La Colombie-Britannique, comme le reste du Canada, fait face à une pénurie importante d’infirmières et d’infirmiers dans le secteur public, ce qui conduit à une dépendance croissante envers les agences de personnel infirmier à but lucratif à travers la province.
Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
L’étude « Ouvrir la boîte noire : Décortiquer l’utilisation des agences de personnel en soins infirmiers au Canada », commandée par la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers (FCSII) et publiée en septembre 2024, examine un sujet encore peu documenté.
Le travail en agence
Pour les infirmières et infirmiers en agence interrogés dans le cadre de l’étude, le taux horaire plus élevé, la possibilité de voyager et d’apprendre dans différentes unités de santé, l’absence de bureaucratie et le contrôle de leur emploi du temps sont toutes des raisons qui les amènent à travailler pour des agences.
À l’inverse, plusieurs aspects négatifs du travail en agence sont soulignés, notamment l’absence d’avantages sociaux comme les congés payés et l’accès à une pension, l’adaptation constant aux différents lieux de travail, l’isolement, la complexité fiscale liée au statut de travailleur autonome, ainsi que l’image négative souvent véhiculée par les médias.
Les défis au public
Adriane Gear, présidente de la BC Nurses’ Union (BCNU), affirme que le personnel infirmier du secteur public est confronté à une charge de travail croissante.
« Les infirmières et infirmiers ont l’impression qu’ils n’ont aucun contrôle sur leur temps libre ou qu’ils doivent constamment travailler. C’est la raison principale qui les incite à se tourner vers les agences », explique-t-elle en ajoutant que les exigences opérationnelles l’emportent souvent sur les dispositions des conventions collectives en matière de congés.
La présidente de la BCNU reconnaît que les salaires plus élevés offerts par les agences privées à but lucratif attirent. « Pour les jeunes qui souhaitent épargner en vue de la mise de fonds sur une maison, c’est beaucoup plus rapide. Mais ils sacrifient leur pension, leurs avantages sociaux et la protection offerte par une convention collective. »
L’augmentation des coûts
Adriane Gear indique que le recours aux agences privées de dotation en personnel infirmier à but lucratif a historiquement servi à couvrir les zones rurales et éloignées.
« Depuis la pandémie, le recours aux agences privées à but lucratif s’est intensifié et généralisé. Une agence est payée, disons 300 dollars l’heure. L’infirmière ne reçoit pas ce montant de l’agence. Elle perçoit un très bon taux horaire, mais l’agence réalise un bénéfice important. Cette infirmière coûte beaucoup plus cher au système qu’une infirmière de l’autorité sanitaire. »
L’étude de la FCSII révèle qu’en Colombie-Britannique, entre les exercices fiscaux 2021-22 et 2022-23, les dépenses consacrées aux agences sont passées de 76,5 millions de dollars à 163 millions de dollars, soit une différence de 113,07 %. Les rapports budgétaires du gouvernement de la Colombie-Britannique révèlent qu’au cours de la même période, les dépenses globales de santé en Colombie-Britannique n’ont évolué que de 9,78 %, passant de 27,6 milliards de dollars à 30,3 milliards de dollars.
Adriane Gear se garde bien de juger le personnel infirmier du secteur privé. « Par ailleurs, si le gouvernement dépense autant d’argent sur des agences de soins infirmiers à but lucratif, alors pourquoi ne peut-il pas faire mieux pour ses propres employés? »
Un pas vers l’avant
Le programme GoHealth BC, lancé en 2023, se concentre sur les soins infirmiers dans les communautés rurales et éloignées de la province, soit dans les régies Island Health, Northern Health et Interior Health. Il offre au personnel infirmier du secteur public des opportunités similaires à celles proposées par les agences privées.
Un communiqué de presse du gouvernement de la Colombie-Britannique, publié en septembre 2024, annonce que la province est en voie de devenir la première au Canada à établir des ratios minimums infirmière-patient.
Adriane Gear souligne que la BCNU considère l’établissement de ratios minimums infirmière-patient comme une avancée majeure. « Cette mesure est un précédent mondial avec une norme de dotation d’une infirmière pour quatre patients dans les unités médicales/chirurgicales, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. »