La Boussole, l’organisme communautaire francophone de services sociaux de Vancouver, a organisé un atelier avec l’association FrancoQueer pour sensibiliser sur les luttes 2SLGBTQIA+. Entre déconstruction des préjugés et réflexions linguistiques, la rencontre a aussi permis aux participants de témoigner de leurs expériences personnelles.
Suzanne Leenhardt –IJL- Réseau.Presse – Journal La Source
“Ceux qui n’acceptent pas la communauté la réduisent à l’acte sexuel et c’est vraiment difficile”, souligne Laurent* dans les premières minutes de l’atelier. “Certains disent que dans notre culture ça n’existe pas, que c’est une invention”, ajoute son voisin. Assis autour d’une table en demi-cercle, les sept participants égrènent tour à tour les préjugés qui collent à la communauté 2SLGBTQIA+.
Ils se sont réunis à La Boussole pour suivre un atelier en partenariat avec l’association FrancoQueer de l’Ouest. Cette dernière a pour mandat de mener le dialogue sur les enjeux de la diversité sexuelle et de genre pour les personnes d’expression française en situation minoritaire en Alberta, Colombie-Britannique, Saskatchewan, Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.
En ce jour du 11 juin, l’objectif est de discuter des micro-agressions et du “mégenrage ” que peuvent subir les membres de la communauté 2SLGBTQIA+. “C’est une thématique que l’on a à cœur parce qu’on veut être le plus inclusif possible et qu’on retrouve cette intersectionnalité dans tous nos combats”, pose Nathalie Astruc, gestionnaire des programmes culturels et communautaires de La Boussole.
Une réflexion linguistique
Sur les tables, des autocollants mentionnant les pronoms “il”, “elle” et “iel” sont mis à disposition du groupe. Une fois les règles d’or posées comme la nécessité de respecter la bienveillance et la confidentialité des échanges, l’animatrice de l’atelier, Amélia Simard, démarre par l’explication de l’acronyme 2SLGBTQIA+. Les échanges autour des définitions durent une quarantaine de minutes.
Aromantique, pansexuelle, intersexe… toutes les lettres, illustration de la diversité sexuelle et de genre, sont décortiquées jusqu’au mot “Queer” dont la traduction littérale est “étrange”. “La communauté veut l’inclusivité mais se définit comme “étrange, c’est paradoxal””, se questionne Florent, un Français vivant à Vancouver. “Le mot péjoratif a été repris à son compte par le mouvement des gays dans les années sida [1980,N.D.L.R.] pour revendiquer leur existence”, explique Amélia, agente de développement communautaire au comité FrancoQueer. “Je pense que ça permet de dire que l’on n’est pas hétérosexuel sans mettre une autre étiquette spécifique derrière”, ajoute une participante.
Au fil des discussions, le nom “transexuel” est mis sur la table. Son utilisation est évitée aujourd’hui car trop réducteur à la chirurgie des parties génitales. Autant d’exemples qui montrent comment l’évolution du langage accompagne les moeurs sociétales et permet de déconstruire les préjugés.
Savoir répondre aux préjugés
Second objectif de l’atelier : « devenir un allié ». Amélia invite les participants à réfléchir à la manière de répondre au discours qui affirme que “les personnes Queer sont apparues récemment“. Lel explique notamment que dans les cultures autochtones, les personnes autorisées à endosser les rôles à la fois masculin et féminin dans les rites spirituels ont toujours existé et ont d’ailleurs une place respectée. Sur d’autres sujets, elle utilise aussi des comparaisons pour permettre de répondre aux idées reçues. “Saviez-vous qu’il y a 2% de personnes intersexes dans le monde ? C’est autant que de personnes aux cheveux roux”.
Au fil des discussions, la confiance s’installe et les récits personnels se partagent. “En France, je voulais vraiment avoir le pouvoir de choisir les personnes à qui je disais que j’étais homosexuel. Parce que ça pouvait avoir des conséquences importantes sur ma vie professionnelle”, témoigne l’un d’eux, la trentaine.
“Encore beaucoup de travail au sein de la francophonie”
Au-delà des réflexions linguistiques, c’est finalement les questions sociétales qui clôturent l’atelier. Une participante exprime son inquiétude au sujet de la chirurgie de changement de sexe et du consentement des enfants. “Je vais juste préciser les faits, pose Amélia. En Amérique du Nord, les enfants ne peuvent pas avoir recours à la chirurgie de la poitrine ou des parties génitales. Je peux témoigner aussi que les services de Trans Care BC [service de santé à destination des personnes transgenre] suivent de très près les personnes, avec l’aide d’une psychologue”. L’agente le reconnaît, les conditions pour la communauté 2SLGBTQIA+ en Colombie-Britannique sont plutôt favorables mais lel estime qu’il y a “encore beaucoup de travail au sein de la francophonie et que les droits ne sont jamais totalement protégés”. Le récent projet de loi de la province de la Saskatchewan qui a imposé le consentement parental pour le choix de noms ou de pronoms par des enfants de moins de 16 ans l’a bien montré.
*Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat de l’intéréssé.e