Le comité anti-violence de Réseau-Femmes Colombie-Britannique, réunissant plusieurs organismes francophones de la province, a travaillé pendant des mois pour rendre visible les violences faites aux femmes francophones en C.B. Malgré un premier financement du gouvernement provincial, il reste du travail à faire pour améliorer l’accueil et le soutien juridique pour les femmes francophones et francophiles britanno-colombiennes.
Suzanne Leenhardt – IJL- Réseau.Presse – Journal La Source
“Rendre visible ce qui trop souvent ne l’est pas”. C’est en ces mots que la coordinatrice et gestionnaire de projets à l’organisme Inform’elles, Marie Dussault résumait le travail du comité anti-violence lors d’un forum en mars dernier. Pendant plusieurs mois, dix femmes se sont réunies pour travailler sur les violences faites aux femmes francophones. Depuis des décennies, des voix s’élèvent pour faire entendre le besoin de services en français dans une province majoritairement anglophone. Bien que des projets locaux soient en cours, la continuité de ces initiatives reste un défi.
Une déclaration citoyenne remise à quatre députées
“Depuis le mouvement de libération de la parole MeToo et la COVID, les demandes d’aide ont augmenté, souligne Maryse Beaujeau Weppenaar, directrice générale de Réseau-Femme Colombie-Britannique, organisme qui rassemble les femmes francophones de la province. Face à ce constat partagé à l’étranger, le comité anti-violence a rédigé une “déclaration citoyenne de l’élimination de la violence envers les femmes francophones”. Le document de 30 pages, traduit en anglais, énumère les types de violences et leurs mécanismes. Il émet aussi plusieurs recommandations aux législateurs pour atteindre une “société équitable et libre de toute violence fondée sur le genre”, et a été remis à quatre députées de la province. Aussi, un webinaire disponible sur leur site internet rappelle les tristes données sur le sujet : au Canada une femme sur trois a été victime de violence sexuelle et les femmes autochtones sont tuées sept fois plus.
Un accès limité à la justice
Si les victimes de violence peuvent avoir des profils variés, la vulnérabilité des femmes nouvellement arrivées au pays et ne maîtrisant pas bien l’anglais se vérifie facilement sur le terrain. À Vancouver, le Vancouver Rape Relief héberge en urgence les femmes et enfants battus depuis 1980 et dispose d’une capacité d’accueil d’environ cinq familles. “Tous nos résidents du moment ne possèdent pas l’anglais comme langue première, témoigne Hilla Kerner, employée au refuge. Cette structure emploie des personnes bilingues pouvant échanger en diverses langues comme le punjabi, le cantonais, le mandarin, le français, l’arabe ou encore le portugais. “Maintenant on se bat pour que la police recueille les déclarations des victimes dans leur langue première, les questions doivent être posées correctement”, souligne-t-elle.
En plus de ces ressources documentaires disponibles en français, les organismes francophones se sont aussi penchés sur des problématiques plus spécifiques comme les séparations conjugales. Sur le même modèle, un comité “justice pour tous” a recueilli plusieurs témoignages de personnes en difficulté face à des services juridiques anglophones. “Pour des femmes battues par le conjoint ou en procédures de divorce, c’est très stressant de ne pas comprendre les documents. Dans les situations de violence, c’est important d’avoir les mots justes et d’établir une relation de confiance : donc tout passe par la langue. ”, assure Sofia Panaccio, directrice générale d’Inform’elles. Arrivée à la tête de l’organisme à la fin du mois de mai dernier, l’avocate au barreau du Québec et des Territoires du Nord-Ouest connaît bien le sujet mais elle se veut optimiste : une récente réforme législative de la loi sur le divorce vient de passer pour que la procédure puisse être assurée en français.
Un premier financement provincial
Comme la plupart des organismes communautaires, Inform’elles et Réseau-Femmes doivent obtenir des financements pour poursuivre le travail des deux comités. “Ici, pendant des années, le gouvernement provincial était d’obédience très conservatrice et ne permettait pas d’avoir des fonds pour les violences faites aux femmes”, témoigne Maryse Beaujeau Weppenaar. La directrice générale de Réseau-Femmes explique aussi qu’il est difficile de faire reconnaître le français en milieu minoritaire comme prioritaire face aux autres langues : « Il se situe entre la neuvième et onzième langue parlée en Colombie-Britannique”, indique-t-elle. Pour rappel, récemment, la province a accordé un financement de 150 000 $ pour un an qui permettra à Inform’elles de remettre sur pied la ligne d’écoute d’urgence ouverte cinq jours sur sept qui avait été coupée en mars dernier. “Depuis que j’ai pris mon poste, je reçois un courriel chaque semaine me demandant si elle marche toujours, précise Sofia Panaccio. Mais même si on n’aidait qu’une seule femme par an, ce service est nécessaire car il n’est pas desservi dans la province ! ”, rajoute-t-elle. La ligne d’écoute téléphonique devrait fonctionner de nouveau en septembre prochain.