Le 19 octobre prochain, « notre vote et notre voix compteront ! Soyons prêts à faire notre choix. Inscrivons-nous et votons ». Tel est le message que l’on peut lire sur les lettres du bureau des élections (Elections BC).
En démocratie, les citoyens détiennent collectivement la responsabilité d’arbitrer l’élection. Chance ou cadeau empoisonné, c’est le public qui dans ses opinions, ses biais et parfois sa nonchalance, détient les clés. Dans l’esprit de Walter Lippmann, auteur de l’essai « Le public fantôme », le public est une personne qui arrive en retard au théâtre, pendant la deuxième partie. Elle jette un œil à la scène puis, quitte les lieux avant la fin de la pièce en portant un jugement, nécessairement à l’emporte-pièce, sur qui est le gentil et qui est le méchant. En dépit de cette « incompétence », le public est sommé par l’élection de choisir un camp.
Celui qui refuse d’être de CE public doit effectuer quelques recherches. La visite des sites internet des partis s’impose. Dans cet exercice, chacun est naturellement biaisé par son prisme de lecture. Tantôt dominé par l’économie, tantôt par la sécurité, à chacun ses attentes, ses peurs et ses priorités. Pour ma part, c’est au regard des politiques climatiques que j’étudie les impétrants.
J’ai ouvert les pages du Nouveau Parti démocratique, du Parti vert et du Parti conservateur à la recherche d’informations sur la réduction des émissions, l’adaptation aux changements climatiques et la protection des forêts et des océans. Quelle déception ! Au NPD, c’est un sentiment d’autosatisfaction qui domine. Famille, santé, diversité et très peu de choses marquantes sur le climat. Il faut croire que tout va bien. Ils gèrent ! Chez les Verts, un parti pour lequel j’ai une attirance naturelle, l’expérience utilisateur m’a laissé sans voix. Un site quasi vide et impossible à naviguer tant les fenêtre pop-up agressent le visiteur. Passons… Chez les Conservateurs qui auraient le vent en poupe ai-je entendu dire, le site est clair et fourni, rempli d’anathèmes, de slogans et d’astuces politiciennes. En guise d’accueil, il y a une pompe à essence Petro Canada à côté de laquelle est estampillée « Where we stand ». Avec ça, ils ont retenu mon attention. J’ai eu du mal à croire qu’en pleine crise climatique, un parti qui prétend faire de la politique, c’est-à-dire s’occuper des affaires publiques, des intérêts du peuple, de l’avenir commun, ose faire campagne sur l’image du pétrole : un secteur responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre du pays.
Pour les conservateurs il serait urgent de supprimer la taxe carbone. D’une part elle ne remplirait pas sa prétendue fonction de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Alors… c’est tout à fait vrai, la taxe carbone provinciale ne réduit pas les émissions mondiales, pas plus que la taxe provinciale sur les vins et spiritueux ne réduit l’alcoolisme mondial. On est bien d’accord, merci de nous prendre pour des jambons ! D’autre part elle serait une taxe responsable de la destruction des emplois et de l’inflation. Sans rentrer dans l’analyse des déclarations, on comprend vite que ce discours est l’exemple même du conservatisme infiltré par l’idéologie pro-business qui ne court qu’après une chose : l’argent. La planète se meurt et nous avec, mais pour ces gens il ne faudrait surtout pas que les politiques d’avenir remettent en cause le passé, les rentes, les industries historiques. Au contraire, le plan de ce parti est de favoriser l’exploitation du gaz fossile, la construction des oléoducs, l’exploitation forestière qu’ils qualifient de « 100% renouvelables » contre l’avis de tous les experts, la pêche et les mines. Autrement dit, faisons dans cette province comme on a toujours fait : exploitons, extrayons, monnayons toujours plus et toujours plus vite chaque substance, chaque arbre et chaque être vivant, et tout ira bien. Vraiment ?
Abasourdi par le simplisme avec lequel ce parti politique fait campagne contre l’avenir, incrédule face à la communication plate et sans saveur des autres partis progressistes, il est urgent d’entrer en discussion les uns avec les autres. Le niveau des campagnes politiques est au niveau de l’intérêt du public. En tout état de cause pour le climat, pas au niveau de ce qu’il faudrait pour faire face aux décennies compliquées qui s’en viennent. Pour ma part, j’irai défier les candidats, impliquer mes amis, et pousser chacun et chacune à prendre la part de responsabilité
qui lui revient.
Aloïs Gallet est juriste, économiste, co-fondateur EcoNova Education et Albor Pacific et conseiller des Français de l’étranger.