grandes que nature ». De plus, l’artiste a trouvé des milliers de photos collectées dans diverses archives de la Colombie-Britannique pour les ramener aux yeux du public contemporain. L’exposition comprend également un poème, rédigé par l’artiste, inscrit sur le sol de la galerie pour rendre hommage aux lépreux qui ont été isolés sur l’Île D’Arcy.
The Remains of a Journey, qui marque l’aboutissement de dix ans de recherches, se trouve au Centre A et à Canton-sardine (rue Keefer) jusqu’au 13 février.
Pour plus d’information visitez le :
www.centrea.org
www.canton-sardine.com