La Bucket list

À un moment de ma vie, passé l’âge d’or, je me suis senti obligé, comme bien des gens le font, de dresser ce qu’on appelle en anglais the Bucket list, c’est-à-dire une liste des choses à faire avant de passer l’arme à gauche plutôt qu’à droite. Ces choses à accomplir peuvent se présenter sous la forme d’aventures telles que vouloir sauter en parachute d’un avion ou participer à un safari en Afrique. Ou encore, plus audacieux, traverser le Canada sur des échasses. L’idée de partir en croisière et apprendre à danser le tango à bord d’un bateau qui tangue peut séduire. Que sais-je encore ? Les possibilités sont infinies.

Vous pouvez imaginer des objectifs plus modestes, moins risqués. Par exemple battre le fer pendant qu’il est chaud ou, par curiosité, mettre une puce à l’oreille de quelqu’un. Il est possible aussi de se forger des idées toutes faites ou, encore, gagner du temps en évitant de tourner autour du pot. À la rigueur si vous faites un tour à la campagne essayez de donner de la confiture à un cochon. Quant aux chauves ils peuvent éviter de s’arracher les cheveux ou de se crêper le chignon. Comme vous le voyez ce ne sont pas les idées qui manquent.

Une fois ma liste établie j’ai poussé la réflexion un peu plus loin. Je me suis dit, tant qu’à faire, pourquoi ne pas créer une Bucket list des choses que je n’aimerais surtout pas faire avant de mourir. Je me suis mis au boulot immédiatement. Ça donne ceci.

« À un moment de ma vie, passé l’âge d’or, je me suis senti obligé, comme bien des gens le font, de dresser ce qu’on appelle en anglais the Bucket list… »

Surtout ne pas me baigner ou pêcher dans la mer Morte si je tiens à rester en vie. Elle est morte pour une raison bien simple : on l’a trop salée. Les poissons eux-mêmes ne sont pas assez fous pour s’y aventurer. De plus, n’ayant jamais pris des cours de premiers soins, je ne suis pas en mesure de la ranimer ou de la ressusciter même si un rabbin ou un bédouin du coin en faisait la demande.

On ne me prendra pas non plus à assister à un concert de Taylor Swift. Je n’ai rien contre elle si ce n’est peut-être le fait qu’elle sort avec un footballeur américain plutôt qu’avec un sportif canadien. Voir ce couple étrange ensemble me fait constater qu’en amour tout est possible. Non, je ne la boycotte pas. Tout simplement, autant le dire, je crains les foules et Dieu sait combien cette dame a le don d’attirer du monde. À tel point que des terroristes islamistes sont au courant de son succès. Non, tant qu’à faire si je dois me rendre à un concert, autant aller à celui de mes petits-enfants.

En aucune façon je ne changerai d’orientation sexuelle. Je ne tiens pas à semer davantage de confusion en ajoutant une autre lettre à l’acronyme LGBTQIA2S+ (dernière épellation en date). Sous peu, toutes les lettres de l’alphabet vont y passer. En fait, histoire de nous simplifier la vie, il suffirait de dire ABS (Anybody But Straight) à la place de toute cette succession de lettres dont, au grand dam des parties intéressées, on ne sait plus ce qu’elles signifient. Pourquoi compliquer les choses quand on peut faire simple, n’est-ce pas ?

Pas question de m’aventurer dans l’espace et de vivre sur la lune ou sur mars. Déjà qu’il m’arrive parfois de m’ennuyer sur terre, je me vois mal demeurer dans des endroits restreints où les théâtres et restaurants ne courent pas les rues. D’accord, la vue de là-haut est magnifique, semble-t-il, mais d’où je suis, de mon condo, il en est de même. Je peux admirer la mer, les montagnes et scruter le ciel et les étoiles de chez moi. Non, je préfère céder ma place à Elon Musk. Depuis que ce dernier s’est acoquiné et approuve la politique de Donald Trump, je rêve qu’il puisse un jour s’envoler avec tous ses milliards dans sa fusée Space X et ne plus jamais remettre les pieds sur terre. Un odieux riche de moins n’est pas pour m’alarmer, aurait pu dire Mallarmé le poète maudit.

À aucun prix je n’accepterai d’être l’envoyé spécial du Canada au Moyen-Orient. Moi qui, de toute façon ne sers pas à grand-chose, je ne vois pas ce que j’irais faire là-bas. J’ai d’autres conflits plus personnels à fouetter. Régler les différents différends de la région demeure et demeurera pour longtemps encore une tâche quasi impossible. Désolé de vous décevoir mais, en l’occurrence, impossible est bien français. Comment voulez-vous faire vivre ensemble des gens qui se haïssent et ne pensent qu’à s’entretuer ?

Au fond, somme toute, s’il y a bien une chose que je n’aimerais vraiment pas faire avant de mourir, c’est de mourir.

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