Apprivoiser le mystère de la matière noire en apportant du sublime à ce qui est à la fois connu, présent, et mystérieux. Omniprésente mais toujours énigmatique pour les scientifiques qui consacrent toute leur énergie à la recherche pour mieux la comprendre, la matière noire garde cette aura mystérieuse et inquiétante dans l’imaginaire collectif.
L’exposition Drift : Art and Dark Matter, présentée à la Belkin Art Gallery de UBC du 10 septembre au 5 décembre 2021, fait dialoguer la science et l’art pour tenter d’apporter plus de réponses et d’idées, pour comprendre et percevoir autrement la matière noire.
À la fois résidence artistique et projet fécond où fleurissent les idées et les échanges, Drift voit le jour au Agnes Etherington Art Centre, en collaboration avec le Arthur B. McDonald Canadian Astroparticle Physics Research Institute et le SNOLAB, de Sudbury, Ontario. En associant l’approche cartésienne des scientifiques de SNOLAB et celles, multiples et plurielles, d’artistes en résidence issus de tous horizons, Drift permet de rendre la science plus accessible et la matière noire plus éloquente.
Découvertes
Le choix de cette collaboration a été mûrement réfléchi et s’est révélé extrêmement fructueux.
« Comme on peut s’y attendre, les physiciens du SNOLAB et du MI ont l’habitude d’expliquer la science à des visiteurs extérieurs à leur discipline [AG1], si bien que cette habitude a conditionné
nombre de nos interactions », raconte Sunny Kerr, conservateur d’art contemporain au Agnes Etherington Art Centre, avant d’ajouter : « Je pense que la science et l’art se sont éloignés l’un de l’autre depuis la Renaissance, au point que nous avons tendance à nous craindre et à nous stéréotyper ».
Pour éviter cette impasse, l’Agnes Etherington Art Centre a créé un programme pour initier les physiciens à l’art en proposant de nouvelles façons de découvrir, de lire et d’apprécier des œuvres d’art. Ce programme a donné lieu à de riches échanges et de nouvelles perspectives.
« C’était l’un des moments où nous pouvions sentir une véritable solidarité », précise Sunny Kerr, une solidarité portée par un intérêt spécifique pouvant échapper à la dichotomie actuelle entre « l’Art avec un grand A » et la Science « avec un grand S ».
Ces nouvelles noces entre l’art et la science, célébrées par ce projet ambitieux, ont fait naître une multitude d’œuvres d’art, apportant chacune leur lumière sur la matière noire. Le conservateur avoue même avoir été surpris de l’étendue et de la richesse des réponses artistiques, tout comme des réactions toutes aussi positives et clairvoyantes des scientifiques aux œuvres d’art produites. En ayant donné un statut équivalent aux artistes et aux scientifiques, l’Agnes Etherington Art Centre a créé un espace d’échange libre, où les idées fusent, dépassant la simple communication scientifique.
Imaginaire
Imperceptible pour l’œil humain et ne pouvant ni absorber, ni refléter, ni même créer de la lumière, la matière noire est directement indétectable, « intouchable et, de fait, non-physique », précise Sunny.
Pourtant, elle est présente dans chaque objet. Son existence n’est que déduite par les scientifiques qui étudient l’effet de la gravité dans le monde physique. C’est cette énigme même qui est imaginée, représentée et peinte dans Drift.
Ne pouvant être vue ou touchée, la matière noire ne peut être qu’imaginée à partir de références culturelles, de la curiosité et de l’inconscient humain. Les plasticiens en résidence, comme Nadia Lichtig, Anne Riley, Josèfa Ntjam, et Jol Thoms ont donc puisé dans leur imaginaire, utilisant leurs propres référents culturels et leurs différentes expériences pour concevoir leur idée ou ressenti artistique de la matière noire.
« On demande généralement aux artistes de faire de jolies images, et plus couramment, on leur demande de représenter le monde. Le cadre du projet pourrait laisser penser que les artistes illustreraient la matière noire, nous montrant ce qui est “dans le noir”, ou peut-être qu’ils traduiraient et réinscriraient ce que nous pouvons savoir à son sujet grâce à la physique », raconte Sunny Kerr.
Mais, au-delà de leur talent, les artistes réunis par l’Agnes Etherington Art Centre ont été choisis pour leur capacité à adopter une approche différente, non centrée sur la communication.
« N’ayant pas l’intention de rendre visible la matière noire, les artistes ont regardé ailleurs »,
ajoute-il.
En créant un pont durable entre l’art et la science, et en explorant les biais inconscients et l’imaginaire d’artistes, Drift fait lumière sur la matière noire et invite à repenser l’inconnu et l’énigme scientifique comme un miroir de notre société, humaine et plurielle.
Pour plus d’information visitez : www.belkin.ubc.ca