À la veille de la fête du travail et de la rentrée scolaire, et faisant suite à l’annonce du déclenchement des élections fédérales, une idée saugrenue, pour ne pas dire ridicule, m’est venue : celle de m’imposer un devoir de réflexion qui consiste à imaginer ce qu’il adviendrait des leaders de chaque parti suite à leurs possibles défaites. Une tâche purement spéculative, basée sur aucune donnée scientifique et qui n’engage que moi.
À l’heure où j’écris ces quelques mots, les sondages donnent encore Justin Trudeau favori pour l’emporter. Comme chacun le sait, les sondages peuvent se tromper et la prudence nous oblige à penser que rien n’est gagné d’avance. Une seule certitude : ce sera soit un gouvernement libéral soit un gouvernement conservateur. Nous en ignorons par contre la forme : majoritaire ou minoritaire ? Nous serons fixés le 20 septembre.
Ainsi je me soucie de ce qui attend les chefs de parti en cas d’échec, cuisant ou non. Voyons donc.
J’écarte d’emblée Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois qui, de toute façon, ne brigue pas le poste de premier ministre du Canada et ne peut donc le devenir. Pas question alors d’échec pour lui. Son parti peut à la limite perdre des sièges, possibilité peu envisageable mais non exclue; je ne crois pas pour autant que cela remette en question son leadership. Si jamais cela devait se passer, ne pas écarter l’idée d’un retour au Parti québécois avec l’ambition de se présenter en tant que chef et de déloger François Legault, premier ministre du Québec. Je vous avais prévenu : je suis dans la haute, très haute spéculation et cela m’amuse.
C’est avec des sentiments mitigés que j’envisage la future vie de la cheffe du Parti vert du Canada, Annamie Paul. D’un côté, j’imagine qu’elle éprouvera un énorme soulagement de ne plus recevoir des coups de couteaux ou de poignards dans le dos. D’un autre côté je pense à la douleur qu’elle va devoir ressentir en constatant que son leadership fut un total fiasco. Elle devra, pour se consoler, se rappeler qu’elle a marqué et qu’elle appartient à l’histoire du Canada : première femme noire et première femme juive à assumer le titre de chef de parti. Ce n’est pas rien. Elle passera donc le reste de ses jours à lire et relire les coupures de journaux parlant d’elle.
Si Jagmeet Singh (NPD) n’arrive pas à gagner des sièges, son leadership sera fortement contesté. Sera-t-il en mesure de résister aux pressions qui lui seront faites de démissionner ? J’en doute. Il devra alors se tourner vers une nouvelle carrière. Bientôt papa, il pourra, pendant un certain temps, s’occuper de changer les couches du bébé en s’assurant de remplacer quotidiennement leurs couleurs. En fait je ne m’inquiète pas du tout de son avenir : ayant une licence en droit, membre du barreau de l’Ontario, le chef néo-démocrate pourra toujours se faire l’avocat du diable.
Quel sort sera réservé à Erin O’Toole si celui-ci ne réussit pas à s’emparer des rênes du pouvoir ? Aucun doute à ce sujet : le chef du Parti conservateur n’aura pas d’autre choix que de rendre les armes comme l’a fait son prédécesseur Andrew Scheer. Avec ce dernier il sera en mesure de bâtir une fraternité de leaders conservateurs déchus et déçus. Ensemble ils pourront développer une thèse qu’ils publieront, démontrant qu’importe que vous soyez pour ou contre l’avortement, un chef conservateur doit avant tout posséder une forte personnalité pour réussir.
Au tour de Justin Trudeau de passer sous le bistouri de ma tentative d’analyse. Si l’actuel premier ministre ne fait pas mieux qu’en 2019, et qu’il n’obtienne pas la majorité, il devra abandonner la partie. Il pourrait alors se tourner, lui qui aime bien les effets dramatiques, vers une carrière de comédien. Plus intéressé par le paraître que par l’être, ses chances de réussite ne doivent pas être négligées. Des auditions sont actuellement en cours pour jouer le rôle d’Al Jolson dans un film consacré à l’interprète de la chanson Mammy du film Le chanteur de jazz (The Jazz Singer). Vas-y Justin, c’est dans la poche.
D’où sort-il celui-là ? j’allais l’oublier : Maxime Bernier, chef du Parti (pas très) populaire du Canada (PPC), qu’on pourrait confondre avec, s’il existait, le Parti pas contents (PPC). Maxime, le minimum que l’on puisse dire, borné, militant anti-vaccins, se verra privé de participation aux débats télévisés. À part lui, qui va s’en plaindre ? Il sera néanmoins le seul chef de parti à ne pas perdre son poste en cas de défaite. Ainsi il pourra régner indéfiniment sur son mini parti à moins que le coronavirus vienne mettre fin à ses ambitions.
Eh oui ! Ce n’est ni facile, ni prometteur, la vie de chef de parti.