Les arts au secours de l’écologie

Accepter l’éphémère et l’instabilité grâce à l’art. L’exposition Traces, Erasures, Resists ouvre la voie à de nouvelles perspectives et interprétations de la nature et de l’environnement.

Dans ce projet artistique ambitieux, exposé du 7 janvier au 10 avril à la Belkin Gallery de UBC, l’artiste pluridisciplinaire Laiwan présente ses œuvres de jeunesse et fait dialoguer les écrits et les images.

Philosophie

En s’intéressant aux sujets et récits délaissés, Laiwan met en évidence la perception parfois ténue de chacun sur son propre environnement et cherche à libérer les esprits curieux du carcan idéologique.

Laiwan, distance of distinct vision / point éloigné de vision claire (detail), 1992.

« Cela peut également être considéré dans le cadre d’approches décoloniales. Ce que les structures coloniales et capitalistes dominantes considèrent comme n’ayant pas de valeur sont souvent les choses qui nous gardent en vie [et] qui maintiennent en vie les cultures marginalisées », précise l’artiste.

Née en Rhodésie (actuel Zimbabwe) de parents chinois, Laiwan est témoin, dès son plus jeune âge, des lois discriminatoires que subit sa famille. Dans ce pays alors régi par le système d’apartheid, ses parents et ses soeurs se voient refuser de nombreux droits sous prétexte de leur appartenance ethnique.

« En tant que Chinois, [mon père] n’avait pas le droit de posséder de biens et n’était pas libre de choisir sa profession. Il a donc dû être commerçant dans le secteur [réservé aux personnes] “de couleur” », explique Laiwan. Érudit et amateur de littérature, à défaut d’être bon en affaires, le père de Laiwan lui fait découvrir l’histoire et la philosophie chinoises lors des courses matinales. « J’aimais ce monde plus vaste au-delà des dangers et de la violence de l’apartheid », ajoute-elle.

Diversité

Lors de ces échappées philosophiques quotidiennes, Laiwan découvre l’idéal taoiste d’harmonie. La philosophie chinoise, telle que le Tao, nous guide […] en ce qui concerne l’importance du maintien de l’équilibre. Les êtres humains et la nature doivent être en équilibre »,explique Laiwan.

Et la curiosité intellectuelle héritée de cette enfance baignée dans les débats d’idées, mais aussi confrontée à l’environnement hostile de l’apartheid, permet de comprendre l’approche de l’artiste. Misant sur les défis posés à la conscience et aux idées, les œuvres de Laiwan explorent de nouvelles façons d’interpréter et d’interagir avec son environnement, mais aussi comment contribuer à la construction d’un monde meilleur. « L’art peut ouvrir de nouveaux mondes », affirme l’artiste et, grâce à l’imagination, invite à forger de nouvelles relations entre l’être humain et son environnement pour favoriser la générosité et la réciprocité.

Curieuse des principes d’harmonie entre l’homme et la nature, l’artiste observe un parallèle entre l’importance de l’infiniment petit dans l’équilibre de l’écosystème, et la nécessité de protéger et préserver les éléments et récits dénigrés par les systèmes politiques et économiques dominants.

« Ces choses invisibles et apparemment sans valeur, sont aussi [celles] qui peuvent nous détruire si elles sont déséquilibrées. […] Les systèmes dominants tentent de les effacer, mais elles sont cruciales en tant que diversité culturelle et biodiversité », précise Laiwan. En mettant en valeur les récits historiques et culturels marginalisés, Laiwan célèbre la diversité. Et en faisant de cette pluralité le sujet même de son exposition, Laiwan fait de cette célébration un acte de résistance face aux systèmes d’oppression cherchant à les réduire au silence.

Imaginer un monde

Mais Laiwan ne cherche pas seulement à pointer du doigt les risques de ce type d’hégémonie. En créant des œuvres et des espaces artistiques favorisant cette pluralité des interprétations et des expériences, l’artiste et activiste permet de trouver des solutions et moyens d’expressions pour donner une voix à cette diversité. Ce recours à l’art pour s’exprimer et trouver une forme de libération face à des situations parfois difficiles, Laiwan l’a développé très tôt. En effet, lorsque la famille de Laiwan quitte la Rhodésie, alors en guerre, pour arriver au Canada et poser ses valises à Vancouver, elle se retrouve déboussolée dans un nouveau pays. « J’étais une jeune adolescente et j’étais une étrangère dans un endroit étrange », se rappelle-t-elle.

Laiwan se réfugie alors dans la poésie pour faire face à ces changements brutaux et à son nouvel environnement.

« J’ai trouvé une machine à écrire dans le petit appartement où nous étions tous entassés, et j’ai commencé […] à écrire des poèmes. Ils n’étaient pas très bons, mais c’est comme ça que fonctionne l’art, il faut commencer quelque part et, après beaucoup d’efforts, on arrive de l’autre côté, [dans un nouvel état] qui nous invite à imaginer un monde dans lequel nous voulons vivre », conclut l’artiste.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur www.belkin.ubc.ca