À la suite de son appel de nomination en novembre 2023, le gouvernement de la Colombie-Britannique annonce cette semaine la liste de ses champions de l’antiracisme et du multiculturalisme de 2024. C’est ce 21 mars à l’Université Simon Fraser que le gouvernement provincial compte dévoiler les noms des récipiendaires des prix annuels des Multiculturalism and Anti-racism Awards. Ces nouveaux lauréats se rajouteront à plus de 50 autres gagnants depuis le lancement du même prix en 2008.
En amont de la cérémonie et de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale du 21 mars, plusieurs questions se posent : Qui sont les précédents récipiendaires de ces prix ? Que pensent-ils du milieu social ambiant actuel ? En quête de réponses, le journal de La Source s’est entretenu avec deux anciens lauréats des prix de l’antiracisme et du multiculturalisme de la C.-B.
Jorge Salazar, 2012
Après s’être impliqué dans l’activisme pendant plusieurs années, Jorge Salazar a décidé de faire le saut dans le développement communautaire, suivant les pas de ses deux parents : son père, défenseur des droits humains, et sa mère, qui était engagée dans les mouvements des femmes en Colombie.
« Au départ, mon énergie était plutôt destinée à travailler directement dans la rue et à essayer d’encourager la société à prêter attention aux problèmes liés à l’oppression des peuples autochtones ou à l’oppression des défenseurs des droits de l’homme en Amérique latine », explique M. Salazar. « Mais au fur et à mesure, j’ai constaté que dans le secteur sans but lucratif…iI y a des possibilités d’accomplir de très bonnes choses à l’intérieur du système. »
Et c’est pour cette raison que M. Salazar s’est lancé dans la sensibilisation des jeunes désavantagés en favorisant l’établissement de liens solides avec les communautés : les Premières Nations, les Autochtones vivant en milieu urbain et les communautés d’immigrants et de réfugiés en Colombie-Britannique. C’est par le biais de ce travail au sein de la Vancouver Fondation qu’il a remporté l’un des prix du multiculturalisme en 2012. Douze ans plus tard, M. Salazar poursuit sa lutte pour une justice sociale en tant que directeur de l’organisme de bienfaisance, Inner Activist.
Selon lui, malgré quelques avancées communautaires en matière d’inclusion sociale, le racisme demeure un sujet critique à aborder. Pour illustrer son point de vue, M. Salazar nous rappelle les lourdes conséquences de l’inaction qui poussent à agir lorsqu’il est trop tard.
« Après le meurtre de George Floyd par la police en 2020, je pense que le monde occidental a repris conscience de ce problème », dit-il. « Je pense que notre sensibilisation au racisme est devenue encore plus urgente face à cet exemple très clair de la façon dont ça coûte la vie des gens. »
Pour M. Salazar, l’événement tragique a ranimé un sens de responsabilité partagée d’embrasser le dialogue : « Je pense que parfois, parce que nous avons été touchés par le racisme, notre première réaction est de rejeter les personnes qui ne perçoivent pas le racisme et de nous éloigner d’elles. À mon avis, l’échange est une occasion d’ouvrir les yeux des personnes qui n’en sont pas encore conscientes. Voilà pourquoi c’est important. » Il pense que de tels échanges ont le pouvoir de sauver des vies.
L’entreprise Nana’s Kitchen & Hot Sauces Ltd, 2015
En 2015, l’entreprise Nana’s Kitchen & Hot Sauces Ltd a été nommée lauréate d’un des prix du multiculturalisme, non pas pour ses produits prêts-à-manger, mais plutôt pour ses pratiques d’embauche.
« Nana’s Kitchen emploie 35 ouvriers de production, pour la plupart des femmes immigrantes qui n’avaient pas d’expérience professionnelle et ne maîtrisaient pas l’anglais au moment de leur embauche », a déclaré le gouvernement de la C.B. lors de son annonce. « Les employés ont la possibilité d’apprendre l’anglais et d’acquérir des compétences en informatique. Cinq des travailleurs de l’entreprise sont des superviseurs qui travaillent pour Nana’s Kitchen depuis plus de 11 ans et, selon les propriétaires, ils ont dépassé toutes les attentes. »
Aujourd’hui, Nana’s Kitchen reste fidèle à son titre et fait état d’une soixantaine d’employés qui sont des nouveaux arrivants. Au cœur de l’entreprise : Shelina Mawani et sa cofondatrice Nasim Dhanji. Après avoir dû s’acclimater au Canada, les fondatrices de Nana’s Kitchen ont saisi l’occasion d’offrir aux nouvelles arrivantes l’appui qu’elles n’ont pas elles-mêmes reçu.
« Il y a plus d’aide disponible aujourd’hui pour les femmes immigrantes qu’il y en avait il y a 40 ans », explique Mme Mawani. « Il n’y avait pas d’entreprises qui disaient : « Nous vous aiderons avec votre CV » ou « nous vous apprendrons à passer des entretiens. »
C’est en 1980 que Shelina Mawani a quitté son pays natal de la Tanzanie pour la Colombie-Britannique. Dans un entretien avec La Source, Mme Mawani se souvient des difficultés qu’elle a éprouvées lors de son arrivée : « J’ai déménagé en Colombie-Britannique en 1980 et cela a été extrêmement difficile », dit-elle.
Mme Mawani a passé plusieurs années en tant qu’employée dans de nombreuses entreprises vancouvéroises. Finalement, en 1998, frappée d’une mise en disponibilité, Mme Mawani décida de se lancer dans l’entrepreneuriat. Et c’est à ce moment qu’est née Nana’s Kitchen. Aujourd’hui, le succès de son entreprise lui permet de continuer à soutenir les femmes immigrantes qu’elle emploie.
« Je suis là pour les aider dans de nombreux aspects de leur vie, qu’il s’agisse de l’entrée des enfants à l’université ou du mariage. Nous sommes là pour les soutenir en leur disant de ne pas avoir peur. Certes, nous venons de différentes parties du monde où, en tant que femmes, nous avons toujours été soumises, mais aujourd’hui, nous pouvons parler et nous pouvons leur montrer que, oui, nous formons une équipe puissante. »
Pour plus d’information sur les Multiculturalism and Anti-racism awards, visitez : www2.gov.bc.ca/gov/content/governments/multiculturalism-anti-racism/multiculturalism/bc-multicultural-awards