Sous-cultures, expérience personnelle et globalisation, c’est la règle de trois de la sculptrice canadienne d’origine coréenne, Sora Park, dont l’exposition d’art contemporain To glide, to say bye (Planer, dire au revoir) se tiendra du 28 mai au 4 juillet à la Fort Gallery de Fort Langley.
Au gré de 31 structures polychromiques, Sora Park met en scène une ode à la passion au sens large et à son expérience révolue de danseuse. Les couleurs utilisées célèbrent les individus et les mouvements qui composent la sous-culture de la danse afro-latine, tout autant que le moment où la passion s’évanouit. Elle invite à réfléchir précisément à ce qui se trouve sous les pieds de chacun, danseur ou non, et les histoires et les émotions qui peuvent y être écrites.
Choix et non prédétermination
Le fil rouge du travail artistique de Sora Park est la façon dont la globalisation et les migrations perpétuent les sous-cultures. Celle de la danse latine est pour elle le parfait exemple. Elle raconte avoir découvert la danse afro-latine lors d’un voyage en Amérique du Sud il y a une dizaine d’années. De retour au Canada, elle a alors cherché et trouvé des cours qu’elle a tout de suite commencés.
Si l’artiste indique que la communauté vancouvéroise est « très diverse pour ce qui est de l’origine ethnique » des individus qui la composent, elle met l’accent sur le fait qu’elle s’est sentie en faire partie en raison de son attrait pour cet art et sa musique en tant que tel. Elle veut ainsi rappeler que l’on peut faire partie d’une sous-culture par choix et non en raison de sa nationalité ou de son lieu de résidence. Pour elle, c’est la passion qui fait que l’on appartient à une sous-culture, c’est un environnement ouvert. « Les sous-cultures offrent un environnement sûr où chacun peut se sentir à l’aise, au bon endroit, sans avoir à se justifier de son centre d’intérêt, et un endroit où l’on se trouve aux côtés de personnes qui nous comprennent vraiment », déclare Sora Park.
Un révélateur de sa propre identité
Si l’appartenance à une sous-culture peut être un choix et non prédéterminé, il peut néanmoins se révéler épineux dans le contexte actuel de l’appropriation culturelle. Elle rapporte en exemple un épisode de ses études en Europe et notamment en France, lorsqu’elle se retrouvait à danser des chorégraphies africaines : « Alors que je dansais
et faisais mes recherches sur le sujet de l’authenticité et de l’appartenance des constructions culturelles dans un endroit où visiblement je n’avais pas ma place, où j’étais régulièrement la seule asiatique dans la salle, où je ne parlais pas la langue, je me suis surprise à prendre progressivement conscience de ma propre identité. Je me suis trouvée en position de rediriger les questions de l’authenticité et de l’appartenance des constructions culturelles
sur ma propre expérience », prenant ainsi conscience que son corps vivait le bien culturel d’une autre personne, bien culturel qui s’écartait ainsi de sa signification, son intention et sa forme originelles. Elle a arrêté de
danser peu de temps après.
Un catalyseur de sa naissance artistique
Aujourd’hui, trois ans plus tard, elle est prête à tourner la page après un dernier salut, d’où le titre Planer, dire au revoir. « En donnant ce titre, je voulais dire au revoir à la danse de façon appropriée par le biais d’une exposition s’en inspirant. Je savais qu’il fallait que je le fasse à un moment donné pour rendre hommage à cet aspect qui a joué un rôle si important dans ma vie personnelle mais aussi artistique pendant tant d’années », poursuit l’artiste.
Chaque panneau en polystyrène souligne le mouvement de la répétition inhérent à la danse et les formes abstraites font référence aux différentes façons dont un espace de danse peut être occupé, notamment les néons, grâce aux couleurs fluos. Mais Sora Park a également inséré des couleurs plus sombres pour indiquer le moment de rupture : « Toute l’exposition est inspirée de ce moment où je me suis rendu compte que je ne voulais plus danser. J’étais au bord de la scène, je regardais mes chaussures de jazz pendant que les autres s’amusaient. J’ai vraiment voulu utiliser les couleurs pour représenter ce moment où subitement, la joie, l’euphorie et le bonheur que je ressentais en dansant, ont quitté mon corps ».
Les couleurs, passant de l’arc-en-ciel au gris, révèlent cette transition, et cet état de tomber en désamour est assez universel pour que le message résonne en chaque spectateur : « À ce moment-là, j’ai repensé à toutes les scènes que j’avais foulées et toutes les salles de danse où je m’étais rendue autour du monde. Je me suis demandé combien de fois ces sols avaient absorbé en silence toutes les émotions que les danseurs avaient éprouvées », conclut l’artiste.
L’exposition comprend également une conversation virtuelle avec l’artiste et une invitée le 3 juin ainsi qu’une rencontre en présentiel le 19 juin. Informations complètes sur le site www.fortgallery.ca