Autour d’Elles, Récits de femmes est un recueil de récits de seize femmes francophones immigrantes originaires de neuf pays différents paru en mars 2022 et publié par l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne. D’un océan à l’autre, elles livrent leur expérience, leurs espoirs et parfois leurs déconvenues, entre nuances colorées et émotions fortes, à l’image de la géographie canadienne. Entrevue avec la vancouvéroise et contributrice à La Source, Nathalie Astruc, dont le texte s’intitule Ordo ab chao / L’ordre naît du chaos.
Partant du postulat que « les femmes francophones immigrantes ou issues de l’immigration sont trop peu représentées, notamment leur rôle crucial dans la transmission de la culture et du patrimoine francophone pluriel au Canada », cet ouvrage a pour but “d’amplifier leur voix, d’écouter à la fois les expériences et les enjeux qu’elles ont vécus” avec pour mot d’ordre d’inspirer d’autres femmes en situation minoritaire.
Écrire pour se sentir proche
Nathalie Astruc est originaire de l’île de la Réunion. Elle est arrivée au Canada et à Vancouver en octobre 2019 pour suivre son partenaire de vie. En septembre 2021, elle raconte être tombée sur une annonce Facebook portant sur ce projet de recueil à un moment où elle quittait un emploi pour revenir à son secteur de prédilection, les arts. « Je me suis dit que ce serait intéressant de faire partie d’un tel projet. J’étais aussi curieuse de voir comment mes comparses avaient réussi à surmonter les épreuves auxquelles nous faisons toutes face. J’avais envie de participer à un tel projet pour apporter ma petite pierre à l’édifice, montrer une expérience parmi les autres. » Elle ajoute avoir été auparavant déjà au contact d’autres femmes francophones de cette province, par le biais de la structure Réseau Femmes qui offre des services aux femmes francophones dans plusieurs villes canadiennes.
Le titre Autour d’Elles évoque pour elle « une bulle autour d’une sororité », sentiment qu’elle indique avoir ressenti lors des ateliers proposés par l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, au nombre de cinq sur l’automne 2021. « J’ai senti qu’un lien silencieux se créait. Je n’ai pas eu beaucoup d’échanges avec les autres participantes mais j’étais heureuse de me sentir moins isolée, de savoir que nous étions plusieurs dans des situations plus ou moins similaires : isolement, travail d’écriture, francophones… ».
Du vécu à l’écrit
« J’ai toujours été très timide par rapport à l’écriture et c’était un bon moment dans ma vie pour m’ouvrir à de nouveaux défis », explique-t-elle d’abord sur son expérience de rédaction. Comme beaucoup d’adolescentes, j’écrivais de la poésie mais rien de bien sérieux. Je tiens un blog bilingue depuis plus de dix ans, alimenté par mes aventures d’immigrante dans différents pays (Australie, Madagascar, Seychelles et Malaisie », explique Nathalie Astruc.
Après les ateliers offerts, il a fallu choisir quoi dire et le mettre par écrit. « Il n’est pas toujours facile de se remémorer les mauvais moments du passé », dit-elle en consentant que « c’est aussi un moyen de les surmonter, de prendre de la distance, de rester reconnaissante des bonnes conditions de vie (qu’elle a) aujourd’hui et d’en tirer des leçons », mais en ajoutant cependant qu’elle a « parfois dû mettre l’écriture en pause pour “digérer” à nouveau ces épisodes. »
La rédaction s’est effectuée en deux temps. « Tout d’abord, j’ai tout sorti, en désordre. Puis, ce qui a mis beaucoup plus de temps, plusieurs semaines, c’est de tout remettre en place, de construire le récit à proprement dit », précise-t-elle.
La parution du recueil et de l’avoir en main propre a été un nouveau temps fort de cette aventure pour la Réunionnaise: « La réception des ouvrages a été un grand moment de joie pour moi, de tenir cet objet physique entre mes mains. Ce n’est pas que mon histoire : c’est mon expérience aux côtés de celles des autres, l’impression de se sentir légitime. » Elle étaye son propos de légitimité par le fait que « l’écriture a toujours été quelque chose (qu’elle) estime beaucoup » pour des raisons familiales avant tout et ressent ainsi avoir accompli quelque chose qui lui tient à cœur. « Ce projet m’a permis de mettre un pied à l’étrier pour écrire “pour de vrai” mais aussi de reprendre confiance en moi », confie-t-elle.
Nathalie Astruc voit à la fois un bénéfice collectif et individuel porté par ce recueil: « La diversité des histoires et des profils constitue, à mon sens, la force de cet ouvrage : toutes les femmes s’y retrouvent. Le fait que ce projet ait été développé pendant la pandémie a permis de lutter contre l’isolement, le premier obstacle pour les femmes francophones issues de l’immigration dans un territoire où le français est en minorité linguistique. » De son côté, elle partage : « Le fait de “faire le point” sur mon parcours de migration m’a appris que j’avais des ressources et de la résilience, alors que je ne pensais pas en avoir. »
Les recueils sont accessibles en ligne sur le site de l’Association https://affc.ca/wp-content/uploads/2022/03/Autour-delles-re%CC%81cits-de-femmes_Avril-2022.pdf