(Chronique à prendre avec un grain de zèle dont le texte, sans complexe, se fait un plaisir d’accentuer
les (dangereuses) liaisons)
Ravi ? Content ? Déçu ? Découragé ? Indifférent ? Las ? Perplexe ? Dites-moi, comment vous sentez-vous au lendemain du résultat des zélections fédérales ? Avez-vous voté pour le cheval gagnant ? Oui ? Eh bien, tant mieux pour vous. Non ? Ce n’est pas grave, vous vous reprendrez la prochaine fois car, c’est acquis, à moins de vivre sous un régime totalitaire, il y a toujours une prochaine fois dans toute démocratie qui se respecte. Vous n’êtes pas content du gouvernement, vous n’aimez pas le premier ministre, ce n’est pas grave. Vous pouvez vous en débarrasser au moment des zélections si la majorité des zélecteurs pensent comme vous. La démocratie c’est ça. On ne lave pas son linge sale en famille; non, on s’en débarrasse.
D’accord, je viens de me couper les zailes sous les pieds en faisant ces quelques remarques qui, je l’admets volontiers, manquaient de zèle. Mon intérêt pour le zèle ne date pas d’hier. Chaque élection me donne l’occasion d’admirer le zèle des candidats tous plus zélés les uns que les autres mais pas autant que les heureux zélus. Ces derniers, il faut le reconnaître, selon ce que j’ai pu constater, se sont fait élire grâce à la supériorité de leur zèle. Mais n’est pas zélé qui veut. Pour être zélé et gagner les zélections quelques critères de base s’imposent.
Avant tout, n’importe quel zèbre, ou zébu qui a la bosse du commerce, hors d’un zoo, vous le dira : il faut savoir user du zèle à bon escient et sans abus. Par exemple (je sais c’est une vieille histoire mais elle sert mon propos),
Justin Trudeau, lors de son voyage en Inde, a voulu faire du zèle en essayant d’être plus local que les locaux; un excès de zèle en somme. Grossière erreur, comme chacun le sait. Les médias, fort zélés, n’ont pas manqué l’occasion de le clouer au pilori. Il en aurait été de même si le premier ministre s’était rendu chez les Zoulous. Tant de zèle, pourquoi ? Pour gagner les zélections évidemment. Un zèle donc pas si désintéressé. Les zélecteurs au zèle fin ne s’y sont (et non saucisson) pas trompés. Comme quoi un excès de zèle peut coûter cher.
Tout au cours de cette dernière campagne électorale, chacun y est allé de son zèle afin d’obtenir les faveurs de l’opinion publique. Prenez l’exemple d’Erin O’Toole, qui a dû passer par les zéliminatoires avant de devenir chef du parti conservateur. Durant sa campagne électorale il a, sans gêne, fait preuve de zèle en avançant des thèses de gauche afin de faire élire son parti de droite. Zèle et opportunisme politique s’arrangent dans son cas pour faire bon ménage. « Zèle, mon parti » se serait écrié ma tante Zoé face à cette constatation qui la prenait les culottes à terre. Les zélites en savent quelque chose. La démagogie s’accommode de la démocratie. Les heureux zélus aux zélections n’ont qu’à continuer d’user de leur zèle pour qu’il en soit toujours ainsi.
Les manifestations auxquelles Justin Trudeau a été confronté durant la campagne électorale prouvent jusqu’à quel point les antivax canadiens peuvent eux aussi être des gens zélés lorsqu’ils conduisent jusqu’auboutisme leur absurdité. Plutôt que des pavés comme toute manifestation digne de ce nom le voudrait, ce sont des cailloux et du gravier qu’ils ont jetés à son encontre. « Que celui qui n’a jamais zélé, jette la première pierre plutôt qu’un pavé » ont dû se dire ces zélotes de pacotille qui font pitié à voir.
Les zéloges, d’une certaine presse, à l’égard de Jagmeet Singh, le chef néo-démocrate, je l’avoue à mes yeux, ne sont pas démérités. Je continue toutefois à être intrigué mais aussi fasciné par la diversité de couleurs de ses turbans. Je suis convaincu qu’un peu de zèle intervient dans ses choix qui ne peuvent être anodins. Porte-t-il un turban bleu en territoire conservateur, du rouge dans une circonscription libérale ou orange en terrain conquis et vert chez les écolos, pour s’attirer les suffrages ? Un certain zèle et surtout une grande subtilité, qui m’échappe, doivent intervenir.
Les débats télévisés des chefs, dont le niveau pas très zélevé fit l’objet de critiques peu élogieuses, manquaient définitivement de zest et donc de saveur. Les zélèves des écoles, qui ont repris le chemin des classes, n’ont rien à gagner à suivre ces zélucubrations dont les zéléments de base, essentiels dans toute délibération, faisaient cruellement défaut. Et, pour conclure, il est bon de savoir que : là où il n’y a pas de zèle, il n’y a pas de plaisir : le plaisir de se faire élire ou réélire. Aujourd’hui, tant mieux pour eux, au lendemain des résultats, les heureux zélus peuvent enfin zélébrer.