« Nous aurons toujours Paris ». Et s’il y avait une autre histoire d’amour universelle et intemporelle ? « Nous aurons toujours la pâtisserie. » Si ces derniers mois de pandémie ont vu l’émergence de cuisiniers en herbe confinés, la crise sanitaire a également bénéficié à des professionnels du secteur. Preuve en est : de nouvelles pâtisseries ont ouvert à Vancouver.
Rencontre avec quatre d’entre elles qui ont récemment ajouté leur offre à la liste des adresses savoureuses de la métropole.
La consommation de mets sucrés apporte bonheur et bien-être pour beaucoup et depuis toujours, et les qualités d’exutoire de leur confection pour lutter contre l’anxiété se sont incontestablement révélées pendant la pandémie. Ces quatre travailleurs de première ligne ‘culinaire’ ont bien conscience des différents pouvoirs thérapeutiques de cet art et s’en nourrissent pour affiner leur identité.
Tombé dans la farine par accident
Kevin Ao est un cuisinier vancouvérois né à Taiwan dont le C.V. inclut de grands restaurants étoilés. Il a fondé Le Bon Moment à Burnaby pendant la pandémie alors que, de son aveu, il n’avait jamais fait de pâtisserie avant cette date. Il explique avoir simplement goûté des mets de « grands chefs pâtissiers du monde » (en français dans le texte) au cours de sa carrière, ce qui lui a suffi comme formation. Son menu comprend des assortiments de biscuits pour le thé. « Le Bon Moment est né pendant la pandémie et c’est un concept qui s’y prête, cela permet à mes clients de déguster dans le confort de leur foyer », indique-t-il. Il dit également avoir choisi ledit concept après une étude de marché : « Avec les sandwichs et desserts d’accompagnement pour le thé, les possibilités sont sans fin ».
La carrière du pâtissier guyanais, Rémi Ho, est également fortuite. Après son arrivée au Canada à l’adolescence, l’un de ses premiers emplois estivaux s’est déroulé au restaurant Tapenade à Steveston. Plus que l’art en lui-même, c’est l’ambiance qui lui a plu et le plaisir de voir des clients satisfaits, explique-t-il. Il est maintenant propriétaire de son propre établissement, Remi Pâtisserie, un mariage de tendances culinaires asiatiques mais à forte évocation française, tels que les éclairs matcha-mochi ou les flans au Hojicha, un thé vert torréfié japonais. « Je voulais introduire les pâtisseries françaises au sein des communautés asiatiques, mais pour cela il fallait les adapter un peu. Il fallait qu’elles soient plus légères et moins sucrées, mais tout en gardant la tradition française dans chacune ». De sa mère chinoise, il tire également une partie de son inspiration et il utilise sa recette pour la génoise du populaire roulé suisse.
Le goût des autres
Andrew Han, pâtissier vancouvérois de mère vietnamienne et de père coréen, est le fondateur et chef directeur du Café Kouign, du nom de la pâtisserie bretonne mais prononcé comme le mot anglais Queen. Il a ouvert en août 2020. Ses créations osent les alliances asiatiques et européennes avec succès, tels que le pandanus avec la poudre de spéculoos ou le chocolat avec la poudre de porc. Les réactions de ses clients le font sourire et sont source à la fois de très grande satisfaction et de motivation pour continuer : « Les gens disent que notre nourriture est nostalgique, magique ». Il dit également sans gêne qu’à la lecture de la carte, certains profèrent des acronymes à trois lettres qui pourraient autrement faire rougir. Mais une fois goûtées, « l’association dans ces pâtisseries se justifie ». Il ajoute aussi qu’il est « toujours aussi surpris qu’autant de gens décrivent ce même sentiment : “c’est à la fois classique et innovant, incroyablement étrange et à la fois familier, de façon très palpitante.” » Et sur la pâtisserie phare dont le café tire son nom, plusieurs Européens lui ont lancé : « Ils sont comme ceux en Europe, dopés aux stéroïdes ! »
L’une des motivations de Rémi Ho de travailler dans cette industrie fut celle de voir la satisfaction sur le visage des clients. Interrogé sur un compliment dont il se souviendra toujours dans sa pâtisserie, il raconte : « J’avais un gâteau intitulé Omakase (N.D.L.R. : l’équivalent japonais de la suggestion du chef dans un restaurant), ce qui veut dire que je pouvais utiliser les ingrédients de mon choix. Je demandais juste s’il y avait des allergies ou dégoûts particuliers. J’avais fait un gâteau aux cerises pour un couple et lorsqu’ils ont vu le gâteau avec ces fruits, ils n’avaient pas l’air très satisfaits. Ils sont rentrés chez eux et ont dit : Voilà comment gâcher 60$. Aucun des deux n’aimait les cerises. Mais après avoir malgré tout goûté, ils ont déclaré quelque chose comme “si Rémi veut faire un gâteau avec des poivrons verts, je le mangerais sans hésiter”. Et de conclure qu’il ne dit pas non à cette idée. »
Kevin Ao se remémore quant à lui le jour où l’une de ses clientes lui a dit que sa tarte à l’ananas était tellement bonne, » qu’elle ne voulait pas la partager avec son fils ».
Savoir-faire et optimisme portugais
Avelino Santos est arrivé au Canada il y a quinze ans, et ce professionnel du secteur de la restauration contribue à la promotion de la culture lusitanienne depuis lors. Natas Canada est l’une de ses entreprises : un commerce en ligne et ponctuellement en présentiel, qui vend la spécialité Pasteis de natas, les fameuses tartelettes portugaises. Pas de croisées frontalières en matière de goût pour Natas Canada, une seule offre et qui respecte purement la recette traditionnelle, mais cela n’a pas empêché le commerce de connaître une envolée des ventes ces derniers mois, alors qu’elle existe en réalité depuis 2017. « (Covid) a été un bon catalyseur pour nous développer et toucher une plus grande clientèle », analyse-t-il.
Les clients de Natas peuvent ainsi voyager dans le temps, se remémorer un voyage à Lisbonne ou ailleurs dans le pays. Ou en planifier un !
Si la période actuelle est propice au changement concernant les habitudes, elle est également propice à la découverte de ces nouvelles adresses pour délecter non seulement les papilles mais aussi le cœur de ces artisans pourvoyeurs de plaisirs pas seulement sucrés, mais aussi simples et à proximité.
www.instagram.com/le.bonmoment