L’accès à la justice en français en C.-B. progresse malgré les obstacles

L’accès à la justice en français sur les bords du Pacifique continue d’être un défi de taille malgré les progrès réalisés au cours des dernières années. Bien que des ressources comme le site La justice en français aient été mises en place pour améliorer les droits linguistiques des francophones, des obstacles majeurs persistent, notamment en ce qui concerne la disponibilité de services juridiques en français.

Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

Les enjeux de l’accès à la justice pour les francophones dans la province font souvent la manchette à l’occasion de procès qui impliquent des francophones. Et dans pareilles circonstances, les témoignages des juristes d’expression française et les leaders de la communauté francophone sont unanimes sur les défis à relever.

Le procureur la Couronne, Jean-Benoit Deschamps, indique que « le droit de divorcer en français sera bientôt disponible, ce qui renforcera l’offre de services en français en C.-B. ». | Crédit : Jean-Benoit Deschamps

Un rôle essentiel dans l’amélioration de l’accès à la justice en français

Le procureur de la Couronne, Jean-Benoît Deschamps, et l’avocate de la défense, Sandra Mandanici, qui est également présidente de l’Association des juristes d’expression française de la Colombie-Britannique (AJEFCB), jouent un rôle essentiel dans l’amélioration de l’accès à la justice en français dans la province. Leur engagement est crucial, d’autant plus que l’article 530 du Code criminel garantit à un accusé le droit absolu de subir son procès dans sa langue maternelle, à condition que la demande soit faite en temps opportun. Pourtant, malgré ces avancées, l’offre de services juridiques en français reste insuffisante, posant un obstacle important pour les francophones qui cherchent à faire valoir leurs droits linguistiques en justice.

Un manque de ressources humaines

Jean-Benoît Deschamps affirme que l’offre du système judiciaire criminel en français s’est améliorée depuis 2021. « ll y a une prise en compte des cours provinciale et suprême, une offre de service grandissante et un groupe bilingue au sein du service des poursuites. On est prêt à répondre à la demande », indique-t-il, soulignant néanmoins la nécessité de déployer des efforts supplémentaires pour combler le déficit de juges, greffiers, shérifs, procureurs de la Couronne et avocats de la défense possédant un niveau de français adéquat pour exercer leurs fonctions.

Sandra Mandanici renchérit que le faible nombre de juges pouvant maîtriser le français est particulièrement préoccupant. « Il y en a seulement cinq ou six à la Cour provinciale et à la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Cette pénurie entraîne de plus longs délais pour l’audition des procès en français, ce qui pousse certains accusés, surtout les détenus, à choisir un procès en anglais pour éviter une longue attente. Pour que ça prenne un mois au lieu de quatre, par exemple ».  

L’avocate de la défense et présidente de l’AJEFCB, Sandra Mandanici, affirme que depuis l’arrêt Tompouba de la Cour suprême du Canada en mai dernier, les juges de paix veillent désormais à « systématiquement informer les accusés de leur droit à un procès dans la langue officielle de leur choix ». | Crédit : Sandra Mandanici

Selon Sandra Mandanici, « les délais prolongés causés par le manque de ressources humaines pour organiser des procès en français limitent l’utilisation des services de justice en français. De plus, le manque de compréhension du français québécois par les juges bilingues, étant donné que 98 % des accusés francophones en C.-B. sont des Québécois, constitue également un obstacle. »

 La présidente de l’Association des juristes d’expression française de la Colombie-Britannique et avocate de la défense, Sandra Mandanici, salue les efforts actuels entrepris pour trouver un juge francophone par la juge en chef de la Cour provinciale de Colombie-Britannique, Melissa Gillespie, et son juge en chef adjoint, Paul Dohm, depuis l’arrêt du juge Wagner de la Cour suprême du Canada ayant réaffirmé l’importance des droits linguistiques, en juin dernier. 

En plus du manque de professionnels, la présidente l’AJEFCB souligne un manque important de jurés francophones. « On fait de gros efforts de recrutement de jurés à l’Association des juristes mais il est toujours difficile de trouver des jurés pour siéger à la Cour suprême provinciale et comme nous n’avons pas un très grand bassin de population francophone, c’est d’autant plus problématique. »

Le directeur du Centre d’intégration pour immigrants africains, Paul Mulangu, souligne que la qualité de l’interprétation peut varier considérablement, et rappelle qu’une Interprétation imprécise ou incomplète peut entraîner de graves malentendus. Crédit : Paul Mulangu

 Un long chemin à parcourir

Le directeur du Centre d’intégration pour immigrants africains, Paul Mulangu, souligne que l’accès à la justice en français en immigration, en droit de la famille ou du logement est pratiquement impossible pour les membres de son organisme, majoritairement francophones. 

« On avait remarqué qu’avec notre avocat spécialisé dans l’immigration, Warren Puddicombe, c’était vraiment facile pour les accusés d’obtenir un procès en français. Mais il est devenu juge et personne ne l’a remplacé. Il y a un manque flagrant d’avocats et de services juridiques en français. Certains ne savent pas où aller, il y a beaucoup de gens qui sont en prison par manque d’avocats ou de commissaires de libération conditionnelle maîtrisant le français », indique-t-il.

Bien que des progrès aient récemment été réalisés en matière de droit criminel, l’accès à la justice en français en Colombie-Britannique reste un processus exigeant qui requiert de plus grandes ressources francophones pour garantir un accès équitable à la justice pour tous.

Le site lajef.ca et l’organisme Access Pro Bono de la C.-B. proposent tous les deux un service de mise en relation avec des avocats ayant des compétences linguistiques nécessaires pour servir la population en français.