Depuis que le premier immigrant suisse s’est installé sur la côte Ouest du Canada, la petite communauté reste stable en Colombie-Britannique. Thomas Schneider, nouveau consul à Vancouver, souhaite « remettre la Suisse sur la carte ».
Suzanne Leenhardt
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Des petits carrés dorés, roses, blancs et bien sûr marron, sont alignés derrière la vitre. Les chocolats de Chez Christophe font s’ouvrir grand les yeux comme ils éveillent les papilles. Sur une autre étagère, on devine sur l’emballage des tablettes le pays d’origine des deux propriétaires : Montreux, Yverdon. Le couple de Suisses a ouvert sa première boutique-café à Burnaby et la seconde en 2019 à White Rock. Aujourd’hui, ils comptent entre 25 et 30 employés.
Comme eux, depuis des centaines d’années, des habitants du pays Helvète sont venus poser leurs valises en Colombie-Britannique en quête d’une vie meilleure ou par envie d’exploration au gré des aides d’État. Aujourd’hui, on en dénombre presque 10 000 dans la province. Un chiffre qui reste stable ces dix dernières années, d’après le consulat de Suisse à Vancouver.
Les guides suisses, pionniers dans l’essor de la montagne
Ambassadeur de la marque renommée Cacao Barry, Christophe Bozon importe son chocolat de Suisse. « Je suis allé dans l’usine pour choisir les fèves, la quantité de sucre et créer ma propre recette de chocolat noir, explique le chef d’entreprise de 40 ans. C’est vrai qu’en Suisse on a des produits de qualité alors quand j’ai ouvert, je voulais la même chose », appuie l’artisan qui va chercher ses œufs à Abbotsford et qui a fait des collaborations avec un apiculteur de Burnaby. « Le Canada a un mode de consommation très différent, au début il a fallu faire un peu d’explication sur la plus faible quantité en sucre ou sur les produits de saison, » raconte-t-il. Le couple, amateur de sport extérieur, décide de rester pour le cadre de vie qu’offre Vancouver.
Depuis longtemps, la proximité avec la montagne représente la vitrine de l’Ouest du Canada. Et ce, notamment grâce à certains immigrants suisses : les guides de montagnes. Embauchés par la compagnie du chemin de fer Canadien Pacifique à la fin du 19e siècle, ils emmenaient les premiers touristes crapahuter dans les Rocheuses. Leurs habits autant que leurs randonnées sont devenus une véritable attraction, si bien que plusieurs sommets portent leurs noms. « Non seulement ils ont aidé à établir une culture de la montagne mais ont également achevé
d’impressionnantes réalisations, comme la première ascension du mont Assiniboine (3 618 mètres) », peut-on lire dans le livre : L’immigration suisse au Canada. Réalisations, témoignages et relations, écrit par Ilona Shulman Spaar.
Commandé par le consulat de Vancouver en 2013, l’ouvrage retrace les premières migrations depuis le pays helvète. Pour que les guides suisses s’installent définitivement au Canada, la compagnie du chemin de fer
Canadien Pacifique construit le village suisse Edelweiss, à Golden en 1912. Cette année, la fondation du village qui œuvre pour la préservation de ce patrimoine typique suisse, organise les 125 ans de son existence.
« Ce que la Suisse offre, c’est la technologie agricole »
Loin des sentiers escarpés, des familles d’agriculteurs sont aussi venues s’installer dans la province, notamment à
Abbotsford. C’est dans cette ville que s’est déroulée l’une des premières visites de Thomas Schneider, consul de Suisse à Vancouver, lors d’un événement organisé par l’Université Simon Fraser. Fraîchement arrivé en septembre 2023, il a mentionné sa volonté de « ramener l’innovation suisse au Canada ». Et a récemment rencontré la ministre de l’agriculture de la province pour évoquer ce sujet. « Ce que la Suisse offre, c’est la technologie agricole. On parle de Big Data, de surveillance des champs avec des drônes et des satellites par exemple. Ici ils ont des fermes immenses qu’on n’a pas en Suisse », détaille le consul à La Source.
Thomas Schneider suit aussi de près les échanges économiques entre les deux pays comme le rachat par l’entreprise minière suisse Glencore de 77% des actifs de la canadienne Teck Resources : www.letemps.ch/economie/glencore-met-la-main-sur-les-activites-charbonnieres-de-teck.
Côté culture, le consulat organise des événements comme la rétrospective de Jean-Luc Godard à la Cinémathèque. Et s’appuie sur les associations historiques qui font perdurer les traditions suisses, comme le tir avec la Mountain range association ou encore la Vancouver Dorfmusik.
Forcément, cette immigration s’est réalisée sur les territoires non cédés de nombreuses Premières Nations déjà présentes au Canada. « Dans l’histoire des colonisations, il y a toujours eu des Suisses impliqués et qui en ont profité, il faut être honnête », pose Thomas Schneider qui dit « supporter à 100% » le processus de réconciliation. Il a demandé des rendez-vous avec les organisations des Premières Nations afin de les rencontrer. « C’est très important de trouver un modus vivendi quotidien qui est acceptable pour tout le monde. Il ne faut jamais oublier, c’est clair. Et que ça ne se reproduise jamais ».