La polarisation politique de notre société sur plusieurs aspects de la protection de l’environnement fait peu de doute. Depuis quelques années, on note un élargissement constant du fossé entre les électorats conservateur et progressiste relativement aux dépenses gouvernementales en matière de protection de l’environnement, à la réalité des changements climatiques et au soutien des politiques climatiques.
Des recherches suggèrent que l’électorat conservateur est plus susceptible d’appuyer le capitalisme et l’industrialisation et de s’opposer aux entraves à la croissance économique. Lorsqu’une politique environnementale prône la décroissance, les conservateurs tendent à s’en méfier davantage.
Par ailleurs, nous savons que les producteurs de combustibles fossiles ont beaucoup investi dans la désinformation sur les changements climatiques, en particulier auprès de l’électorat conservateur, et que ce phénomène a été exacerbé par les médias sociaux.
Cependant, la polarisation politique sur l’environnement comporte un aspect beaucoup plus émotif et personnel, qui pourrait constituer une piste de solution : la prise en compte des différentes façons dont les gens se soucient de l’environnement selon leurs allégeances politiques.
Dans mon récent essai Eco-Types : Five Ways of Caring about the Environment, je présente les cinq principaux types de relation à l’environnement, ou « éco-types », que j’ai constatés durant mes recherches.
Les éco-engagés (Eco-Engaged) sont politiquement progressistes et dotés d’un capital culturel élevé. Ces personnes manifestent leur souci de l’environnement, par exemple, en utilisant des panneaux solaires, en conduisant une voiture électrique et faisant leurs emplettes dans des marchés fermiers.
Les discrets (Self-Effacing) sont aussi politiquement progressistes, mais leur capital culturel est plus faible. Ces personnes manifestent leur souci de l’environnement, par exemple, en tentant de réduire leur consommation de plastique, de recycler et de manger moins de viande, mais elles souhaiteraient pouvoir en faire plus.
Les optimistes (Optimists) sont politiquement conservateurs et dotés d’un capital culturel élevé. Ces personnes manifestent leur souci de l’environnement, par exemple, en passant du temps en nature et familiarisant leurs enfants avec les plantes et les animaux.
Les fatalistes (Fatalists) sont politiquement conservateurs, jeunes et dotés d’un faible capital culturel. Ces personnes manifestent leur souci de l’environnement, par exemple, en réfléchissant à la cupidité et aux excès de la société de consommation, ainsi qu’à l’incapacité des entreprises et des gouvernements à défendre le bien commun, et en dénonçant tout cela.
Les indifférents (Indifferent) sont politiquement conservateurs et tendent à être plus âgés. Ces personnes ont peu de liens avec l’environnement, même si elles sont en faveur de sa protection et admirent les gens qui font du jardinage, recyclent et utilisent des panneaux solaires.
Comme ces éco-types peuvent être situés dans le spectre de l’idéologie politique et du capital culturel, les dénigrer ou les négliger pourrait accroître la polarisation sociale et politique à propos de l’environnement.
Alors, que pouvons-nous faire ?
Tout d’abord, plutôt que juger les croyances ou les attitudes d’une personne à l’égard des enjeux environnementaux, nous pouvons faire preuve de curiosité et tenter de comprendre les raisons pour lesquelles elle pense ou agit ainsi. Et nous pouvons présumer que, si nous avions grandi dans le même contexte, nous aurions pensé et agi de la même façon.
Ensuite, nous devons retenir que tout le monde se soucie de l’environnement, même si la manière dont certaines personnes manifestent leur préoccupation ne nous plaît pas.
Lorsque nous attribuons aux individus la responsabilité de problèmes complexes comme les changements climatiques, nous détournons notre attention des intervenants et des organisations qui doivent réduire les dommages qu’ils causent à l’environnement et accroître la protection de celle-ci. Cette attitude divise la société civile à un moment où elle devrait s’unir.
Car au bout du compte, nous sommes tous liés par notre amour commun de l’étonnante planète sur laquelle nous vivons.
Emily Kennedy est professeure agrégée et directrice adjointe du département de sociologie de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC).
Source : QUOI MEDIA GROUP