Le mois de la santé mentale, en mai, met en lumière les stigmates persistants, les défis d’accès aux soins et la précarité du financement des organismes communautaires pourtant en première ligne.
Suzanne Leenhardt – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
À l’occasion de la Semaine de la santé mentale, du 5 au 11 mai, l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) a invité chacun à « faire tomber le masque » : c’est-à-dire briser le tabou entourant l’entretien de sa santé mentale.
Mais discuter de nos angoisses et nos émotions et passer le cap de consulter un professionnel de la santé semble parfois être aussi difficile que de gravir une montagne. Traumatismes, finances et manque de services sont autant de freins à l’accès aux soins. Face à ce constat, les organismes communautaires constituent les premières lignes d’écoute pour déceler les besoins et y répondre, mais peinent à assurer la pérennité de leurs services.
Le coût des consultations, un premier frein
À Vancouver, l’équipe d’intervention sociale de La Boussole accompagne en français des personnes en situation de précarité. Lors de ce suivi personnalisé, des troubles mentaux peuvent être identifiés, qu’ils soient exprimés ou non.
« Notre équipe est en première ligne pour déceler les signes de détresse. La proximité avec les bénéficiaires va permettre de recevoir certains signaux d’alerte : un repli sur soi, un changement de comportement ou de la colère, et elle permet aussi un cadre sûr pour qu’ils en parlent en toute confiance », souligne Malaury Fabre, gestionnaire des services sanitaires et sociaux et ancienne intervenante sociale à La Boussole.

Malaury Fabre, gestionnaire des services sanitaires et sociaux de La Boussole | La Boussole
Face à ces situations, les membres de La Boussole proposent diverses ressources pour se soigner. « Notre rôle est aussi de les accompagner dans leurs démarches de recherche d’un psychologue pour démystifier le recours aux soins en santé mentale », ajoute la gestionnaire.
L’organisme assure aussi des séances de thérapie à prix variable : entre 2 $ et 52 $ par rendez-vous, en fonction des revenus annuels du bénéficiaire. Actuellement environ 15 personnes en bénéficient, soit la capacité maximale.
Lorsque le service est complet, La Boussole oriente vers d’autres organismes, non sans difficulté puisque les professionnels francophones se font rares en Colombie-Britannique et le prix des consultations est « juste inaccessible pour beaucoup de nos bénéficiaires », souligne-t-elle.
Ce service, comme les ateliers d’art-thérapie, est menacé chaque année faute de budget attitré, dépendant de subventions qui peuvent cesser à la fin de l’année fiscale en mars. « C’est une épée de Damoclès sur la tête des bénéficiaires », pose lourdement Malaury Fabre, « Une thérapie peut parfois durer plusieurs années. »
Plus de 3600 lits de rétablissement
Dans son rapport publié en novembre dernier, L’état de la santé mentale au Canada 2024, l’ACSM note que les provinces consacrent en moyenne « 6,3 % de leurs dépenses globales en santé, à la santé mentale » et elle recommande de fixer la barre à 12 %, à l’image de certains pays européens. »
L’ouverture de trente-cinq centres Foundry est prévue d’ici 2028 afin d’offrir des services gratuits aux jeunes de 12 à 24 ans.
Le rapport de l’ACSM indique que la C.-B. fait face à des problématiques particulières comme celle du plus haut taux de décès liés à la consommation d’opioïdes ainsi qu’un taux d’hospitalisation attribuable à une consommation d’alcool plus élevée que la moyenne nationale.
En raison de la situation géographique de ses bureaux au cœur du Downtown Eastside, l’équipe de La Boussole est formée à l’utilisation de la naloxone en cas de surdose. « La prise de substances, l’itinérance et les troubles de santé mentale s’entrecroisent. C’est pour ça que je dis souvent que nos intervenantes sociales sont de vrais couteaux-suisses », s’exclame Malaury Fabre.
Parmi les recommandations adressées au gouvernement fédéral, l’ACSM souligne le besoin de financement des organismes communautaires, qu’elle juge indispensable à la prévention et à l’orientation vers des soins en santé mentale.
Pour du soutien en santé mentale en français en C.-B. : laboussole.ca