Enquête publique ! Enquête publique ! Enquête publique ! j’entends crier cet appel sur tous les toits du monde de la politique et du journalisme au Canada. Le peuple, quant à lui, pendant ce temps, se contente de suivre les finales de la coupe Stanley ou celles de la NBA. À chacun ses goûts, à chacun ses plaisirs et ses priorités. La sortie du premier rapport de David Johnston sur l’ingérence étrangère dans nos affaires canadiennes nous montre jusqu’à quel point les intérêts de ceux qui vivent de la politique divergent de ceux qui n’en ont rien à foutre (je vous prie d’excuser cette vulgarité; elle m’est venue naturellement au moment où je m’y attendais le moins).
En gros, qu’apprend-on de ce rapport ? À vrai dire pas grand-chose de nouveau. L’omniprésence de la part de la République populaire de Chine dans nos affaires ? Nous étions déjà au courant et en plus nous ne sommes pas sans ignorer que ce n’est pas le seul État à nous vouloir du mal. Le manque de communication entre les services du renseignement de sécurité et les responsables du gouvernement ? Regrettablement, rien de surprenant à cela. En ce sens, M. Johnston semble absoudre Trudeau et ses acolytes. Le gouvernement libéral, en attendant que le ciel lui tombe sur la tête, peut dormir tranquille; le rapport de M. Johnston lui servant de somnifère.
C’était prévisible, fallait s’y attendre : l’inutilité avancée de tenir une enquête publique n’a pas fait l’unanimité. Bien au contraire. La crainte de dévoiler au grand public des documents « Top secrets » justifierait, selon le rapport, la non-tenue d’une pareille enquête qui pourrait nuire aux intérêts de l’État. Pauvre ou mince excuse d’après les critiques du rapport qui font valoir, assez justement d’ailleurs, certains précédents : la commission Macdonald (1985) et la commission Keable (1981) entre autres, toutes deux n’ayant à aucun moment durant leurs audiences mis en danger nos institutions.
La réaction des chefs de partis de l’opposition suite au dévoilement du rapport fut instantanée et n’a surpris personne à ce que je sache. À l’exception de Pierre Poilievre, chef du parti conservateur, et donc de l’opposition officielle au parlement, tous ont adopté une position nuancée, quasi commune, à savoir : afficher leur mécontentement sur certains aspects du rapport, en particulier sur l’absence de la tenue d’une enquête publique mais, en contrepartie, n’ont émis aucune attaque personnelle à l’égard de M. David Johnston. En somme, ils ont remis en question le jugement de l’auteur du rapport et non sa crédibilité ou son impartialité.
Ce ne fut pas le cas de M. Poilievre qui lui, contrairement à ses collègues chefs de partis, s’en est pris directement à M. Johnston, remettant en cause son intégrité, l’accusant notamment d’entretenir des rapports amicaux avec le premier ministre et sa famille (Ils font du ski ensemble et il a été impliqué avec la fondation Trudeau). M. Poilievre a oublié de toute évidence, car cela ne l’accommode pas, que c’est M. Stephen Harper, ancien premier ministre conservateur, qui avait nommé David Johnston gouverneur général du Canada, poste occupé par ce dernier avec grande dignité durant son mandat si ma mémoire ne me fait pas défaut.
Encore une fois M. Poilievre vous en faites trop. Sortir vos griffes, montrer vos crocs et verser votre venin font de vous un être peu recommandable à mes yeux. À la limite je peux vous comprendre : vous voulez à tout prix éviter le sort réservé au lièvre dans la fable de La Fontaine qui a vu la tortue coiffer d’un poil au fil d’arrivée le lièvre parti trop tard lors de cette course où la morale nous enseigne ceci : rien ne sert de courir, il faut partir à point. Vous êtes pourtant bien parti à temps M. Poilievre mais vous courez plus vite que votre cul (encore une fois la vulgarité a pris le dessus) et vous allez, du moins je l’espère, manquer le coche. Votre avidité, votre voracité à vouloir devenir premier ministre me fait craindre le pire si vous deviez atteindre votre objectif.
Un élément en particulier de ce rapport gâche ma tranquillité d’esprit. Une conclusion à laquelle M. Johnston est parvenu, celle concernant la préférence des autorités chinoises envers les libéraux, idée que l’auteur du rapport semble rejeter du revers de la main, malgré les témoignages de quelques diplomates affirmant le contraire, me préoccupe au plus haut point. Je crains en effet que si en apparence le gouvernement chinois soutient le Parti libéral, les conséquences de cette perception, vraie ou fausse, pourraient s’avérer désastreuses. Il n’est pas interdit de penser que face à cette possible promiscuité l’électorat canadien puisse être tenté de rejeter Trudeau et Cie en faveur de Poilievre et de son écurie. Une éventualité qui me donne la chair de poule.
Quant au rapport, il finira en un rap écrit de mes propres mains.