L’autisme reste encore nimbé de mythes et préjugés. Si les aides financières existent, elles dépendent d’une évaluation encore longue à obtenir. Rencontre avec Brock Sheppard, gestionnaire de programmes et des opérations de l’association Autism BC, et Makalé Simba, mère d’enfants autistes à l’occasion de la journée de sensibilisation du 2 avril et plus généralement pour le Mois de l’autisme.
Actuellement, un enfant sur 29 âgé de 6 à 18 ans bénéficie d’une évaluation de l’autisme en Colombie-Britannique. « Cela fait donc beaucoup d’enfants. Si l’on extrapole ces chiffres aux personnes qui répondraient aux critères d’évaluation de l’autisme en Colombie-Britannique, cela représenterait plus de 10 000 personnes à l’échelle de la province », explique Brock Sheppard, gestionnaire de programmes et des opérations à Autism BC.
Makalé Simba, mère de deux enfants autistes âgés de 9 et 12 ans, est venue s’installer au
Canada pour les structures existantes et a été enchantée de trouver une ouverture d’esprit et de la compréhension. « Les gens étaient plus sensibles à ça, plus ouverts, plus informés. Je trouve que c’est déjà un grand changement parce qu’ils se sentent concernés et pour une fois, je n’ai pas l’impression de parler un autre langage », explique la paire intervenante travaillant à La Boussole.
Qu’est-ce que l’autisme ?
Brock Sheppard explique que l’autisme est une différence neurodéveloppementale qui a des répercussions sur tous les aspects de la vie d’une personne. Chaque personne autiste a des points forts et des besoins d’aide qui lui sont propres et qui peuvent fluctuer tout au long de sa vie. Le spectre autistique n’est pas une ligne droite allant de « moins autiste » à « plus autiste ». De telles étiquettes figées font plus de mal que de bien lorsqu’il s’agit de parler de l’autisme.
« L’expérience de l’autisme est différente pour chaque individu autiste. Une personne autiste peut avoir besoin d’un soutien important pour ses capacités motrices et ses fonctions exécutives, mais d’aucun soutien pour la communication et vice versa, et ce, tout au long de la vie », précise le gestionnaire de programmes.
Brock Sheppard veut aussi changer le regard sur la vision du handicap dans la société, trop basé sur le modèle purement médical : « Ce modèle met l’accent sur le fait que les difficultés et le manque de capacités d’une personne sont les principales raisons de son incapacité. » Il propose donc de se concentrer sur le modèle social du handicap qui se focalise sur les barrières sociétales auxquelles les personnes handicapées sont confrontées, ainsi que sur la manière d’éliminer ces barrières pour rendre les communautés plus accessibles, plus inclusives et plus accueillantes pour tout le monde. « Le modèle social repose sur la conviction que ce ne sont pas les individus qui doivent changer, mais la société », explique Brock Sheppard.
Des préjugés à la peau dure
L’expérience avec le corps enseignant de Makalé Simba, arrivée il y a 9 mois à Vancouver, demeure positive. « J’appréhendais la situation pour mon plus grand parce qu’en France, il n’a eu que de mauvaises expériences depuis le début de sa scolarité. Il était très souvent exclu et harcelé. Quand j’ai expliqué ça ici, les enseignants de mes deux garçons ont tout fait pour les inclure et montrer leurs forces. Par exemple, pour le français, l’enseignante du plus grand le met en avant pour que les enfants puissent encore plus interagir avec lui. Dans la cour de récréation, on s’assure qu’il puisse jouer avec ses camarades ou en tout cas, qu’on ne lui pose pas de problème, qu’il ne se sente pas rejeté. Je remercie vraiment les enseignants », explique l’assistante des services sociaux de la Boussole.
Cependant, pour Brock Sheppard, il existe de nombreuses idées fausses sur l’autisme qui sont préjudiciables et stigmatisantes pour les personnes autistes. Contrairement aux mythes les plus répandus, l’autisme n’est pas guérissable et n’a pas besoin d’être guéri, n’est pas une maladie, n’est pas causé par les vaccins, par le régime alimentaire, n’est pas dû à une mauvaise éducation des enfants, n’existe pas seulement chez les enfants et n’existe pas seulement chez les hommes.
Makalé Simba salue cependant la démarche bienveillante des enseignants. Ayant été Aide humaine à la Vie scolaire en France où ni formation ni diplômes n’étaient requis, elle se félicite de voir qu’au Canada, une formation est fortement recommandée. « Quand on laisse son enfant à l’école, on sait qu’on le laisse entre les mains de professionnels. Le corps enseignant, s’il n’est pas formé, cherche toujours à s’informer sur les ressources et les aides qu’il peut demander dans le but d’améliorer le quotidien des enfants », explique-t-elle.
Des délais encore trop longs
Selon Brock Sheppard, les délais d’attente pour un diagnostic freinent la prise en charge dans la province.
« Les familles attendent plus de 131 semaines pour une évaluation selon SunnyHill. Le temps d’évaluation indiqué sur le site Web du BCANN est de 80 semaines. Étant donné que plus de 87 pour cent des parents s’appuient sur l’évaluation de l’autisme pour orienter les besoins de leur enfant en matière de soutien et de thérapie, ce temps d’attente devrait être réduit grâce à la formation des professionnels de la santé et en investissant dans l’aide au diagnostic dans toute la province. Recevoir un diagnostic aide à se défendre pour obtenir des soutiens et des aménagements, à se comprendre soi-même et à ouvrir des options de financement », explique-t-il.
Ce retard de diagnostic a des répercussions sur la vie adulte, ajoute Brock Sheppard, car une grande partie des services d’aide actuels ne s’adresse qu’aux enfants alors que l’autisme dure toute une vie. Ces répercussions étant à vie, il est nécessaire de mettre en place des systèmes d’aide tout au long de la vie.
Les aides financières
En Colombie-Britannique, le gouvernement provincial finance, en partie, les services liés à l’autisme par l’intermédiaire du ministère de l’Enfance et du Développement familial. Les personnes âgées de 18 ans ou moins ont droit à un financement après avoir reçu un diagnostic de trouble du spectre autistique (TSA).
Les aides peuvent s’élever jusqu’à 22 000 $ par année pour les enfants de moins de 6 ans. Ces aides financent les services, les thérapies ou l’équipement admissibles en matière d’autisme. Pour les enfants de 6 à 18 ans, les familles peuvent obtenir jusqu’à 6 000 $ par an pour les aider à payer les services et thérapies autistiques admissibles, dispensés en dehors de l’école. Parmi la liste des autres programmes de financement du gouvernement, on trouve par exemple le Crédit d’impôt pour personnes handicapées, la Prestation pour enfants handicapés (PEH) ou encore le Programme à domicile (AHP).
Brock Sheppard conseille d’utiliser l’assurance maladie complémentaire si possible, de ne jamais laisser l’argent de l’aide financière inutilisé autant que possible et de les utiliser pour des services de conseil pour toute la famille (enfant autiste, conseil conjugal, conseil aux frères et sœurs, conseil aux parents).
Actuellement, en Colombie-Britannique, il n’existe pas de processus d’évaluation financé par les pouvoirs publics pour les personnes âgées de 19 ans ou plus.
Pour plus d’informations : www.autismbc.ca