Oubliez la pandémie. Ce n’est pas d’elle que vient le véritable danger, celui qui menace notre tranquillité d’esprit et qui a le potentiel de déclencher un conflit mondial dont nous sommes absolument incapables d’évaluer les conséquences. Certes, la COVID continue de tenir le haut du pavé de nos soucis immédiats mais il ne faut pas se faire d’illusion ou s’enfouir la tête dans le sable ; après tout, nous ne sommes ni des magiciens, ni des autruches. Non, il y a de grandes chances que nos véritables ennuis proviennent du conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine. L’antagonisme que se vouent ces deux nations devrait être au centre de nos préoccupations. Ce qui, à l’origine, semblait être une petite chicane, un semblant d’escarmouche entre deux pays voisins ne possédant pas les mêmes affinités idéologiques a, ces derniers temps, pris de l’ampleur au point qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère, ni balayer du revers de la main cette sérieuse menace.
Loin de moi l’idée de jouer les prédicateurs de malheur car je ne suis pas sans savoir que ma tendance est de souvent me prendre pour le premier moutardier du pape ou, surtout, de m’inquiéter pour un rien (ce que mes proches me reprochent) mais, sans vouloir inviter qui que ce soit à appuyer sur le bouton de panique, je tiens à partager avec vous, puisqu’entre lecteurs et chroniqueur on ne se cache plus rien, mes moindres moments et sujets d’angoisse. Que ceux qui aimeraient me traiter de faux-cul me donnent la chance de terminer ma chronique.
Mon sujet d’inquiétude fait suite aux constants échecs des pourparlers qui se tiennent d’une ville européenne à une autre entre les représentants des États-Unis, de l’Otan et de la Russie. Cette dernière a amassé et concentré plus de 100 000 soldats à sa frontière qui la sépare de l’Ukraine. Avouez qu’un tel amoncellement de troupes peut inquiéter. On parle sans complexe de guerre froide. Excusez-moi mais, vu les circonstances actuelles, je la qualifierai de plutôt tiède cette guerre, sinon chaude, même très chaude et qui risque de finir par ébouillanter tout le monde si l’on n’y prête pas plus attention.
Poutine, le président sans doute à vie de la fédération de Russie, a beau prétendre qu’il n’a pas l’intention d’envahir l’Ukraine, peu nombreux sont ceux à le croire sur parole. Comme le disait un de mes voisins de palier qui préférait avoir sa langue dans sa soupe plutôt que dans sa poche : « Chat échaudé craint l’eau froide ». Vladimir, il l’a maintes fois prouvé, ment comme il respire. Il n’est pas le seul, vous me direz, mais cet ex-cagébétiste (KGB) a beaucoup de chemin à faire avant qu’on puisse lui faire confiance. Nous sommes en droit de lui demander ce que peut bien faire son armée dans les parages si ses intentions sont pacifiques. Est-elle là avec l’intention d’installer un camp de colonie de vacances pour l’été prochain ou simplement est-elle en villégiature dans les environs pour service bien rendu en Crimée ?
Quant à la participation canadienne, nommée « opération Unifier », mieux vaut en rire que d’en pleurer. C’est mieux que rien, j’en conviens, mais ce n’est pas la présence d’un petit contingent canadien d’environ 200 militaires non armés qui va faire la différence face aux 100 000 soldats russes. L’Ukraine aimerait surtout que le Canada lui fournisse de l’armement. J’imagine que Kiev a dû insister et supplier de ne pas leur envoyer nos sous-marins d’occasion.
Au fond, vraiment, peut-on en toute âme et conscience, complètement blâmer le chef d’État russe de faire preuve d’autant d’hostilité ? À bien y réfléchir, peut-être pas. Poutine, si l’on se fie à ses exigences, insiste fermement sur un fait majeur : que l’Otan cesse de faire des clins d’œil et de flirter avec l’idée d’admettre l’Ukraine en son sein. Position que l’on pourrait qualifier de légitime en soi car une intégration de l’Ukraine à l’Otan pourrait représenter une menace aux yeux des Russes. Tout n’est donc pas noir ou blanc. Il existe des zones grises et c’est, j’ose l’espérer, au milieu de cette grisaille à couper au couteau, qu’un compromis peut être atteint.
À l’heure où j’écris ces quelques lignes, de nouveaux pourparlers ont été engagés entre la Russie et les États-Unis. Qui sait ce que sera demain ? Une solution pacifique à un possible conflit armé, dont on ne connaît pas les répercussions, s’impose, sinon je ne paie pas cher de nos lendemains. La raison, il va de soi, au bout d’intenses négociations par voie diplomatique, devrait, ou plutôt, doit, l’emporter. La raison, comme le cœur, a ses raisons que la raison ne connaît point aurait pu dire, à quelques mots près, Blaise Pascal. Je pense qu’il a raison.