2024, te voilà. Nous venons à peine de faire connaissance et déjà, d’emblée, je te tutoie. Quelle impertinence de ma part. Quel effronté suis-je ? Mais vu ton jeune âge, quelques jours à peine, ton esprit pas encore contaminé par les carences du comportement humain, tu ne devrais pas être offusquée par l’excès de familiarité dont je me permets de faire preuve. Somme toute, je me dis, si pendant un an nous allons vivre ensemble autant ne pas faire de manières.
Et puis, au diable les formalités. Fais fi de mon ton obséquieux. Il n’est là que pour la décoration (les résidus de Noël). Si tu le veux bien, passons aux choses qui, durant ton bref séjour chez nous, devraient te tenir occupée. D’ores et déjà, je te préviens, ton année ne sera pas de tout repos. D’énormes difficultés t’attendent au quotidien. Tu devras être forte et résiliente. Tes erreurs de parcours te seront difficilement pardonnées.
En ta présence allons-nous enfin assister à la fin des conflits ou au contraire voir ceux-ci prendre regrettablement de l’ampleur ? Aurons-nous, sous ton égide, l’audace, le courage, la volonté de mettre fin à l’horreur de toutes ces guerres encore en cours ? Ces scènes de destruction, de désolation sont devenues insupportables.
Soucieux de te plaire et prenant en considération ton manque d’expérience, je tiens à t’offrir en cadeau, pour te souhaiter la bienvenue, quelques conseils susceptibles de t’aider à passer une bonne et agréable année.
Comme tout nouveau-né tu ne sais pas ce que la vie te réserve. Essaie donc de démarrer sur le bon pied dès tes premiers pas. À ta première sortie il est possible que tu trébuches d’entrée. Personne ne t’en voudra de ce faux pas initial. Faut pas t’en faire, crois-moi on a connu pire et le pire n’est pas si pire s’il n’empire pas.
Tout le monde s’attend à ce que tu te plies en quatre durant ton année passée chez nous. Continue dans cette lignée. Rien de plus normal, rien de plus facile devait penser Vivaldi lorsqu’il composa les Quatre saisons en ton honneur et celui de tes sœurs qui t’ont précédée.
Bien que nous soyons présentement en hiver et que l’occasion soit tentante, je te suggère, chère année 2024, de ne pas faire de gel. Le monde dérape suffisamment comme ça. Contente-toi de laisser simplement tomber la neige. Pas en trop grosse quantité, juste ce qu’il faut pour nous permettre de faire tranquillement du slalom entre tes mois. Nous pourrons ainsi contourner les obstacles auxquels nous serons inévitablement confrontés. Afin qu’entre nous il n’y ait aucun froid, assure-toi, durant ce rite de passage, de glisser rapidement d’une saison à l’autre sans trop d’anicroches.
Au printemps, prends ton temps. Avec confiance, sans excès d’arrogance, débarrasse-toi de ta fourrure hivernale, sors ta parure printanière. Sois fière. Bourgeonne en toute tranquillité. Fleuris en toute simplicité. Caresse-nous de ta douceur. Si possible ne nous inonde pas de tes pleurs : ta pluie regrettablement freine mes ardeurs et attise ma mauvaise humeur. Mets-toi plutôt en évidence. Fais valoir tes capacités. Fais-nous plaisir. Enchante-nous, nous qui, ces derniers temps, avons tant déchanté.
Quand viendra l’été, si possible, évite d’être tout feu tout flamme. Contrôle ton tempérament, surtout ta température. Les forêts t’en seront reconnaissantes. Toutes ces étendues calcinées font pitié à voir. Seras-tu en mesure de les épargner ? C’est à souhaiter. Et, pendant que j’y suis, lorsque le moment viendra, pourras-tu baisser d’un cran ton thermostat ? Les vagues de chaleur sont particulièrement désagréables et inconfortables. Elles nous suffoquent. Un léger fléchissement calorifique de ta part me ferait si chaud au cœur.
Ne t’empêche pas pour autant de sortir dès notre réveil tes rayons de soleil. Nos corps, trop souvent obligés dans notre région de vivre dans la grisaille, ont vraiment besoin de tes vitamines D d’été (sans DDT). Et puis il va falloir que tu te mettes en forme, que tu prennes des forces. Tu devras accueillir les jeux olympiques d’été à Paris, sans compter les championnats continentaux de soccer (foot pour les puristes) qui, à chaque fois qu’ils se tiennent, me transforment en zombie téléphage. Une accoutumance pour laquelle je n’ai pas encore trouvé de remède.
2024, surtout et avant tout, mets la main à la pâte. Calme les esprits. Enferme, afin qu’ils cessent de nuire, tous ces autocrates, ces tyrans, ces vampires guerroyeurs qui répandent la misère, diffusent la terreur et font couler le sang de trop d’innocents. Séquestre ces horribles personnages dans un enclos où ils pourront accueillir, suite à l’élection présidentielle américaine, en automne, au mois de novembre, un autre des leurs, dont l’infamie pourrait enfin prendre fin. Tu connaîtrais ainsi une belle fin. Nous pourrions alors dire « 2024 merci, ce fut un véritable plaisir d’avoir passé du temps en ta compagnie ».