Cette année, comme l’an dernier, je ne peux pas dire « en mai fais ce qu’il te plaît ». En mai aussi bien qu’en tout autre mois de l’année d’ailleurs, il m’est difficile, par les temps qui courent, de faire ce que j’ai envie de faire. Je suis restreint par des restrictions qui me sont, comme à tout le monde, imposées afin que je puisse rester en vie tant que je vis. Nous sommes tous logés à la même enseigne et je n’ai par conséquent aucune raison de me plaindre. Cette triste constatation toutefois m’oblige à réfléchir sur ce que je manque en ce mois de mai où je ne peux faire ce qui me plaît.
À tort, j’ai estimé qu’une fois vacciné je pourrais faire des bises et des accolades à ceux qui me sont chers. Eh bien! Non. Ce n’est pas encore demain la veille où il me sera possible de m’aventurer dans ce genre de manifestation affective. Mes proches, très craintifs, voulant sans doute se protéger, ne tiennent pas à accélérer ce processus de rapprochement. Cela leur semble très prématuré. Ils se méfient des variantes. D’où ma question, frisant la paranoïa, qui me tourmente continuellement : « M’aiment-ils encore? ».
Autre sujet d’amertume, non dénué d’inquiétude : suis-je encore ami avec mes amis? Cela fait plus d’un an qu’on ne se serre plus la main. On se touche à peine du bout des coudes. On se parle à peine du bout des lèvres. Plus question d’aller boire un verre ensemble au pub où nous avions l’habitude de nous rencontrer. Les patios c’est bien beau mais il faut qu’il fasse beau. L’amitié en prend un coup si ensemble nous ne pouvons boire un coup.
Psychologiquement je me fais du souci. Je dois continuellement me surveiller pour ne pas sombrer dans une asthénie nerveuse avec laquelle je n’ai pas envie de me battre à moins de passer par une analyse psychopathologique approfondie. Ce que, par forme d’orgueil déplacé, je ne ferai jamais. Somme toute, poursuivre ma petite vie tranquille n’est pas chose facile mais j’y arrive quand même, malgré les aléas de la vie. Il faut dire aussi que je n’ai pas le choix : c’est marche ou crève. Puisque je ne tiens pas à crever, je marche et ça marche…au pas, comme disait papa.
Donc il est clair qu’au mois de mai, de nos jours, je ne peux faire ce que j’aimerais faire (It’s not fair, m’a dit un Anglais qui, prenant ses distances, passait par là). Ainsi, pas question de me rendre en Inde où mon gourou, qui médite sur mon cas, m’attend avec impatience afin de me livrer mon mantra que je devrai avec frénésie réciter à longueur de journée, histoire de me calmer les idées. Vous n’avez pas idée jusqu’à quel point toute cette histoire me stresse. Puisque les vols pour l’Inde sont temporairement annulés, je ne peux aller à lui et lui ne peut venir à moi, ma tâche consiste dès lors à me détacher de lui, ce que je m’apprête à faire, que cela lui plaise ou non.
Pour tout vous dire, puisque nous sommes dans les confidences, ce qui me plaît en mai c’est la possibilité de me promener tout nu sous la pluie malgré la venue des beaux jours. Mais mai n’est plus mai si la pluie ne s’en mêle pas. Donc un peu plus de pluie m’aurait plu même si on estime que jusqu’alors il a trop plu car depuis l’invention du parapluie nous n’avons aucune raison de craindre la pluie. Je m’adresse maintenant aux cieux : s’il vous plaît, envoyez un peu de pluie car plus il pleut plus ça me plaît. Ah, oui, si vous me voyez passer tout nu sous la pluie, fermez les yeux et attendez que le mois de mai passe.
Une petite randonnée en Galilée ne m’aurait pas déplu non plus si j’avais pu m’y rendre afin de participer à la ruée vers Dieu. Aucun regret : j’ai évité ainsi de me faire piétiner lors de la bousculade générale qui fit au moins 45 morts. Dieu, si j’en crois ma logique, aurait donc décidé de fermer les yeux devant cette hécatombe de gens qui lui sont dévoués, estimant sans doute que ce genre de manifestation religieuse, en pleine pandémie, ne méritait pas son attention. Peut-être était-il accaparé ailleurs ou tout simplement préoccupé par ce que deviendraient les milliards de dollars du couple de philanthropes Melinda et Bill Gates qui, publiquement, quelques jours plus tard, annoncèrent leur divorce prouvant ainsi qu’en mai eux ont bien décidé de faire ce qui leur plaît.
Observant tous ces ennuis et toutes ces plaies, j’en conclu avec regret que mai s’avère être un mois qui, pour la deuxième année consécutive, me déplaît.
Note de l’auteur: si ce dernier paragraphe ne vous plaît pas, vous pouvez le jeter à la poubelle municipale sans que j’en sois offusqué et le remplacer par la variante(non-covidienne) qui suit :
Cette année, comme l’an dernier, je ne peux pas dire « en mai fais ce qu’il te plaît ». En mai aussi bien qu’en tout autre mois de l’année d’ailleurs, il m’est difficile, par les temps qui courent, de faire ce que j’ai envie de faire. Je suis restreint par des restrictions qui me sont, comme à tout le monde, imposées afin que je puisse rester en vie tant que je vis. Nous sommes tous logés à la même enseigne et je n’ai par conséquent aucune raison de me plaindre. Cette triste constatation toutefois m’oblige à réfléchir sur ce que je manque en ce mois de mai où je ne peux faire ce qui me plaît.
À tort, j’ai estimé qu’une fois vacciné je pourrais faire des bises et des accolades à ceux qui me sont chers. Eh bien ! Non. Ce n’est pas encore demain la veille où il me sera possible de m’aventurer dans ce genre de manifestation affective. Mes proches, très craintifs, voulant sans doute se protéger, ne tiennent pas à accélérer ce processus de rapprochement. Cela leur semble très prématuré. Ils se méfient des variantes. D’où ma question, frisant la paranoïa, qui me tourmente continuellement : « M’aiment-ils encore ? ».
Autre sujet d’amertume, non dénué d’inquiétude : suis-je encore ami avec mes amis ? Cela fait plus d’un an qu’on ne se serre plus la main. On se touche à peine du bout des coudes. On se parle à peine du bout des lèvres. Plus question d’aller boire un verre ensemble au pub où nous avions l’habitude de nous rencontrer. Les patios c’est bien beau mais il faut qu’il fasse beau. L’amitié en prend un coup si ensemble nous ne pouvons boire un coup.
Psychologiquement je me fais du souci. Je dois continuellement me surveiller pour ne pas sombrer dans une asthénie nerveuse avec laquelle je n’ai pas envie de me battre à moins de passer par une analyse psychopathologique approfondie. Ce que, par forme d’orgueil déplacé, je ne ferai jamais. Somme toute, poursuivre ma petite vie tranquille n’est pas chose facile mais j’y arrive quand même, malgré les aléas de la vie. Il faut dire aussi que je n’ai pas le choix : c’est marche ou crève. Puisque je ne tiens pas à crever, je marche et ça marche…au pas, comme disait papa.
Donc il est clair qu’au mois de mai, de nos jours, je ne peux faire ce que j’aimerais faire (It’s not fair, m’a dit un Anglais qui, prenant ses distances, passait par là). Ainsi, pas question de me rendre en Inde où mon gourou, qui médite sur mon cas, m’attend avec impatience afin de me livrer mon mantra que je devrai avec frénésie réciter à longueur de journée, histoire de me calmer les idées. Vous n’avez pas idée jusqu’à quel point toute cette histoire me stresse. Puisque les vols pour l’Inde sont temporairement annulés, je ne peux aller à lui et lui ne peut venir à moi, ma tâche consiste dès lors à me détacher de lui, ce que je m’apprête à faire, que cela lui plaise ou non.
Pour tout vous dire, puisque nous sommes dans les confidences, ce qui me plaît en mai c’est la possibilité de me promener tout nu sous la pluie malgré la venue des beaux jours. Mais mai n’est plus mai si la pluie ne s’en mêle pas. Donc un peu plus de pluie m’aurait plu même si on estime que jusqu’alors il a trop plu car depuis l’invention du parapluie nous n’avons aucune raison de craindre la pluie. Je m’adresse maintenant aux cieux : s’il vous plaît, envoyez un peu de pluie car plus il pleut plus ça me plaît. Ah, oui, si vous me voyez passer tout nu sous la pluie, fermez les yeux et attendez que le mois de mai passe.
Une petite randonnée en Galilée ne m’aurait pas déplu non plus si j’avais pu m’y rendre afin de participer à la ruée vers Dieu. Aucun regret : j’ai évité ainsi de me faire piétiner lors de la bousculade générale qui fit au moins 45 morts. Dieu, si j’en crois ma logique, aurait donc décidé de fermer les yeux devant cette hécatombe de gens qui lui sont dévoués, estimant sans doute que ce genre de manifestation religieuse, en pleine pandémie, ne méritait pas son attention. Peut-être était-il accaparé ailleurs ou tout simplement préoccupé par ce que deviendraient les milliards de dollars du couple de philanthropes Melinda et Bill Gates qui, publiquement, quelques jours plus tard, annoncèrent leur divorce prouvant ainsi qu’en mai eux ont bien décidé de faire ce qui leur plaît.
Observant tous ces ennuis et toutes ces plaies, j’en conclus avec regret que mai s’avère être un mois qui, pour la deuxième année consécutive, me déplaît.
Un petit voyage vers la station spatiale internationale (SSI ou ISS) ne m’aurait pas déplu non plus. Ne sachant si la fusée de lancement chinoise, complètement hors de contrôle, allait ou non me retomber sur la tête d’un moment à l’autre, la possibilité d’un petit séjour loin de notre chère planète n’aurait pas été pour me déplaire. L’agence spatiale chinoise aurait intérêt à consulter Elon Musk avant d’envoyer des objets non certifiés en l’air. Si les débris du véhicule spatial en perdition avaient atterri sur la résidence de Mar-a-Lago en Floride plutôt que dans l’océan Indien, porter plainte ne me serait même pas venu à l’idée. J’accepterais de même les retombées financières du divorce entre Melinda et Bill Gates qui ont le don de ramasser les dollars, et non les feuilles, à la pelle. Comme quoi, quand on est milliardaire, en mai, pandémie ou non, il est possible de faire comme ça vous plaît.