Au Canada, l’empreinte carbone moyenne s’élève à 15 tonnes de CO2. par personne et par année. Il s’agit d’une des empreintes carbones les plus massives au monde ! L’historique économico-énergétique et les hivers rigoureux au Canada n’expliquent pas tout. Les Norvégiens, par exemple, sont à 7 tonnes.
Si l’humanité se range derrière la sage idée de limiter le réchauffement climatique mondial à 1,5°C – ce que préconise l’ensemble de la communauté scientifique – il lui faut respecter un budget carbone mondial : pas plus de 460 Gigatonnes d’équivalent CO2 ne peuvent être émises au cours du siècle. Compte tenu des réserves en combustibles fossiles d’une part, et du rythme actuel des émissions d’autre part (45 Gigatonnes par an), ce budget carbone sera épuisé dans dix ans.
Connaître son empreinte carbone individuelle
Côté consommateur, chacun peut estimer son « empreinte carbone » individuelle. Cela consiste à comptabiliser toutes les émissions de gaz à effet de serre générées chaque année pour répondre aux besoins essentiels (nourritures, vêtements, chauffage), aux imprévus (accident, santé) et aux envies (loisirs, voyages et autres désirs solvables).
Des outils gratuits sont disponibles en ligne pour estimer notre impact sur le climat. Prenant la forme d’un questionnaire, on interroge les habitudes de l’individu ou de la famille, en matière de déplacement, d’habitation, de nourriture et de loisirs, allant même parfois jusqu’à mesurer le contenu carbone des actifs financiers.
Quelques exemples : les applications Carbn ou Capture disponibles sur l’iStore, les sites internet carbonfootprint.com et footprintcalculator.org. Ce dernier fournit en plus du carbone, l’impact en surface associé à un style de vie donné.
Pour aller au-delà des estimations et connaître la valeur précise d’une empreinte carbone, il faudrait que tous les fournisseurs de services et de biens aient réalisé leur propre « inventaire des émissions de gaz à effet de serre ».
Mettre en œuvre la comptabilité carbone des entreprises
Pour qu’à terme le consommateur puisse choisir de manière éclairée en fonction de l’intensité carbone des produits, il faut généraliser les « inventaires de gaz à effet de serre » dans toutes les entreprises et sur toutes les chaînes de valeur : énergéticiens, producteurs de matériaux, transformateurs, transporteurs, distributeurs. Ce « bilan carbone » pour professionnel est adaptable à tous les secteurs, et toutes les tailles d’entreprise soucieuses de faire leur part pour le climat. On ne peut alléger l’impact climat d’un service qu’après l’avoir mesuré.
A l’avenir, on pourrait rêver que chaque boîte de raviolis affiche son score carbone. On pourrait comparer le score carbone du bon vieux Blue Jeans Levis 100 pour cent coton avec celui du très moderne équivalent Lululemon 100 pour cent polyester recyclé – donc issu du pétrole. Et pourquoi pas afficher clairement le score carbone d’un billet d’avion, celui d’un plein d’essence, d’un cheeseburger, d’un smartphone, d’un ticket de cinéma, ou d’une série Netflix afin de favoriser la prise de conscience du consommateur dans le rôle qu’il peut jouer pour protéger le budget carbone de l’humanité ?
Fournir de l’information carbone publique aux citoyens
Le public est constamment bombardé d’informations sur l’état du monde, la politique, la météo et les marchés boursiers. Souhaitons que les radios, les applications smart phone mais aussi les panneaux d’affichage public fournissent prochainement des données climatiques en temps réel : concentration de l’air en CO2. , tendances à la hausse ou à la baisse, part du budget carbone restante pour l’année, progrès réalisés vers la neutralité carbone.
Côté consommateurs, certaines études réalisées à l’étranger révèlent qu’ils sont prêts à faire des efforts*. Pour cadrer ces efforts, le gouvernement pourrait à terme décider de définir des quotas d’émissions maximales autorisées par personne et par année. Actuellement, polluer et dérégler le climat par son style de vie, ses envies ou son ignorance est une liberté absolue protégée par le droit. Cette liberté absolue n’est plus adaptée aux défis de
notre époque.
Plus l’action climatique tardera, plus les mesures pertinentes seront désagréables. Le rythme de réduction des émissions mondiales qu’il faut tenir pour respecter le budget carbone 1,5°C est de -7 pour cent par an. Autrement dit, chaque année d’inaction climatique nous rapproche un peu plus de mesures réglementaires obligatoires, contraignantes et radicales. Or nous savons bien qu’il y a des limites à ce qu’une population démocratique et éprise de liberté est en mesure d’accepter.
Le temps presse et il n’y a aucune raison d’éviter de parler du budget carbone mondial et de la justice climatique, de l’empreinte carbone des individus et du bilan carbone des entreprises.
Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur d’Albor Pacific et EcoNova Education et Conseiller des français.es de l’étranger