Dans l’aventure de l’immigration au Canada pour les francophones, l’obtention d’un visa n’est finalement pas l’étape la plus compliquée. Pour certains, il est plus difficile d’obtenir une accréditation des collèges professionnels pour exercer leur métier, dont le diplôme a été obtenu à l’étranger.
Suzanne Leenhardt
IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Parmi les immigrants en Colombie-Britannique, il y a ceux qui arrivent déjà diplômés et souhaitent exercer le métier pour lequel ils ont consacré des années d’études. Architectes, infirmier.es, ingénieur.es… les standards et normes professionnelles varient d’un pays à l’autre. Et même en fonction des provinces au Canada.
Pour faire reconnaître son diplôme et ses années d’expérience, il faut alors se tourner vers les autorités et structures régulatrices de la profession qui étudient les profils et décident d’accorder ou non une certification. Le processus implique des sacrifices en temps et en argent, non négligeables lorsqu’on prend la décision de partir.
Près de 800 dollars d’investissements
Malaury Fabre va bientôt souffler la bougie de sa première année à Vancouver. La jeune femme originaire du sud de la France s’est décidée il y a quelques semaines à faire reconnaître son diplôme de psychologue.
« Quand je suis arrivée, je ne voulais pas me lancer dans cette démarche. Récemment mon employeur m’a soumis l’idée parce qu’il y a un grand besoin de psychologues francophones ici », explique celle qui travaille aujourd’hui dans le milieu social.
Si elle avait voulu avoir exactement le même titre protégé que celui qu’elle a obtenu en France, soit psychologue clinicienne, elle aurait dû reprendre les études pendant trois ans pour obtenir un doctorat en Colombie-Britannique. Dans ce cas-là, le prix des classes est beaucoup plus élevé avec un permis d’étude, plutôt que celui de résident permanent. Certains attendent donc un changement de statut ou l’obtention d’un permis d’étude ou de travail, avant de reprendre leurs études et enfin pouvoir travailler dans leurs corps de métier. Pour pouvoir commencer
des suivis psychologiques rapidement, Malaury a donc préféré obtenir une certification de « conseiller clinique certifié ».
Première étape : son université française va devoir envoyer tous ses relevés de notes sous scellés à l’association des conseillers cliniques de la Colombie britannique. Les évaluateurs exigent qu’au moins 4 cours sur 6 soient similaires aux intitulés de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et que la moitié aient été suivis en Master. L’incertitude règne à ce niveau-là car les programmes universitaires changent parfois d’intitulé, de contenu et
Malaury n’a aucune idée de la similitude entre ceux qu’elle a suivis et ceux de la province. Les frais de demande pour cette étape sont non remboursables et s’élèvent à 200 $.
Après cette évaluation qui prend plusieurs semaines, elle doit solliciter deux références qui doivent justifier 100 heures d’expérience supervisée. Sans surprise, les rapports doivent être rédigés en anglais.
« Je ne me précipite pas pour envoyer mon dossier, je veux mettre toutes les chances de mon côté », prévient-elle. D’après l’organisme francophone spécialisé en santé RésoSanté, le processus d’évaluation prendrait deux mois. Au cours de l’évaluation du dossier, ils peuvent aussi lui demander des certificats de langue ou bien son casier judiciaire. Ce qui prolongerait encore les délais.
À l’obtention de sa certification, pour pouvoir pratiquer, elle devra payer une assurance responsabilité professionnelle dont le prix peut atteindre 150 $ par an et des frais d’adhésion de 436 $ par an. Soit près de 800 $ d’investissement de départ, et 600 $ annuels pour les années suivantes. Si elle s’est convaincue d’entamer la démarche, c’est parce qu’elle souhaite s’installer à Vancouver. « Sinon je ne l’aurais pas fait. Quand on est expatrié, spécialement dans cette ville où la vie est chère, ça fait peur de s’engager financièrement sachant que l’on n’a pas encore de patientèle et de réseau », souligne-t-elle.
Une nouvelle loi pour assouplir les règles en juillet
Face aux alertes lors de consultations publiques, la province de la Colombie-Britannique a annoncé en novembre dernier l’approbation d’une nouvelle loi pour assouplir les règles.
(www.leg.bc.ca/parliamentary-business/legislation-debates-proceedings/42nd-parliament/4th-session/bills/third-
reading/gov38-3).
Cette dernière prendra effet en juillet 2024. Dans un communiqué publié à ce sujet, la province justifie sa décision et indique que : « Dans les dix prochaines années, 387 000 nouveaux arrivants devraient venir gonfler les rangs de la main-d’œuvre en Colombie-Britannique et occuper 38 % des emplois vacants de la province ».
L’organisation responsable des services aux immigrants de la Colombie-Britannique (ISSBC) s’est réjouie de cette annonce (www.issbc.org/fr/blog/international-credentials-recognition-act/) et s’est dite impatiente de travailler avec le gouvernement provincial. :
« Les changements annoncés aujourd’hui devraient permettre d’améliorer la rapidité et l’efficacité de la reconnaissance des qualifications étrangères, fournir de nouvelles lignes directrices en matière de rapports aux organismes de réglementation, et commencer à s’attaquer à l’insaisissable manque de « l’expérience professionnelle canadienne » afin que la Colombie-Britannique puisse profiter pleinement de l’expérience des nouveaux arrivants ». Plus qu’un mois avant de pouvoir évaluer les effets concrets de cette nouvelle loi.