
Kitimat est le site de la seule fonderie d’aluminium de la C.-B. | Crédit : Wikimedia Commons
La ville de Kitimat en C.-B., centre névralgique du principal fournisseur d’aluminium aux États-Unis, Rio Tinto, se prépare à une possible augmentation de 25 % des tarifs américains sur l’aluminium et l’acier, prévue pour le 4 mars 2025.
Marie-Paule Berthiaume – IJL – Réseau.Presse – Journal La Source
Le maire de Kitimat, Phil Germuth, a une impression de déjà-vu. Il rappelle qu’en 2018, « les menaces de Trump concernant une hausse des droits de douane de 10 % étaient moindres et n’avaient pas eu d’effets négatifs. À l’heure actuelle, le pire scénario en vue est un ralentissement de la production, en plus de licenciements. Nous ne le saurons qu’après coup. »
Phil Germuth souligne l’importance de l’industrie de l’aluminium pour Kitimat, qui remonte à 1950, lorsque Alcan a sollicité l’appui du gouvernement provincial pour établir une fonderie et la centrale électrique de Kemano.

Le maire de Kitimat, Phil Germuth, identifie Rio Tinto et LNG Canada comme les principales industries de la région depuis le départ de Methanex et d’Eurocan Pulp and Paper.
« Kitimat compte environ 8 400 habitants. L’usine d’aluminium emploie directement 1 000 personnes. De nombreuses entreprises connexes, liées à la maintenance ou à l’approvisionnement, en dépendent également. Aucune autre industrie, comme la sylviculture ou l’exploitation minière, n’a été en mesure d’offrir une stabilité comparable à celle de l’aluminium », explique-t-il.
Il rappelle qu’une « fonderie ne peut être arrêtée temporairement sans conséquences majeures : une fermeture, même brève, peut la rendre inopérable pour une longue période. C’est pourquoi l’aluminium demeure le pilier économique de Kitimat, opérant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et 365 jours par année. »
Le maire de Kitimat estime Rio Tinto vital pour la survie de sa communauté. « L’industrie de l’aluminium est le secteur principal depuis plus de 70 ans, et toute perturbation aurait un impact important sur les communautés locales. En plus des résidants de Kitimat, 300 travailleurs à temps plein provenant de la ville voisine de Terrace sont aussi employés par Rio Tinto. Un impact sur la fonderie affecte donc non seulement Kitimat, mais toute l’économie régionale et provinciale ».
Une histoire de résilience
Rio Tinto, opposé au tarif de 10 % imposé en 2018 par Donald Trump sur l’aluminium canadien, a déjà mené avec succès des pressions qui ont abouti à une exemption toujours en vigueur.
Malgré les préoccupations assez discrètes de Rio Tinto, le directeur général Jakob Stausholm a passé la semaine dernière aux États-Unis à faire du lobbying. Selon l’article du Wall Street Journal intitulé « Rio Tinto Has Backup Plan If U.S. Imposes Tariffs on Aluminum Imports » (Rio Tinto a un plan de secours si les États-Unis imposent des tarifs douaniers sur les importations d’aluminium), Stausholm a déclaré que Rio Tinto n’avait pas encore réorienté ses ventes d’aluminium, lorgnant possiblement vers l’Europe, dans l’attente de voir si le président des É.-U. imposera le tarif douanier annoncé.
La directrice générale de la Chambre de commerce de Kitimat, Laurel D’Andrea, salue la réponse prudente de Rio Tinto à la situation actuelle : « Ils ne disent pas grand-chose, mais il est plus intelligent de ne pas abattre ses cartes avant d’être prêt. La communauté ne réagit pas de manière excessive non plus, consciente du fait que Rio Tinto est une entreprise basée sur des stratégies à long terme, faisant toujours preuve de résilience et d’attention envers la collectivité. »

Selon Laurel D’Andrea, directrice exécutive de la Chambre de commerce de Kitimat, l’événement Business Breakthrough, organisé en collaboration avec WorkBC, pourrait éventuellement aborder les défis liés aux tarifs douaniers. | Crédit: Chambre de commerce de Kitimat
Elle confirme que certains des 250 membres de la chambre de commerce de Kitimat sont indirectement affectés par la situation. « En tant que chambre de commerce, nous faisons partie des réseaux provinciaux et nationaux, ce qui nous permet d’élaborer des politiques bénéfiques qui répondent aux préoccupations de nos membres. Nous nous concentrons à la fois sur les instances politiques régionale, provinciale et fédérale pour bien saisir les répercussions sur nos membres. »
Les défis de demain
Selon Phil Germuth, « Il est clair que les États-Unis ne produisent pas suffisamment d’aluminium pour répondre à leur demande intérieure. Il semble donc étrange d’imposer des droits de douane sur une ressource dont ils ont clairement besoin. Cette décision n’aurait pas seulement un effet sur les entreprises canadiennes, mais aussi sur les entreprises américaines ».
Le Canada représente environ 70 % des importations d’aluminium brut aux États-Unis, selon l’analyste spécialisé dans le marché des métaux, Harbor Intelligence.
Des efforts ont été faits pour contacter Rio Tinto afin d’obtenir son point de vue, mais aucune réponse n’a été reçue avant la publication. Le syndicat des employés de Rio Tinto, Unifor 2301, a également été contacté, et a choisi de ne pas commenter.