Il touche bientôt à sa fin mais déjà le petit mois de février me paraît bien long. Les événements n’ont cessé de se bousculer à son portillon. Un mois bien chargé alors qu’il reste encore une semaine à faire. Comment février peut-il faire pour s’occuper de tant d’affaires ? Si dans la vie il existe des hommes à tout faire, dans l’année, à en juger par son activité, février est devenu le mois à tout faire. Mais attention, à force de le gaver, de le suralimenter, il va finir par s’étouffer, qui sait même, par exploser.
Dès le premier jour, février célébrait le nouvel an chinois. Le mois ainsi entrait de plein pied dans l’année du tigre qui, lui, sortait ses griffes en prenant le taureau par les cornes. Cette année encore les festivités ne connurent pas l’ampleur des temps de la pré-COVID. Si je me fie à mon horoscope, et autres prédictions loufoques, ce sera différent en 2023. Je suis prêt à payer cher pour attendre.
Février a ses acquis qui font partie de son régime et lui assurent une notoriété enviée ainsi qu’une grande stabilité en dehors des années bissextiles. Depuis 2008, février a été officiellement reconnu Mois de l’histoire des Noirs au Canada. Un fleuron à son blason que bien d’autres mois doivent lui envier. Certes, les Américains, c’est tout en leur honneur, nous avaient précédés depuis un bon bout de temps déjà mais à ce stade-ci pas besoin de rechigner plus qu’il ne faut. Je ne tiens pas à faire d’histoire. Comme le veut le dicton : il vaut mieux tard que jamais.
La Saint-Valentin fait aussi partie du patrimoine févrieresque. Février abrite les amoureux, protège les cœurs, fraternise avec Cupidon et permet aux fleuristes, aux marchands de roses, aux chocolatiers et aux restaurants de se renflouer, de faire des affaires. Le mois ranime la flamme si nécessaire des amants délaissés. Un mois donc qui a le cœur à la bonne place. Quant à moi je me suis contenté de mijoter des plats de fin gourmet pour ma bien-aimée. Elle a apprécié. Que voulez-vous, je suis un romantique dans l’âme. Chassez le romantisme en moi, il revient au grand galop d’un bel étalon.
Que dire de la fête de la famille récemment instaurée ? Une surcharge imposée sur un mois déjà bien chargé ? Je ne pense pas. Février en a vu d’autres et peut se permettre pareil luxe. La famille c’est important. Il va sans dire que je choisis cette journée-là, alors que nous sommes tous réunis, pour laver mon linge sale.
Bien qu’ils aient lieu tous les quatre ans, les Jeux olympiques d’hiver, tenus cette année à Pékin, ne représentent pas un gros fardeau sur les larges épaules de février, un mois qui a bon dos. Ces jeux, en ce qui me concerne, sont passés presque inaperçus. Les Canadiens ont obtenu quelques médailles d’or et d’argent mais surtout des médailles qui récompensent les athlètes arrivés troisièmes. Ce qui me fait dire qu’à Pékin, le Canada est passé à l’âge du bronze.
Non, ce qui m’inquiète cette année, particulièrement envers le bon mois de février, dont on ne mesure pas encore le niveau de tolérance, ce sont les événements non prévus au programme. Oui, ces événements hors mesure dont on aurait facilement pu se passer. Je pense notamment à la loi sur les mesures d’urgence invoquée par le premier ministre Justin Trudeau qui désirait mettre fin au comportement illégal et abusif des camionneurs. En prenant une pareille mesure, me suis-je demandé, Justin se mesure-t-il à son père Pierre qui n’hésita pas à faire appel à la loi sur les mesures de guerre en octobre 1970 ? Deux poids lourds, deux mesures dont on ne mesure pas aujourd’hui les conséquences. Et, surtout, dans quelle mesure l’opposition à Ottawa bénéficiera-t-elle de cette prise de mesure d’urgence ? La prochaine élection, dans une certaine mesure, nous le fera savoir.
Sur le front russo-ukrainien, février, on l’a bien vu, n’a pas chômé. Vladimir Poutine, ce rusé du KGB, a fait en sorte de tenir le mois occupé. Sa menace d’envahir l’Ukraine a pesé lourd tout au long du mois sur le psychisme des chefs d’État des pays de l’Alliance atlantique qui ont professé des tas de menaces en l’air en cas d’invasion. Le président de la fédération de Russie, observant la réaction des Biden et Cie, a dû se permettre cette boutade : « OTAN en emporte le vent » ou encore celle-ci : « Les Occidentaux aboient pendant que ma caravane de tanks passe ».
Au bout du compte, ce qui compte, c’est ce que l’histoire retiendra de notre février 2022 tout en sachant qu’il faut de tout, et de n’importe quoi, pour faire un mois.