Près de 54 000 élèves de la province étudient dans des écoles en immersion française. À la différence des étudiants du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF), il ne s’agit pas d’élèves francophones qui désirent suivre un enseignement dans leur langue maternelle, mais plutôt d’élèves non francophones dont la première langue est le plus souvent l’anglais et qui apprennent le français au cours d’une scolarité durant laquelle les élèves sont placés dans un environnement largement consacré à l’enseignement de la langue de Molière.
Ce programme d’études bilingue est extrêmement populaire à l’échelle de la province (y trouver une place relève souvent du miracle tant la filière est saturée de demandes, aucune des onze écoles contactées n’avait de place pour inscrire de nouveaux élèves). Par contre, crise sanitaire oblige, les principes qui président à son existence ont été durement mis à mal par les mesures de distanciation sociale instaurées depuis la pandémie.
Virginie Martin, enseignante en immersion française à l’École secondaire Hugh McRoberts à Richmond, explique que la structure même de l’école a été très affectée lorsqu’il a fallu gérer les mesures obligatoires, tout en continuant à assurer l’enseignement tel que requis avant la crise sanitaire. D’avril à juin 2020, les cours ont été donnés en ligne: « Il a fallu, de façon assez précipitée, adapter nos cours en ligne (…) Les cours de langue ont bien sûr été très affectés, car (…) la spontanéité de discussion n’était pas possible en classe entière. »
Une organisation chamboulée
À partir de la rentrée de septembre 2020, les cours ont repris en présentiel dans la plupart des écoles, mais avec un système de quarts, de façon à éviter que les classes ne soient trop pleines. Cela signifie qu’une partie des élèves assistent aux cours en classe, pendant que les autres suivent un enseignement à distance. Résultat, la moitié des élèves plus âgés suivent les cours sur place, quand l’autre moitié étudie à distance, et alterne à intervalles réguliers. Cependant, la question de compatibilité entre immersion et enseignement à distance se pose.
Pour Mme Martin, « l’immersion est tout à fait possible à distance comme nous l’avons fait d’avril à juin dernier (…) J’ai fait une formation générale sur l’enseignement en ligne durant l’été (non spécifique à l’immersion) et je pense que si cette année avait été à distance, mes cours auraient été plus efficaces et agréables. Ce qui a manqué l’année dernière était la pratique de l’oral principalement et des discussions spontanées ».
Cependant, l’immersion a été profondément affectée par la crise, tant les élèves que les professeurs et, bien entendu, les parents. « Je n’ose pas imaginer à quel point cela aurait été compliqué à gérer avec ma femme s’il avait fallu que l’un d’entre nous reste à la maison si notre enfant avait été plus jeune », explique Michael Dylon, dont le fils est en dernière année d’immersion français à l’école secondaire de Kitsilano. Cela a pourtant été le quotidien de milliers de familles avec de vrais impacts sur les élèves, mais aussi sur le plan financier. Comme d’habitude, ce sont les plus fragiles qui sont les plus affectés. « Certains élèves s’épanouissent dans ce système alors que ceux qui auraient besoin de plus de soutien sont plus en difficulté qu’ils ne l’auraient été dans le système précédent », explique encore Virginie Martin.
S’adapter en lien avec les élèves
Parmi les difficultés auxquelles font face les professeurs, Ann Cheng, une collègue de Virginie Martin dans le même établissement, explique: « Les soucis autour de l’hygiène et de la désinfection ont beaucoup changé ma planification pédagogique. J’hésite à présenter des activités qui exigent la circulation et l’échange de papier, d’objets etc. en sachant que cela prendrait du temps pour les nettoyer et, par conséquent, nous perdrions du temps précieux pour d’autres expériences d’apprentissage. Sur une note positive, j’ai pu expérimenter davantage avec la technologie. Durant une journée de formation professionnelle, j’ai découvert un logiciel de présentation virtuelle qui a servi de moyen amusant de faire des sondages auprès des élèves. Les élèves peuvent répondre à une question sur leurs portables et les résultats collectifs apparaissent en direct sur mon écran de projection. Bien sûr, cela exige que tout le monde ait accès à un appareil électronique et à Internet, ce qui n’est pas toujours le cas dans les écoles.» L’impact sur le niveau de français des élèves est également important. «Au lieu d’avoir une classe de français sur toute l’année, ils ont leur classe de français sur dix semaines. Cela implique un contact réduit avec la langue qui nécessite de la pratique régulière pour maintenir un certain niveau », continue Mme Martin, « les enseignants doivent faire preuve d’une grande adaptabilité et inventivité » et plus encore lorsque c’est le cadre tout entier qui est ébranlé par la pandémie.