Des femmes d’origine africaine, en détresse, tirent la sonnette d’alarme

Le Centre d’intégration pour immigrants africains offre ses services en anglais, français, swahili et en d’autres langues africaines. | Crédit : Centre d’intégration pour immigrants africains

À l’occasion de la Semaine nationale de l’immigration francophone 2024, le Centre d’intégration pour immigrants africains (CIIA) a organisé le 9 novembre à New Westminster, en banlieue de Vancouver, l’événement « Rencontres des femmes immigrantes » pour discuter des défis auxquels elles font face et trouver des solutions.

Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

Pitchouna Kisimba, coordinatrice bénévole au CIIA et modératrice de l’événement, a dirigé la discussion en présence d’une vingtaine de participantes. Même si elle s’attendait aux problématiques soulevées, elle a été surprise par leur gravité.

Éducation, logement et santé mentale

« Nous avons identifié plusieurs problématiques majeures, notamment dans le domaine de l’éducation », explique la modératrice de la rencontre. Selon elle, « les enfants noirs des communautés francophones » peinent à s’intégrer dans le système éducatif à cause de la différence marquée avec le système éducatif de leurs pays d’origine et le manque de soutien scolaire à la maison, parfois lié à la faible scolarisation des parents.

« Le logement est un autre enjeu crucial », ajoute-t-elle. « Les familles africaines, généralement nombreuses, rencontrent des difficultés à trouver un logement assez grand. Avec la hausse des loyers, plusieurs d’entre elles ne parviennent plus à payer le loyer. C’est particulièrement difficile pour les familles monoparentales, car un salaire entier est souvent nécessaire pour couvrir le loyer. »

Pitchouna Kisimba souligne aussi le manque d’accès aux services de santé, qui va au-delà de l’absence d’un médecin de famille. « L’isolement, un phénomène beaucoup plus présent depuis la COVID-19, peut engendrer des problèmes de santé mentale. Comme elles n’ont pas de lieu où se rencontrer, plusieurs se sentent isolées. Pour les Africains, la maladie mentale est difficile à accepter parce que c’est tabou. »

L’exemple de « Maman Marie »

Marie Okitadjonga, responsable bénévole d’un groupe de mamans qui se rencontrent à l’église Maranatha African Mission à Vancouver, partage ses défis au quotidien.

« Le système que j’ai étudié chez moi et celui que j’ai trouvé ici sont très différents. Lorsque mes enfants m’apportent leurs devoirs, je leur enseigne ce que je connais. Alors, mes enfants sont frustrés parce qu’avec leurs enseignants, ils apprennent autrement », explique-t-elle.

Le logement représente un autre combat. « Je suis actuellement victime d’expulsion. On me force à quitter ma maison parce que le coût de la location est devenu trop élevé. La propriétaire souhaite accueillir de nouveaux locataires et augmenter le loyer », confie celle qui cherche une solution d’hébergement convenable pour sa famille.

À cela s’ajoute la difficulté à trouver un médecin de famille pour sa mère, récemment arrivée au pays et souffrant de démence et de dépression. « Lorsque j’appelle le 811, ils me disent que, si elle est malade, ma seule option est d’aller à l’urgence. J’ai été avec elle dans une clinique sans rendez-vous qui a refusé de me prendre avec ma mère malade. »

Compétence culturelle

Selon Pitchouna Kisimba, les Noirs ne se sentent pas toujours à l’aise de partager leurs problèmes avec des organisations menées par des Blancs. | Crédit : Centre d’intégration pour immigrants africains

D’après Pitchouna Kisimba, le principal défi auquel sont confrontées les femmes africaines est lié à la compétence culturelle. Selon elle, la réalité d’une personne noire francophone et celle d’une personne blanche francophone sont bien différentes.

« Nous sommes des Canadiens d’origine africaine. Il ne faut pas seulement que le Canada accepte les immigrants, il doit aussi reconnaître que les personnes immigrantes viennent de milieux divers avec des problèmes divers. Il est essentiel d’inclure tout le monde lorsqu’il s’agit de repenser le système », rappelle-t-elle.

« Le CIIA voudrait pouvoir offrir des services à ces Canadiennes d’origine africaine, mais on n’a pas les moyens de s’en occuper. Et quand on les réfère, elles n’arrivent généralement pas à trouver de solution à leur problème », relate Pitchouna Kisimba en contemplant les partenariats possibles avec la communauté francophone pour leur venir en aide.

Marie Okitadjonga souligne que l’absence de solutions affecte son bien-être mental et sa capacité à faire face aux défis quotidiens. « Écoutez nos pleurs. Si nous ne trouvons pas la solution, nous nous retrouvons seules à la maison à pleurer et ça nous rend dépressives. Alors moi, ce que je veux demander, c’est de nous offrir des solutions, le plus vite possible. »

Pour rappel, le Centre d’intégration pour immigrants africains est un organisme à but non lucratif créé en 2003. Son slogan est de « rendre plus voyante, la minorité visible ».

Pour en savoir plus : https://www.ciia-ciai.com/

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