Parmi les francophones en milieu minoritaire, certains ont préféré le calme de la montagne aux vibrants centres urbains. À Whistler, plus grand domaine skiable de la Colombie-Britannique, ils sont des résidents de longue date ou saisonniers pour quelques mois.
Suzanne Leenhardt –IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Quelles sont les raisons qui poussent à partir ? Les parcours d’immigration sont uniques et diffèrent en fonction de l’âge, du pays d’origine et puis surtout des politiques et des accords bilatéraux entre les pays. Clémence Tournelle, 25 ans, a quitté sa Mayenne natale en France pour Whistler en novembre 2023. « J’ai choisi Whistler parce que j’aimais skier et je voulais apprendre l’anglais. C’était la meilleure option pour moi et la plus proche de Vancouver, à seulement deux heures de bus de l’aéroport », raconte la jeune femme. Aujourd’hui réceptionniste pour un hôtel du village, elle avait songé à partir à Toronto ou Montréal pour sa deuxième année et pour travailler dans son domaine professionnel mais elle s’est finalement ravisée. Son statut de travailleuse temporaire obtenu par le Programme vacances-travail est valide jusqu’en octobre 2025. « Après, je pense faire une demande de mobilité francophone pour prolonger mon visa d’un an. Ensuite, on verra bien ! », songe-t-elle.
Des saisonniers comme elle, ils sont en moyenne 2 432 à l’année pour 14 000 habitants, d’après l’association Tourism Whistler, gérée par la municipalité. La part des francophones est complexe à évaluer. Quand on parle de francophonie, on va d’abord chercher à dénombrer et recenser les locuteurs de la langue. Mais la réalité est plus complexe entre ceux qui ont le français comme langue première, les personnes bilingues, les autres capables de suivre une conversation, et ceux qui l’ont appris à l’école mais ne le pratiquent pas.
Une communauté réduite
D’après une étude de Statistique Canada, en 2021, Whistler recensait 15% de sa population pouvant entretenir une conversation en français. Et se classait donc parmi les villes de la province de plus de 500 habitants ayant le plus fort pourcentage avec les localités avoisinantes de Squamish et Pemberton.
Du côté des résidents francophones de longue date, il faut plutôt se tourner vers les commerçants. Le propriétaire du restaurant Crêpe Montagne, Michel Gagnon, a observé l’évolution des habitants de la station. Diplômé de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, il s’installe à Whistler en 1992 avec sa conjointe d’alors, d’origine bretonne. Quelques années après, en 1997 ils ouvrent leur crêperie, achètent une maison et ont deux filles. « Elles ont fait l’école en français, et à la maison, c’était en français! », assure le chef d’entreprise.
Pour lui, il n’y a pas eu de grande évolution de la communauté francophone à Whistler. Parmi ses employés, certains sont français mais d’autres sont japonais et australiens. Et chez les clients ? Il n’y en a beaucoup. « Les Québécois vont en vacances en Floride. La Colombie-Britannique, c’est cher, alors s’ils viennent c’est plutôt pour visiter leurs enfants », estime-t-il.
Un constat plutôt partagé par Clémence Tournelle : les francophones ne sont pas majoritaires parmi les personnes qu’elle a rencontrées à Whistler. « Quand j’en rencontre, forcément je vais aller plus facilement vers un Français qu’un francophone canadien ou d’un autre pays parce qu’on a plus de références communes mais ici c’est le ski qui rassemble » , reconnaît-elle.
Les quelques signes d’une culture francophone
Malgré une communauté réduite, y a-t-il des traces d’une culture francophone à Whistler ? Fondée en 1990 et gérée par le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, l’école La Passerelle propose des cours entièrement en français. Elle compte aujourd’hui 75 élèves et s’étend de la maternelle à la 7e année. Elle organise plusieurs évènements en lien avec la francophonie mais cela reste destiné aux élèves.
Le signe le plus évident de la présence francophone se trouve certainement du côté de la gastronomie. On retrouve des crêpes suzette, normandes et provençales chez Michel Gagnon. Plus loin, l’Alta Bistro dit offrir une « cuisine française moderne ». Au mois d’avril dernier, le restaurant Bearfoot Bistro a proposé pour la première fois à ses clients un menu spécial pour célébrer la saison de la récolte de la sève d’érable au Québec. Le chef du restaurant, Dominique Fortin, est lui-même originaire de la ville de Québec.
La fête nationale du Québec, la Saint-Jean Baptiste, n’est pas vraiment célébrée si ce n’est par les poutines que proposent les restaurants du village. « Les gens célèbrent de manière non officielle dans les bois, autour d’un feu de camp et de la musique, souligne Michel Gagnon. C’est pareil pour la fête nationale des Français le 14 juillet. » À y réfléchir, Clémence Tournelle reconnaît là une similitude : “C’est vrai qu’ici, comme en France, on fait pas mal la fête ! », sourit-elle.